The International 2015 : une question d'équilibres

The International achevé, il est temps de se poser des questions essentielles sur les équilibres du tournoi. Quel groupe était le plus fort ? Quelle région a dominé TI5 ? Radiant ou Dire ?

La poussière de The International 2015 retombée, il est l'heure de dresser des bilans et de dégoter des informations plus ou moins utiles. On s'intéressera ici à trois préjugés communément répandus avant l'ouverture de The International concernant l'équilibre des groupes, des régions et celui qui existe entre le Radiant et le Dire.

NB : les données chiffrées sont issues de datdota.com, dotabuff.com et wiki.teamliquid.net. Les calculs ont été effectués par l'auteur. Les éventuelles erreurs dans lesdits calculs et dans la collecte des nombres lui sont entièrement imputables.

NB2 : il est conseillé de lire cet article à partir du site JoL Dota 2 plutôt que via le Portail.

Des groupes déséquilibrés

Dans le tableau suivant qui correspond au classement final du tournoi, les équipes issues du groupe A ont leur nom écrit en vert, les équipes du groupe B en rouge.

Place définitive Equipe Classement au sein du groupe
1 EG 1
2 CDEC 2
3 LGD 1
4 Vici Gaming 6
5-6 EHOME
Virtus Pro

3
5

7-8 Secret
MVP Phoenix
2
5
9-12 Cloud 9
Empire
coL
iG
4
4
3
6
13-16 MVP Hot6ix
NewBee
Fnatic
Na`Vi

8
7
7
8


De manière très nette, il apparaît que les équipes issues du groupe B ont beaucoup mieux réussi dans l'évènement principal que celles du groupe A : cinq équipes du top 6 viennent du groupe B.

L'instant calcul :

Les équipes du groupe B ont un rang moyen à 7,25, celles du groupe A à 9,75. Dit autrement, l'écart entre le classement final moyen des équipes issues des deux groupes est de 2,5 places, nettement en faveur du groupe B. Les équipes du top 4 du groupe A ont un classement final moyen à 7,75, leurs équivalents du groupe B de 4,75.

Les équipes du haut du classement du groupe B ont donc particulièrement bien réussi par rapport à celles du groupe A. En outre, les équipes placées aux rangs 5-6 du groupe B ont toutes deux atteint un niveau nettement plus élevé que la phase de groupe ne le laissait penser - ce qui signifie aussi qu'elles ont réalisé un assez long parcours en Lower Bracket.

Il y a en revanche autant d'équipes de chaque groupe aux places 13 à 16. De manière assez attendue, il s'agit des quatre équipes arrivées en positions 7 et 8 de chaque groupe, ce qui montre qu'il y a tout de même une corrélation entre l'échec complet dans les groupes et celui qui est intervenu dans l'évènement principal.

 

Bien réussir dans les deux groupes avait donc un sens différent, qui ce qui n'est pas vraiment apparu avant que l'évènement principal n'avance vraiment (mais à ce stade, personne ne se souciait de ces histoires de groupes). L'arbre du tournoi montre bien cette non-équivalence des groupes à travers le destin des équipes (cliquez pour agrandir ; le code couleur est le même).

L'arbre de TI distinguant les équipes du groupe A et celles du groupe B
L'arbre de TI distinguant les équipes du groupe A et celles du groupe B

On constate de cette manière que l'Upper Bracket a été totalement dominé par les équipes venues du groupe B : un seul match sur cinq a été remporté par une équipe du groupe A contre une équipe du groupe B (LGD contre Empire) et deux matchs ont été joués par deux équipes du groupe B.

Dans le Lower Bracket, la distorsion est moins grande : lors des deux premiers tours, les équipes du groupe A ont remporté la moitié des matchs. Mais cela venait en partie de la surreprésentation du groupe A à ce stade en Lower Bracket (Secret a vaincu iG, venue du même groupe). Dès la fin du tour 3 du Lower Bracket, toute les équipes du groupe A sauf LGD étaient éliminées.

Si l'on ne tient pas compte du premier tour du Lower Bracket, seules deux équipes du groupe A ont réussi à battre des équipes du groupe B : MVP Phoenix (Empire) et surtout LGD (Empire, Virtus Pro et Vici Gaming).

