Quand un hacker poursuivi en justice accuse Bungie de l'avoir piraté

Bungie a engagé des poursuites contre un studio de développement de logiciels de triche. En retour, le développeur engage des poursuites contre Bungie, qu'il accuse de violation de copyright et du piratage de son ordinateur personnel.

Aujourd’hui, la triche existe peu ou prou dans tous les jeux en ligne, et de plus en plus souvent, elle est orchestrée par des sociétés spécialisées dans le développement et la commercialisation de logiciels de triche. Face à cette professionnalisation de la triche, les développeurs de jeu sont enclins à engager des poursuites dans la justice – et certaines affaires peuvent devenir rocambolesques.

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C’est manifestement le cas du litige opposant Bungie (le développeur des Destiny) et Phoenix Digital Group, spécialisé dans la conception de logiciels de triche sévissant dans de nombreux shooter – Apex Legends, les Battlefield, Counter-Strike: Global Offensive mais aussi donc de Destiny 2.
En juin de l’année dernière, Bungie engageait des poursuites contre le développeur de logiciels de triche notamment sur la base d’une violation de copyright. Phoenix Digital Group répondait en affirmant que la triche n’est pas illégale et en mai dernier, les juges américains rejetaient les prétentions de Bungie, estimant qu’elles n’étaient pas suffisamment fondées – selon les juges, Bungie ne présentaient pas d’éléments suffisamment probants pour démontrer la violation de copyright. Les juges permettaient néanmoins à Bungie de relancer l’affaire, pour peu que le dossier soit complété avec des éléments plus solides. C’est donc ce qu’a fait Bungie, en présentant de nouvelles pièces au dossier.

Coup de théâtre en retour, rapporté par Kotaku. James May, l’un des trois fondateurs de Phoenix Digital, vient à son tour d’engager des poursuites contre Bungie : il accuse d’abord Bungie d’avoir procédé à du reverse-engineering de son logiciel de triche afin d’en comprendre le fonctionnement (un salarié de Bungie aurait acheté le logiciel pour le décompiler), ce qui serait contraire au DMCA, la loi américaine de lutte contre le piratage informatique, habituellement utilisée contre les auteurs de piratages. Il reproche ensuite à Bungie d’avoir « piraté » son ordinateur personnel entre 2019 et 2021. James May se fonde manifestement sur les nouvelles pièces présentes dans le dossier d’accusation de Bungie, qui contiendrait des documents téléchargés sur son disque dur personnel (il se base sur le chemin d’accès aux documents en question). James May indique avoir été joueur de Destiny 2 entre 2019 et 2021, et que Bungie aurait utilisé les mesures anti-triches du jeu pour procéder à une « surveillance renforcée » de son ordinateur, et donc télécharger des fichiers personnels. Une pratique non prévue par les conditions d’utilisation du jeu et selon James May, les faits seraient constitutifs d’un « accès frauduleux dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données », contraire au Computer Fraud and Abuse Act en vigueur aux Etats-Unis.

À ce stade, on ignore la véracité (ou non) des accusations de James May, et les juges américains se prononceront l’année prochaine sur le fond de l’affaire. D’ici là, on constate qu’assez ironiquement, les auteurs de logiciels de triche détournent manifestement ici une législation initialement adoptée pour lutter contre le piratage. Et au-delà de cette seule affaire, la décision des juges pourrait donc être déterminante en matière de lutte (juridique) contre la triche : si la décision était défavorable à Bungie (notamment en matière de rétro-engineering), les vendeurs de logiciels de triche pourraient disposer des arguments nécessaires pour mener leurs activités en toute impunité.

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