GrandMasters d'Hearthstone : Blitzchung n'a pas de regret, Blizzard dans la tourmente

Le joueur Chung Ng Wai apportait récemment son soutien aux manifestations de Hong Kong et Blizzard Taiwan le disqualifiait des GrandMasters 2019 d'Hearthstone. Le joueur ne regrette rien, et Blizzard subit un sévère retour de flamme.

On l’évoquait hier, le joueur professionnel Chung "Blitzchung" Ng Wai a été disqualifié du tournoi des GrandMasters 2019 d’HearthStone (en plus d’être privé de ses gains et interdit de compétition pour un an) après avoir soutenu les manifestations actuellement en cours à Hong Kong, qui contestent la domination de la Chine sur l’ex-colonie britannique, lors d’une interview post-match diffusée en marge du tournois du jeu en ligne de cartes à collectionner. 
La Chine est un marché important pour Blizzard et la branche taiwanaise du groupe a manifestement voulu éviter de froisser les autorités chinoises – et a donc promptement écarté le joueur de la compétition, effacé l’interview de sa chaîne Twitch et cessé toute collaboration avec les deux intervieweurs.

Blitzchung

Mais, on le sait, bien souvent, essayer de passer un événement sous silence conduit au contraire à attirer l’attention et à lui octroyer une visibilité décuplée (c’est l’effet Streisand). Et c’est manifestement exactement ce dont Blizzard fait les frais actuellement – a fortiori à l’heure où la Chine et les Etats-Unis se livrent une guerre commerciales.
Plusieurs sénateurs américains se saisissent donc de l’événement et livrent leur ressenti. Pour le sénateur démocrate Ron Wyden sur Twitter, « Blizzard montre qu'il est prêt à s'humilier pour complaire au Parti communiste chinois. Aucune entreprise américaine ne devrait censurer les appels à la liberté au nom de l’argent facile », quand le sénateur républicain Marco Rubio considère sur le réseau social que « des gens qui n’habitent pas en Chine doivent s’autocensurer ou faire face à des licenciements ou suspension. La Chine utilise l’accès à son marché comme levier pour écraser la liberté d’expression dans le monde. Les implications de cette situation se feront sentir encore bien longtemps après que les politiques américains d’aujourd’hui auront tous disparu ».

Les effets de la décision de Blizzard Taiwan ont des conséquences jusqu’au siège californien de Blizzard. Traditionnellement, le studio revendique plutôt des valeurs d’ouverture, de respect, d’éthique ou d’inclusion – dans les déclarations d’intention de Blizzard, on peut lire que le studio « est ce qu’il est grâce aux voix de ses joueurs et de chaque membre de la société : chaque employé est encouragé à parler, à écouter, à être respectueux des autres opinions et à accepter la critique comme le premier pas vers une grande idée ». Et les jeux du studio en sont plutôt la démonstration (les personnages d'Overwatch, par exemple, sont de toutes origines, de tous âges ou orientation sexuelle). 
Mais sur le campus de Blizzard à Irvin, en Californie, les plaques qui affichent « penser mondialement » et « chaque voix compte » ont été recouvertes, manifestement par des salariés qui ne se reconnaissent pas dans la décision du studio.

Et il en va de même chez les joueurs. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #Blizzardboycott a été relayé plus de 33  000 fois en France, des joueurs appellent à se mobiliser en faveur de la libération de Hong Kong pendant la BlizzCon 2019 qui se tiendra début novembre prochain (notamment via le livechat des retransmissions de la convention de Blizzard), et d’autres ont brandi des pancartes « Libérer Hong Kong, Boycotte Blizzard » pendant l’American Collegiate Hearthstone Championship (un autre tournoi d’Hearthstone). Et des studios tiers y voient l’occasion de se faire entendre aussi : le studio Immutable, qui signe le jeu de cartes Gods Unchained, se propose de couvrir les gains non versés de Chung Ng Wai et l’invite à participer à son propre tournoi, qui met en jeu 500 000 dollars de dotations – s’il peut effectivement se tenir, puisque la compétition a manifestement fait l’objet d’une attaque informatique empêchant pendant plusieurs heures les participants de se connecter.

Quant à Blitzchung, il dit ne rien regretter de son geste – quand bien même il met un coup de frein (d’arrêt ?) à sa carrière de joueur professionnel après quatre ans d’investissement pendant lesquels il dit avoir sacrifié ses amis et ses études. Le joueur de 21 ans précise être préoccupé par les manifestations de Hong Kong (qu’ils suivaient pendant la compétition, contribuant à le distraire de ses objectifs purement compétitifs). S’il « n’imaginait pas de telles conséquences », il considère qu’il ne devrait « pas avoir à redouter la "terreur blanche" » (en référence aux pressions politiques que subissent les manifestants de Hong Kong), et qu’il devrait « pouvoir s’exprimer librement ». Et de conclure qu’il espère que son « acte pourra inspirer d’autres joueurs comme lui ».

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