 

En somme, le groupe B avait un niveau moyen nettement supérieur à celui du groupe A : les résultats finaux le montrent, comme la progression tout au long de l'évènement principal. Certaines équipes du groupe A qui s'étaient bien comportées en première phase ont suscité des espoirs et des attentes basées sur ces résultats car les observateurs sont partis du principe (rationnellement justifié par les résultats pré-TI des équipes) que les groupes étaient équilibrés, alors que ce n'était en réalité pas le cas.

 

Les différentes régions face au succès

"Il y a une alternance entre Orient et Occident chaque année. A TI4, la Chine a dominé, à TI5 les équipes occidentales vont largement surclasser les autres." Voilà un lieu commun que l'on pouvait entendre régulièrement avant TI5, de manière plus ou moins nette.

Ce préjugé (dont l'auteur de ces lignes était en partie imprégné, il faut l'avouer) a conduit à surévaluer les équipes occidentales par rapport aux équipes orientales ; il a été renforcé par les résultats des derniers grands tournois globaux de la saison, MarsTV League, ESL One Francfort, The Summit 3. Il fallait en effet remonter à la fin avril pour voir un tournoi global majeur remporté par une équipe chinoise : VG au Star Ladder.

Que constate-t-on à la fin ? Le tournoi est remporté par une équipe occidentale, mais il n'y a que trois équipes d'Occident dans le top 8. La Chine place quatre équipes dans le top 6. Il faut donc dépasser le constat de la victoire d'EG et approfondir.

Le classement moyen des équipes occidentales est de 8,6, contre 8,4 pour les équipes orientales : la différence est minime, à cause de la superposition dans ces catégories de régions très différentes et d'équipes aux résultats très différents. En ne considérant que les quatre premiers en Occident et en Orient, le rang moyen est la sixième place pour l'Occident, les places 3-4 pour l'Orient. Cela indique que les meilleures équipes d'Orient ont nettement mieux réussi que les meilleures équipes d'Occident, le cas particulier d'EG mis à part.

Le nombre de parties remportées par les équipes de chaque région contre les équipes des autres régions permet d'affiner le constat. Les résultats des équipes des USA et chinoises sont nettement supérieurs à ceux des équipes européennes, tandis que les équipes d'Asie du Sud-Est ont globalement subi. Il faut d'ailleurs noter l'évolution entre les phases de groupe et l'évènement principal : les résultats des équipes européennes se sont nettement dégradés.

  USA Chine SEA Europe Total Pourcentage de victoires contre
des équipes d'autres régions
USA - 14-9 6-0 7-6 27-15 64,3 %
Chine 9-12 - 14-6 21-9 44-27 62,0 %
SEA 0-6 6-14 - 6-13 12-33 26,7 %
Europe 6-7 9-21 13-6 - 28-34 45,2 %


Les résultats des équipes d'une région contre celles des autres, phase de groupe + évènement principal considérés ensemble (n'hésitez pas à signaler des erreurs !)

Bien entendu, les moyennes régionales masquent des situations très diverses : la moyenne de la Chine est tirée vers le bas par les mauvaises performances de NewBee ou d'iG, les moyennes de la zone SEA ou des USA ne se font que sur deux équipes.

Il apparaît donc clairement que 2015 n'a pas été l'année de l'Occident, même si l'alternance a encore été respectée avec un vainqueur occidental. En fait, EG apparaît largement comme une exception au sein des équipes occidentales : sur les sept équipes occidentales en lice, seules deux ont un ratio de victoires positif face aux équipes chinoises, celui d'EG étant particulièrement bon (68,4 % de victoires).

Secret coL Cloud 9 Na`Vi EG Empire VP
5-4 1-3 2-6 0-5 13-6 3-8 4-6

 
Résultats des équipes occidentales contre les équipes chinoises à TI5
Les équipes du groupe A ont croisé moins d'équipes chinoises (seulement deux dans le groupe A, contre quatre dans le groupe B).

Dans l'ensemble, ce sont bel et bien les équipes chinoises qui se sont révélées les plus solides lors de cet International. EG a sauvé l'honneur de l'Occident, dont les autres représentants n'ont pas vraiment été éblouissants, mais l'arbre ne doit pas masquer la forêt. Pour la deuxième année consécutive, les équipes occidentales ont fait (hors EG) assez pâle figure.

