Test de Dune : Awakening

Longtemps présenté comme un MMO, Dune: Awakening assume finalement sa véritable nature : un jeu de survie pur et dur qui transpose fidèlement les lois impitoyables d'Arrakis en gameplay. Dans cette uchronie où Paul Atreides n'existe pas, Funcom livre une expérience dense et exigeante qui respecte l'essence de l'univers de Frank Herbert tout en traçant sa propre voie.

Longtemps flanqué de l’étiquette "MMO", Dune: Awakening s’assume finalement comme un jeu de survie pur jus. Un choix éditorial que Funcom a officialisé tardivement, mais qui fait sens : malgré quelques emprunts à l’ADN du MMORPG, le cœur du jeu bat au rythme sec et impitoyable d’Arrakis — ce n’est pas un monde qu’on parcourt, c’est un monde qui vous mâche et vous recrache, si vous ne respectez pas ses lois.

Une uchronie qui ne trahit pas Dune

Pas de Paul Atreides ici. Dans cette version alternative, sa mère a suivi les directives du Bene Gesserit et donné naissance à une fille. Un détail, peut-être, mais un détail qui change tout. Cette divergence narrative donne à Dune: Awakening la marge de manœuvre nécessaire pour s’émanciper des films de Villeneuve sans jamais trahir l’esprit de Frank Herbert. On s'écarte des marges du canon pour tracer sa propre route.

Dès l’intro, le jeu pose ses bases avec une élégance surprenante : la création de personnage s’inscrit directement dans le récit, au cours d’un échange avec une Mère Bene Gesserit. On ne clique pas sur des menus abstraits, on répond à des questions. Ce n’est pas révolutionnaire, mais ça fonctionne : en liant l’esthétique du personnage à son rôle dans l’univers, Dune: Awakening nous implique dès les premières minutes.

Une initiation bien pensée

L’un des pièges du genre survie, c’est de lâcher le joueur sans filet. Ici, Funcom opte pour un fil conducteur assumé : une quête principale, bien balisée, qui introduit les mécaniques par étapes. C’est clairement hérité du genre MMO, mais dans ce contexte, c’est un emprunt intelligent. Le jeu ne vous noie pas sous les systèmes : il vous laisse respirer, comprendre, tester. C’est rare et appréciable.

Le créateur de personnage, lui, reste un peu en retrait par rapport aux standards du genre. Peu de coupes de cheveux, des choix limités… mais l’essentiel est là. Et encore une fois, le contexte narratif compense largement cette sobriété.

Survivre à Arrakis

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Là où Dune: Awakening impressionne vraiment, c’est dans sa capacité à faire de la survie une mécanique cohérente avec l’univers de Dune. L’eau est précieuse (on s’y attendait) mais ce n’est pas qu’un compteur à surveiller. Il faut la chercher, la stocker, la protéger. L’ombre devient un abri stratégique ; les dunes, un piège mortel si vous les traversez sans réfléchir. Les vers sont bien là, et ils ne pardonnent pas. Tomber sur un Shai-Hulud, c’est perdre tout votre stuff, votre inventaire, votre véhicule. Brutal, mais juste.

Le jeu pousse à lire le terrain, à anticiper, à respecter les rythmes du désert. Ce n’est pas juste un skin de sable posé sur un jeu de survie générique ! C’est une vraie transposition des lois d’Arrakis en gameplay.

Construire et progresser dans l’adversité

Le système de construction, lui, joue la carte de la simplicité. Du granit partout, quelques autres ressources parfois… et on peut déjà ériger des bases fonctionnelles. Cette accessibilité permet de se concentrer sur l’architecture plutôt que sur la corvée du farm.

La progression suit une logique classique : chaque nouvelle région débloque de nouveaux matériaux, ennemis, recettes. Rien de révolutionnaire, mais c’est solide. L’accès au buggy, après 25-30 heures, change la donne. Moins d'allers-retours à pied ou à moto des sables, des rotations de récolte bien (bien bien) plus rentables. Un vrai tournant dans le rythme du jeu et un pont vers l'ornithoptère.

Le combat, talon d’Achille ?

