Epic vs. Apple : Fortnite, l'ambition « d'un metaverse interactif, persistant et polyvalent »

Dans le cadre du différend qui oppose Epic à Apple, Fortnite a été banni de l'AppStore. Epic conteste la décision et entend démontrer les dommages irréparables qu'elle engendre : des dommages économiques, mais aussi d'ordres sociaux. 

Depuis maintenant quelques semaines, Epic Games et Apple s’opposent devant les tribunaux californiens : Epic conteste notamment le caractère fermé de l’environnement Apple, qui interdit de proposer aux joueurs de Fortnite sur iOS des solutions de paiements alternatives – les joueurs sont alors contraints d’utiliser les solutions d’Apple et donc de s’acquitter d’une commission de 30%.
Malgré les termes des conditions d’utilisation d’Apple, Epic Games a mis en place une solution de paiement alternative pour les joueurs de Fortnite, en conséquence de quoi Fortnite a été banni de l’AppStore et le compte développeur d’Epic suspendu. En attendant de se retrouver devant la juge Yvonne Gonzalez Rogers le 28 septembre prochain, les deux géants échangent leurs arguments respectifs et Epic réclame maintenant l’interdiction des « représailles » d’Apple à son encontre (« pour avoir osé contester des restrictions illégales »), le temps que l’affaire soit jugée.

On se souvient que la juge Yvonne Gonzalez Rogers avait validé le fait que Fortnite soit déréférencé de l’AppStore, au motif qu’Epic ne faisait pas la démonstration du « dommage irréparable » causé par cette suspension.
Pour faire la démonstration de ce dommage irréparable, Epic avance des chiffres : sur les 350 millions de joueurs inscrits de Fortnite, 116 millions jouent sur iOS (la première plateforme du jeu en nombre de joueurs) et 63% de ces joueurs ne jouent que sur iOS. Et le nombre de joueurs actifs de Fortnite sur iOS aurait décliné de 60% depuis l’exclusion du jeu de l’AppStore. Et de préciser que le temps pendant lequel les deux solutions paiements ont été disponibles (celle d’Apple et celle alternative d’Epic), 53,4% des joueurs ont utilisé celle d’Epic, moins onéreuse.
Fort du constat, Epic dénonce la position monopolistique d’Apple (qui « oblige à suivre ses règles ou à être coupé de ses millions d’utilisateurs »), mais conteste aussi la politique du groupe (« défiez nous et nous détruirons votre business »).

Concert de Travis Scott dans Fortnite

Mais le CEO d’Epic Tim Sweeney y voit aussi d’autres conséquences dommageables. Selon lui, « l’un des facteurs qui rend Fortnite si spécial est sa capacité intrinsèque à devenir un forum pour une grande variété d’expériences virtuelles sociales, comme des concerts, des projections de cinéma ou l’organisation de débats sociaux et politiques dans un univers unique et accessible gratuitement ». Le CEO fait référence aux événements culturels organisés dans le monde virtuel du jeu en ligne, que ce soit le concert de Travis Scott en avril dernier ou la diffusion récente de films de Christopher Nolan, mais aussi à la série We The People interrogeant sur les bouleversements sociaux qu’on constate actuellement aux Etats-Unis.
Il poursuit en précisant qu’à l’avenir, « Epic prévoit de multiplier les événements de ce types dans Fortnite, avec comme objectif ultime de créer un "Metaverse", un média social complet, solide, en temps réel et en 3D, avec sa propre économie et où les utilisateurs pourront créer et s’investir dans nombre d’expériences partagées ». Et selon Tim Sweeney, « la vitalité de Fortnite en tant qu’espace social dépendra significativement de son accès aux utilisateurs mobiles ». Et toujours selon Tim Sweeney, entraver cette évolution représente un « dommage incalculable ».

On attend maintenant la réponse d’Apple (sous une dizaine de jours), avant que les deux géants se retrouvent devant la juge à la fin du mois. D’ici là, on retiendra peut-être aussi les ambitions de Tim Sweeney pour Fortnite : en faire peu ou prou « un réseau social en 3D susceptible de concurrencer Facebook, Snapchat et les autres » (avec peut-être des arrières pensées juridiques, instillant l'idée qu'Apple entrave la liberté d'expression garantie par le premier amendement de la Constitution américaine en censurant une plateforme sociale comme Fortnite). On sera sans doute curieux de découvrir si la juge Yvonne Gonzalez Rogers se montrera réceptive à l'argument.

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