Les deux côtés de la carte

Comme le rappelait un article sur le blog de datdota après les phases de groupe, un consensus existait avant TI5 dans la communauté e-sportive pour considérer que le Radiant était avantagé par rapport au Dire. Les deux principales explications avancées étaient la facilité relative de la hardlane Radiant et une forêt mieux agencée. De ce fait, dans la plupart des tournois importants de l'année, les équipes choisissaient soit le premier pick, soit le Radiant, très peu choisissaient le second pick ou le Dire d'elles-mêmes.

Logiquement, dans la phase de groupe (27-31 juillet), peu d'équipes ont eu tendance à privilégier le Dire sur le Radiant, et encore est-il possible que le différentiel provienne de la volonté de choisir le premier pick plutôt que le côté, ce qui conduisait les adversaires à choisir le Radiant par contrecoup.

Trois équipes ont beaucoup plus souvent joué Dire que Radiant pendant la phase de groupe :

  • CDEC - 0 Radiant / 14 Dire
  • VP - 4 Radiant / 10 Dire
  • LGD - 5 Radiant / 9 Dire

Davantage y ont privilégié le Radiant (évidemment CDEC ayant toujours eu le Dire, les autres équipes du groupe B ont eu de base 2 parties en Radiant) :

  • EHOME - 10 / 4
  • EG - 9/5
  • Empire - 9/5
  • Secret - 9/5
  • Newbee - 9/5

Le choix de l'une ou l'autre faction a-t-il eu des incidences notables sur les résultats ? En regardant le taux de victoires général, il faut constater d'abord que le Radiant a eu des résultats un peu moins bons (84 victoires contre 92 pour le Dire, soit 47,7 % de victoires) sur l'ensemble du tournoi, y compris les Play-In Series.

Mais ces résultats doivent être affinés largement pour prendre leur sens. Dans les Play-In Series proprement dites, le Radiant a remporté 7 parties sur 13 ; mais sur les six victoires du Dire, trois proviennent de CDEC. En ôtant CDEC de l'équation, le Radiant a remporté 5 parties sur 8.

Dans les phases de groupe, là encore les résultats sont serrés à première vue : 57 victoires pour le Radiant, 58 pour le Dire, soit 49,8 % de victoires pour le Radiant. Mais là encore tout est faussé par les 14 parties jouées par CDEC en Dire (dont 9 victoires). Si on enlève cette équipe de l'équation, le Radiant a gagné 52 parties (51,5 %), le Dire 49 (48,5 %).

C'est au cours de l'évènement principal que le différentiel s'est inversé et s'est creusé, avec 20 victoires pour le Radiant et 28 pour le Dire (58,3 %). Cette fois, même en enlevant CDEC, l'avantage reste au Dire (17/21).

Les Anciens, Dire/Radiant

Il semble donc que les équipes aient progressivement tiré un meilleur parti du côté Dire de la carte au cours de The International 2015, et l'on peut supposer que CDEC a joué un rôle de révélateur en la matière. EG a ainsi joué 5 fois Radiant et 8 fois Dire sur l'évènement principal (contre 9/5 sur les phases de groupe). Les adversaires de cette équipe se sont aussi rendus compte qu'il était nettement plus simple de les affronter en leur prenant le Dire plutôt qu'en le leur laissant.

Un côté était-il clairement avantagé par rapport à l'autre ? Il semble que non, en tous cas le Radiant n'avait pas l'avantage net souvent perçu avant le tournoi. En revanche de nombreuses équipes étaient moins à l'aise lorsqu'elle jouaient Dire, d'où des performances moindres sur les premiers jours.

 

Trois idées communément répandues avant l'ouverture du tournoi se sont donc révélées fausses : les deux groupes n'étaient pas équivalents ; les équipes occidentales n'ont pas dominé l'International ; le Radiant n'était pas avantagé.

Notons pour conclure que tout cela a finalement joué au détriment des équipes non-chinoises du groupe B : elles ont eu à affronter plus d'équipes chinoises dans un environnement plus difficile, donc ont eu moins d'opportunités d'avancer dans l'évènement principal (quatre équipes de l'Upper Bracket venant de chaque groupe), et elles ont en plus eu à affronter l'équipe la plus à l'aise du côté Dire, CDEC. Dommage !


Cette actualité provient de notre univers Dota 2.

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