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C’est ici que le bât blesse. À distance, ça tient la route : les armes à feu font le job, les feedbacks sont propres, les compétences offrent une certaine variété. Mais dès qu’on passe au corps à corps, ça se complique. Le ciblage automatique, rigide, bride la liberté d’action et alourdit les affrontements. C’est dommage, car les boucliers énergétiques, eux, sont bien pensés : pour les briser, il faut s’engager au contact. L’idée est bonne. L’exécution, moins.

Des compétences ouvertes, peut-être trop

Le système de compétences se veut flexible : toutes les branches finissent par être accessibles, quel que soit votre choix initial. Sur le papier, c’est stimulant. Dans les faits, ça dilue un peu les identités de gameplay. Beaucoup de joueurs optent pour les compétences de déplacement (grappin, dash, etc.), tant elles facilitent la survie et la collecte. Difficile de leur donner tort.

On aurait aimé un système plus tranché, avec des spécialisations marquées, et des options de mobilité détachées des branches. Plus MMO, en somme.

Solo ou en groupe, à chacun son désert

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Dune: Awakening peut se jouer en solo. Toute la zone d'Hagga Basin a été pensée avec cette contrainte : PvE, (relativement) calme, propice à l’apprentissage. Le multijoueur reste optionnel… jusqu’au Deep Desert. Là, c’est une autre affaire : PvP ouvert, ressources rares, pression constante. Seul, on devient vite une proie.

Malgré tout, en groupe, le jeu prend une autre dimension. On peut se spécialiser et fabriquer pour son groupe véhicules, armes et machines… tout est plus efficace. Il y a une vraie synergie, sans que cela devienne une obligation. Un équilibre rare, même s’il se brise un peu en endgame.

Exploration et contenu PvE

Le monde est garni de points d’intérêt qui font office de donjons à ciel ouvert. Bases ennemies, camps retranchés, petites aventures PvE. En solo ça peut piquer, mais ça vaut presque toujours le détour. Les récompenses sont souvent à la hauteur, et l’absence d’instances contribue à l’immersion. On est dans le monde, pas à côté.

Mon verdict

Dune: Awakening réussit là où beaucoup se cassent les dents : intégrer une licence forte sans trahir son essence. Le jeu n’invente rien, mais assemble bien. La boucle de gameplay est solide, l’univers respecté, l’immersion réelle. Le combat au corps à corps reste un point faible, et l’endgame (en tout cas en solo) montre vite ses limites. Mais pour une bonne soixantaine d’heures au bas mot (voire bien plus en guilde), l’expérience est dense, cohérente, engageante.

Pas un MMO. Pas tout à fait un sandbox non plus. Un jeu de survie narratif, structuré, exigeant et fidèle à ce que Dune a toujours été : un monde où l’on ne survit pas par hasard.

Les impressions de Seiei

Nous avons tous deux testé ce nouveau titre de Funcom, chacun de notre côté. Il est amusant de voir que nos analyses se retrouvent sur plusieurs points (ambiance, combats…). Il est également intéressant de noter que Seiei a testé le jeu en groupe, contrairement à moi.

Fan de Dune ? Depuis toujours.
J’ai grandi avec les romans de Frank Herbert, j’ai été marqué par la vision unique de David Lynch, autant que par la relecture cinématographique de Denis Villeneuve. Je garde même une tendresse particulière pour la mini-série, certainement la plus fidèle au matériau d’origine. Côté jeux, j’ai découvert Arrakis sur PC avec le tout premier Dune (après avoir fait un détour sur Amiga, bien sûr !). Autant dire que chaque nouvelle adaptation est pour moi un événement.

Attente, découverte et esprit de guilde

J’attendais Dune: Awakening avec une certaine impatience. J’ai volontairement esquivé toutes les alphas et bêtas, préférant me préserver pour une découverte complète au lancement. Je voulais l’immersion totale, pas d’impression de “déjà-vu” ou de frustration générée par une version inachevée.

Connaissant le savoir-faire de Funcom en matière de jeux de survie (notamment après Conan Exiles), je n’avais aucun doute sur leur maîtrise des mécaniques de base du genre — d’ailleurs, je ne m’étendrai pas là-dessus (cf. l’analyse de Nephistos, qui résume très bien ce point). Je préfère ici m’attarder sur l’ambiance et la sensation de “fun” que procure le jeu, car c’est là que tout se joue pour moi.

