Un « accord inédit » conclu entre Microsoft et les syndiqués d'Activision Blizzard

Si Activision Blizzard a lutté contre la syndicalisation de ses salariés, son futur acquéreur Microsoft vient de signer un accord d'envergure avec le CWA, le syndicat national du secteur. Les salariés pourront se syndiquer sans crainte de représailles. 

Raven Software

Le mois dernier, quelques salariés du département d’assurance qualité (QA) du studio Raven Software (une filiale d’Activision Blizzard) obtenaient de haute lutte la création d’un syndicat visant à défendre leurs droits auprès de leur maison-mère. Nouvelle étape aujourd’hui dans ce processus de syndicalisation : le Communications Workers of America (le CWA, le syndicat national dont dépend la Game Workers Alliance créée chez Raven) viennent de conclure un « accord inédit » avec le géant Microsoft, qui rachète actuellement Activision Blizzard.

Le syndicat et l’entreprise ont conclu un « accord de neutralité », peu ou prou un pacte de non-agression entre les deux structures qui doit permettre une activité syndicale sereine au sein de l’entreprise. On le sait, aux Etats-Unis, les syndicats sont des organisations très puissantes et souvent très craintes des employeurs, au point que certaines entreprises militent très activement contre la syndicalisation de leurs salariés – c’étaient le cas d’Activision Blizzard, avant d’être légalement contraint d’accepter la création de la Game Workers Alliance chez Raven.

Manifestement, Microsoft adopte une approche plus mesurée que sa future filiale : le géant américain avait déjà indiqué ne pas vouloir s’opposer à la création d’un syndicat chez Activision Blizzard. L’accord conclu aujourd’hui avec le CWA formalise cette première intention et octroie même quelques garanties aux salariés :

  • Microsoft adoptera une « approche neutre » envers les salariés d'Activision Blizzard qui expriment la volonté de se syndiquer (les salariés syndiqués ne seront pas persécutés) ;
  • Les employés syndiqués pourront échanger entre eux et avec les représentants syndicaux sans entrave ;
  • Les employés auront accès à un processus simplifié pour décider s'ils veulent ou non adhérer à un syndicat ;
  • Les employés pourront choisir de garder confidentielle leur décision d'adhérer ou non à un syndicat ;
  • Et en cas de désaccord entre le syndicat et l’entreprise, les parties s’engagent à négocier rapidement et de bonne foi, et à défaut d’accord, elles acceptent de s’en remettre à un arbitrage accéléré.

L’accord n’a évidemment vocation à s’appliquer que si Microsoft parvient à finaliser l’acquisition d’Activision Blizzard (validée par les actionnaires d’Activision, mais qui doit encore être avalisé par la Federal Trade Commission américaine et son accord est manifestement loin d'être une formalité), et n’entrera en vigueur que 60 jours après la finalisation de l’opération.
Par voie de communiqué, les deux géants se satisfont de l’accord qui a été trouvé, offrant aux « travailleurs d'Activision Blizzard une voie pour exercer leurs droits démocratiques à se syndiquer et à négocier collectivement » – même si Microsoft précise aussi que « (se)s salariés n’auront jamais besoin de se syndiquer pour ouvrir un dialogue avec les dirigeants » du groupe.

Pour autant et moins ouvertement, Microsoft y trouve peut-être aussi compte. On se souvient que le CWA avait émis des réserves quant à l’acquisition d’Activision Blizzard par Microsoft, se disant « inquiet des intérêts des salariés » du fait de l’opération. Suite à la conclusion de l’accord, le syndicat se dit maintenant rassuré et impatient de travailler à l’avenir avec la direction de Microsoft. On en comprend le corolaire : Microsoft a maintenant un allié dans le processus d’acquisition d’Activision Blizzard, là où le syndicat aurait pu être un adversaire. On imagine que l’accord est le prix de ce soutien.

Et quelles que soient les motivations réelles de l’accord, il reste significatif : l’industrie du jeu vidéo a longtemps été un secteur où les droits des salariés étaient peu considérés (on s’y autorisait de nombreuses dérives au nom de l’attractivité des « métiers passions »). À l’évidence, le secteur évolue. Et on retiendra au passage que les 16 testeurs de Raven Software qui ont créé leur syndicat ont initié un mouvement qui permettra manifestement aux milliers de salariés d’Activision Blizzard de se syndiquer et que le mouvement pourrait faire tâche d’huile au sein d’autres géants du secteur.

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