GDC 2008 : « Les développeurs ont peur du sexe »

« Les développeurs de jeux ont peur du sexe ». C'est l'opinion défendue par Brenda Brathwaite dans le cadre de sa conférence « Hentai, Hardcore, and Hotties » lors de la GDC 2008.

Brenda Brathwaite (la « lady of sex » du jeu vidéo américain) est connue pour son militantisme en faveur de la présence de sexe dans le jeu vidéo. Elle est la fondatrice d'un groupe de travail dédiée à cette épineuse question au sein de l'IGDA et défendait cette année son point de vue dans une conférence intitulée « Hentai, Hardcore, and Hotties » à l'occasion de la Game Developers Conference 2008 (GDC 2008).

Selon l'universitaire, les « développeurs [de jeux] sont terrifiés à l'idée de mettre du sexe dans les jeux, de peur de subir une classification AO [Adult Only, pour les jeux réservés aux adultes], faisant figure de baiser de la mort pour leurs produits ».
Si elle reconnaît que cette crainte peut être fondée, elle souligne surtout qu'un jeu simplement classé « M » (pour « Mature ») ne sera parfois même pas distribué au Etats-Unis dans les enseignes grand public. Cette forme de censure (auto censure) commerciale impacte nécessaire les ventes d'un titre.

Elle met également en avant l'incohérence dont fait parfois preuve le système de classification américain des jeux. Un jeu traitant de l'éduction sexuelle des adolescents par exemple, sera généralement classé « Adult Only » par l'ESRB... le rendant inaccessible à sa cible de prédilection. Préférant « cacher » le contenu sexuel au risque à nuire à toute forme d'éducation et de prévention.

Dans le cadre de sa conférence lors de la GDC 2008, Brenda Brathwaite est par ailleurs revenue sur la polémique qu'a suscité le jeu Mass Effect aux Etats-Unis.
L'affaire a fait grand bruit : le jeu met en scène sensuellement deux personnages féminins (dont une « alien »). La connotation homosexuelle transposée par le jeu a entraîné l'interdiction momentanée de Mass Effect à Singapour, alors que la polémiques enflaient dans les médias américains (dénonçant « la nudité intégrale et les descriptions explicites d'activités sexuelles » du jeu).
Chacun pourra se forger sa propre opinion en visionnant la vidéo de la scène contestée.

Pour Brenda Brathwaite, la scène ayant suscité une telle polémique outre atlantique était « parfaitement acceptable », bien loin de « l'expérience hardcore » parfois relatée dans certain média. « En quoi n'est-ce pas OK ? En quoi est-ce problématique ? Si nous refusons toute forme de sexe dans les jeux, nous finirons par n'avoir que de "joyeux jeu Disney" dans les bacs ». Sans militer pour la présence de « sexe pour du sexe » dans les jeux vidéo, cette thématique, même explicite, pourrait y trouver sa place au gré des scénarios de jeu... comme dans tout type de média.

Pour autant, par définition, la « censure » s'inscrit dans les processus culturels de chaque pays et de chaque époque. Les foudres de la censure n'ont pas les mêmes cibles aujourd'hui qu'il y a un siècle. De même, les livres, films, jeux vidéo, etc. suscitant l'opprobre des censeurs ne sont pas les mêmes partout dans le mondes.
Brenda Brathwaite souligne que si l'Allemagne est particulièrement vigilante quant à la présence de violence dans les jeux qui sont distribués sur son territoire, aucune signalétique ne se réfère au contenu explicitement sexuel. L'actualité récente l'a montré avec Age of Conan. Les versions américaines, européennes et allemandes varient selon les critères et tabous locaux.

 

Du fait de son histoire, le jeu vidéo souffre d'une mauvaise réputation. Les fondateurs du jeu vidéo moderne (Nintendo et Sega, les deux principaux constructeurs de consoles des années 80) étaient respectivement des fabricants de cartes à jouer (reposant sur le « jeu d'argent » pour Nintendo) et gestionnaire de « maisons à soldats » pour les GI américains en poste au Japon (entre « violence et sexualité » pour SEGA).
Depuis lors, le jeu vidéo ne semble pas s'être émancipé de cette image sulfureuse. Encore aujourd'hui, la promotion du jeu passe largement par la mise en scène de créatures plantureuses (il suffit de jeter un oeil aux graphismes des boites de jeux ou aux animations des stands de développeurs dans les salons dédié au jeu vidéo), comme si le jeu vidéo s'adressait uniquement à un public adolescent en prise avec des hormones sur-actives... alors même que la moyenne d'age des joueurs ne cesse d'augmenter.

Si la sexualité dans le jeu vidéo semble avoir été longtemps associée à une image réductrice et dégradante de la femme, Brenda Brathwaite milite aujourd'hui en faveur d'une certaine maturité du secteur. Le jour où l'image de la femme se fera moins caricaturale dans le jeu vidéo, une certaine représentation de la sexualité y trouvera peut-être plus facilement sa place... tout comme dans la plupart des autres médias que ce soit la littérature ou le cinéma.

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