Les enjeux du « développement ouvert »

De plus en plus souvent, les équipes de développement s'ouvre pour associer les joueurs aux processus de conception des jeux. Mais aux risques aussi de s'exposer au retour de bâton de communautés parfois très virulentes.

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En seulement quelques années, le développement de jeu a drastiquement évolué : longtemps, un jeu était développé par une équipe de développeurs, testé en interne et vendu sous forme de boîtes auprès de détaillants. Ce schéma existe toujours, évidemment, mais les jeux en ligne, leurs modèles économiques hybrides et surtout les accès anticipés sur les plateformes de distribution dématérialisée l'ont drastiquement fait évoluer.
Un jeu est toujours conçu par une équipe de développeurs, mais après avoir été (partiellement) financé par les joueurs, lancé avant que le développement ne soit achevé, tout en étant distribué en ligne, en free-to-play, sans éditeur et en associant les joueurs au processus de développement.
Une évolution drastique, donc, qui fait dire à Rob Pardo (dans les colonnes de Fortune) que le développement de jeux entre dans un « nouvel âge d'or », mais pas sans risque. Et il a sans doute une certaine expérience de la question puisqu'en 17 ans de bons et loyaux services chez Blizzard (avant de quitter le studio l'été dernier), il a porté des projets comme le colossal barnum qu'est World of Warcraft ou le très modeste HearthStone.

« Nous entrons réellement dans un nouvel âge d'or du développement de jeu. Les barrières entre un game designer et un joueur se sont littéralement effondrées. Tout comme aux premières heures de l'industrie du jeu vidéo, vous pouvez à nouveau aujourd'hui concevoir un jeu avec une très petite équipe et le distribuer directement aux joueurs. Ça permet de concrétiser une bien plus grande diversité d'idées et de contenus. »

Pour autant, tout n'est pas rose. Cette nouvelle forme de développements des jeux promet certes plus de liberté et de diversité, mais suppose aussi mécaniquement une plus grande offre (donc plus de difficultés à se distinguer de la masse) et surtout la nécessité de concilier avec des joueurs parfois très exigeants. Rob Pardo poursuit.

« C'est très malin de fédérer votre communauté pendant le développement du jeu. Dès lors qu'il est plus simple de distribuer votre jeu, il devient plus difficile d'être remarqué dans la déferlante de tous les autres jeux. Si vous avez déjà une communauté de joueurs investis autour de vous, ils représenteront la masse critique initiale qui testera le jeu et ils en parleront autour d'eux.
Pour autant, il y un revers à cette médaille, le risque que la communauté puisse ne pas aimer vos choix ou ne pas être d'accord avec vos décisions en termes de design, pendant le développement. Il est déjà tellement difficile d'arriver à un consensus au sein d'une équipe de développement... maintenant vous devez inclure un bien plus grand nombre de joueurs dans le processus de décision. »

On comprend les enjeux du « développement ouvert ». Sur le papier, il permettrait de mieux répondre aux attentes concrètes et réelles des joueurs, voire autoriser un peu plus d'audace chez les développeurs, pour peu qu'ils aient le soutien des joueurs. Mais le financement participatif montre néanmoins les limites de ce type d'approche très communautaires : une idée alléchante populaire chez les joueurs (ou ceux qui s'expriment le plus) ne fait pas forcément un bon jeu et à trop se focaliser sur l'adhésion du consommateur, on s'expose à dénaturer le projet initial. Et on en vient au paradoxe d'un tel schéma : le jeu indépendant qui se veut, par définition, la concrétisation de la « vision personnelle » du développeur (qui refuse de subir les contraintes d'un éditeur) pourrait avoir à subir la contrainte des joueurs les plus bruyants.
Si le « développement ouvert » intègre des atouts évidents, on imagine que choisir « à qui » et « dans quelle mesure » on ouvre précisément le développement seront quelques-uns des enjeux du développement des jeux de demain.

Réactions (7)

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  • Très bon article qui fait effectivement réfléchir sur le processus de développement d'un jeu.
    12/11/2014 à 13:32:58
  • Bon article. Le joueur devient un editeur. Souvent bien plus exigent qu'un editeur, avec beaucoup plus voix differentes. C'est facile d'etre d'accord sur un desacord mais de mettre tlm d'accord sur du concret ...
    L'avantage de l'editeur c'est qu'il payait les salaires. Hors kickstarter & cie, sauf exeption ne paye qu'une enquete d'opinion et demande bcp de travail a preparer.
    Y'a pas de model miracle, mais plus y'en a mieux c'est !
    12/11/2014 à 14:03:55
  • Bon article. Le joueur devient un editeur. Souvent bien plus exigent qu'un editeur, avec beaucoup plus voix differentes. C'est facile d'etre d'accord sur un desacord mais de mettre tlm d'accord sur du concret ...
    L'avantage de l'editeur c'est qu'il payait les salaires. Hors kickstarter & cie, sauf exeption ne paye qu'une enquete d'opinion et demande bcp de travail a preparer.
    Y'a pas de model miracle, mais plus y'en a mieux c'est !
    Résumé c'est sa^^
    Et c'est vrai qu'en y repensant sa doit être vraiment dur de satisfaire un maximum de personnes concernant certains choix sur un projet déjà créer. Je pense qu'une meilleur communication sur l'avancé d'un projet serai plus adapté que de laisser le joueur prendre part au développement du jeu.
    12/11/2014 à 14:54:22
  • Citation de Lonte :
    ...L'avantage de l'editeur c'est qu'il payait les salaires. Hors kickstarter & cie, sauf exeption ne paye qu'une enquete d'opinion et demande bcp de travail a preparer.....
    D'une KickStarter ,et compagnie,demande de l'argent en échange de l'avis du joueur . Et de deux , une fois le jeux lancé si celui ci est un succès ,le gars qui a financé par le biais de Kick Starter ne gagne pas d'argent ,en retour de son investissement de départ, contrairement aux éditeurs .

    Je ne suis pas contre le développement via ces plateformes , mais il ne faut pas y voir que des inconvénients ou ,comme le dis si bien l'article, que des avantages
    12/11/2014 à 16:14:13
  • le jeu indépendant qui se veut, par définition, la concrétisation de la « vision personnelle » du développeur (qui refuse de subir les contraintes d'un éditeur) pourrait avoir à subir la contrainte des joueurs les plus bruyants.
    Sachant que les plus bruyant ne sont pas forcement les représentatifs de la plus grande majorité.
    12/11/2014 à 17:25:48
  • Bon article qui donne matière à réfléchir sur l'avenir des JV.
    12/11/2014 à 18:27:33
  • C'est typiquement le mode de fonctionnement de bon nombres de projets open-source, le code visible en moins. Même si la plupart de ces projets sont ouverts aux contributions il n'en demeure pas moins que beaucoup sont dirigés par un ou des "dictateurs bienveillants", ce qui rejoint le modèle privateur.

    Ça existe juste depuis les années 80 ce mode de développement collaboratif, c'est une bonne chose que des gens redécouvre ce système. Quand on y pense que de temps perdu ...
    25/11/2014 à 16:23:39