Je ne me considère pas comme un adepte inconditionnel du jeu de survie. Je préfère les MMO à l’ancienne, ceux qui forcent l’interaction de groupe, l’entraide, le social, plutôt que de tout faire dans son coin. Les jeux de survie me divertissent un temps, mais souvent me lassent à cause du manque d’intérêt communautaire.

Ici, on a monté une petite guilde (on est cinq, en mode exploration) et on partage nos ressources, nos bases, nos découvertes. Cet esprit d’entraide, même s’il reste parfois asymétrique, apporte vraiment un plus, que j’ai rarement retrouvé sur d’autres jeux de survie. Dommage toutefois que l’interface guilde soit aussi limitée : chat trop discret, peu d’outils pour l’interaction ou le RP (que je cherche sans relâche, en bon joueur rôliste !).

L’ambiance : une réussite totale

Funcom a fait un choix malin : celui de proposer une uchronie crédible, dystopique, mais fidèle à l’esprit de Frank Herbert. Dans cet univers, Paul Atréides n’est jamais né, Jessica a eu une fille, le complot des Harkonnens pour éliminer Leto a échoué, et la lutte pour Arrakis continue. Cette flexibilité scénaristique permet au studio de rester respectueux du lore tout en ouvrant des pistes originales pour le développement du jeu. C’est habile : le Bene Gesserit nous mandate pour enquêter sur la mystérieuse disparition des Fremens, et dès l’intro, on est jeté dans le bain des enjeux politiques d’Arrakis via un tutoriel “vive la débrouille”, non sans rappeler l’aridité du monde de Dune.

Et justement, on ressent cette aridité dans tous les aspects du jeu. L’eau est la ressource clé, toujours à gérer et à produire, la chaleur et le soleil imposent leur rythme infernal, la nuit sur Arrakis reste mystérieuse, les tempêtes de sable surgissent violemment, les vers sont une menace permanente : on sent la planète vivante, hostile, et parfaitement retranscrite à l’écran. Les passages de vaisseaux du CHOM, les sillages laissés par les vers, les biomes subtilement différenciés malgré l’omniprésence du désert, tout est pensé pour que l’immersion soit totale. Avec un casque, la bande-son, les bruitages, toute l’identité sonore du jeu, contribuent vraiment à cette sensation d’espace infini et de fragilité humaine.

Avancement et construction

Je prends mon temps, je découvre Arrakis à mon rythme. Les biomes, bien qu’arides, restent variés et contraignent à adapter sa façon de jouer. Je n’ai pas encore atteint le endgame au moment où j’écris ces lignes, donc je ne jugerai pas le contenu haut niveau ou le PvP, mais une chose est certaine : le jeu de groupe y est vivement conseillé, et j’ai hâte d’en découvrir l’équilibre.

Le housing est assez réussi : les matériaux et options évoluent avec la progression. Je regrette cependant une certaine rigidité et une homogénéité visuelle : les bases des joueurs se ressemblent beaucoup, et le potentiel créatif reste pour l’instant limité. Espérons que Funcom enrichisse cet aspect à l’avenir !

Le gros bémol : le combat, surtout au corps à corps

Malheureusement, le système de combat — et surtout le corps à corps — reste franchement trop basique à mon goût. C’est dommage, car le lore de Dune donne une importance énorme aux duels, à la mêlée, à la discipline des armes blanches… mais ici, c’est rigide, limité, loin de ce que Funcom avait réussi sur un jeu comme Age of Conan, avec ses parades, ses estocs, ses coups spéciaux. Ici, le tir à distance est bien plus efficace, et la présence quasi systématique de boucliers chez les PNJ déséquilibre l’ensemble. Je suis parti Maître d’armes, espérant une profondeur particulière dans ce domaine… mais comme on peut débloquer toutes les classes et qu’au final tout le monde finit par jouer “méta”, l’identité de sa spécialisation est vite diluée.

Conclusion

Au final, Dune: Awakening offre une expérience fidèle à l’esprit de la saga : immersion, violence du monde, gestion des ressources et de la survie, sentiment d’aventure et, parfois, vrais moments de partage en groupe. Le jeu n’est pas sans défauts — combat à améliorer, housing à enrichir, interface guilde trop timide —, mais pour tout amateur de Dune et de bonne ambiance “survie”, il offre un plongeon dans Arrakis aussi exigeant que réjouissant.

Test réalisé par Nephistos et Seiei à l'aide de versions fournies par l'éditeur

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