Manuel Noriega poursuit Activision, l'éditeur revendique son droit à la liberté d'expression

Call of Duty: Black Ops 2 met en scène plusieurs personnages historiques dont Manuel Noriega. L'ancien dictateur en est manifestement chafouin et engage des poursuites contre l'éditeur qui s'appuie alors sur le Premier amendement et la liberté d'expression.

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La réalité est, dit-on, toujours plus forte que la fiction. Les déboires judiciaires d'Activision Blizzard tendent manifestement à le confirmer.
Dans Call of Duty - Black Ops II, le studio mettait notamment en scène le général Noriega, ayant pris la tête du Panama dans les années 1970 après un coup d'Etat, connu pour avoir collaboré avec la CIA avant de se retourner contre les Etats-Unis et de vendre des secrets à Cuba et certains pays de l'Est. Une trahison qui coutera des années de prison à l'ancien dictateur (accusé de trafic de drogue, blanchiment d'argent, meurtre et violation des droits de l'homme -- et accessoirement décoré en France), mais qui en fera l'une des « figures historiques » de Call of Duty. Manuel Noriega apparait dans deux missions du jeu, d'abord comme un collaborateur des Etats-Unis, puis comme un traitre.

L'histoire aurait pu s'en arrêter là si le petit-fils du général n'avait été joueur de Call of Duty et y avait reconnu son grand-père. Manifestement chafouin de sa représentation vidéo ludique (il y est malmené, voire humilié), Manuel Noriega engageait donc des poursuites contre Activision Blizzard début septembre dernier afin d'obtenir réparation pour le préjudice d'image subit en plus de l'enrichissement sans cause de l'éditeur (quand Activision estime que le général joue un rôle très secondaire dans le jeu vidéo, il rétorque au contraire que son rôle y est « majeur, voire principal » - bigre !).

Les juridictions américaines seront amenées à examiner le litige le 16 octobre prochain. D'ici là, outre que la plainte de l'ancien dictateur assure une forme efficace de promotion pour la licence (on n'a pas tous les jours la chance d'être poursuivi par un ancien dictateur condamné), l'affaire prend surtout des allures de plaidoyer en faveur de la liberté d'expression. Activision, mais aussi nombre de personnalités influentes (comme Rudy Giuliani, l'ancien maire de New York), considèrent que les personnages historiques (les « méchants emblématiques comme Manuel Noriega ou Fidel Castro » ou les « héros historiques comme le président John F. Kennedy », dixit Activision) ne peuvent imposer un véto sur l'utilisation de leur image dans les oeuvres artistiques, que ce soit des romans, des films et séries télévisées ou même des jeux vidéo.
Aux États-Unis, une jurisprudence constante affirme déjà que les jeux vidéo profitent de la protection de la liberté d'expression et du Premier amendement. L'audience du 16 octobre prochain ne devrait pas remettre ce principe en question mais on imagine qu'une nouvelle décision en ce sens ne peut que le renforcer -- a fortiori dans le cadre d'un litige opposant l'éditeur à un ancien dictateur aidant à déterminer qui sont « les gentils » et « les méchants » de l'histoire. Quand la réalité rattrape la fiction.

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