L'alternative du « modèle islandais »

Il existe néanmoins une alternative aux MMO narratifs, qu'Alexander Gianturco qualifie de « modèle islandais » en référence aux choix de gameplay retenus par le studio islandais CCP lors du développement d'Eve Online. Un choix de gameplay, dit « sandbox », offrant aux joueurs un « bac à sable » vierge dans lequel ils sont libres de construire eux-mêmes le contenu ludique au gré de leurs actions.
Outre que le genre est plutôt original aujourd'hui (permettant de se démarquer de la concurrence), le contenu haut niveau d'un « sandbox » permet de s'affranchir d'un contenu consommable, long et coûteux à développer, pour plutôt s'appuyer sur les « interactions entre joueurs » (en l'occurrence du PvP, dans EVE Online). Dès lors, tant qu'il reste des abonnés, ils auront toujours de quoi s'occuper entre eux sans être tributaires des développeurs.

EVE Online

Un gameplay « sandbox » n'est pas pour autant la panacée ou la garantie d'un succès assuré. D'après Gianturco, « si EVE avait été lancé aujourd'hui par un éditeur AAA, les serveurs auraient été débranchés après un mois d'exploitation et les développeurs auraient été exécutés sommairement, sans autres formes de procès » (au lancement, EVE comptait moins de 30 000 abonnés dans le monde).
Pour autant, CCP s'est donné le temps de réussir. « En commençant petit et en se fixant des objectifs réalistes visant une petite audience de niche, CCP a réussi à générer des revenus modestes mais immédiatement réinvestis dans le jeu lui-même ». Un choix ayant permis une « croissance organique et itérative du jeu », consistant peu ou prou à sans cesse ajouter « de nouveaux jouets dans le bac à sable ». Concrètement, Eve Online se développe sur un plan plus horizontal que vertical, intégrant plutôt de nouvelles fonctionnalités pour mieux exploiter le contenu déjà disponible que du contenu inédit à consommer pour continuer à progresser. « Bien qu'une nouvelle fonctionnalité - comme une chaîne de production et une nouvelle classe de vaisseau - soit moins flashy qu'un nouveau donjon ou un raid inédit, ce type de fonctionnalités n'a pas de date de péremption après laquelle les joueurs s'en désintéressent ». « Au contraire, au fil du temps, elles créent une plus-value pour le jeu, et s'avère un meilleur investissement pour le développeur ».
Une stratégie scrupuleusement appliquée avec Tyrannis puisque l'extension propose précisément de nouvelles fonctionnalités aux joueurs, en introduisant des mécanismes d'exploitations des planètes du jeu (déjà présentes dans le MMO, améliorées graphiquement dans les extensions précédentes, etc.) et non un ajout de contenu. Et la méthode semble porter ses fruits puisqu'elle a permis de fidéliser les abonnés d'EVE sur le long terme et que la courbe de population du MMO progresse de plus en plus rapidement.

Fort de l'exemple d'EVE Online, Alexander Gianturco compose une « recette de la réussite » en matière de MMO, susceptible d'être appliquée par un studio de développement disposant de financements et de temps.

  • Un end-game reposant sur un gameplay à base de « sandbox » : construire le end-game d'un MMO sur les interactions des joueurs (qu'elles soient compétitives, coopératives, ou autres) permet de les fidéliser les joueurs sur la durée, à bon compte ;
  • Un contexte original : peu importe les qualités de gameplay, un contexte clairement défini, identifiable et original permet d'attirer les joueurs (un univers de science-fiction et un gameplay « PvP hardcore », par exemple, ont permis à EVE Online de se distinguer) ;
  • Réinvestir dans une croissance organique : un développeur ne peut pas compter uniquement sur les interactions entre joueurs pour pérenniser l'activité de son jeu. Le MMO doit évoluer et croître, notamment par e biais de réinvestissement, dans le jeu, des revenus générés par le coeur de cible du jeu ;
  • Des fonctionnalités plutôt que du contenu : si l'ajout de contenu est inévitable, les quêtes, donjons et autres raids sont relativement peu rentables (vite consommés, vite oubliés). Se focaliser sur de nouvelles fonctionnalités, l'ajout d'outils, de formes de gameplay inédites, etc. permet de fidéliser la niche de vétérans, tout en attirant de nouveaux joueurs.
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Une recette idéale ?
Sommaire :
  1. CCP ou le « modèle islandais »
  2. L'alternative du « modèle islandais »
  3. Une recette idéale ?

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