Girls and Games : Des jeux pour les filles

Si les « femmes font vendre », elles sont aussi des consommatrices. Longtemps adressé quasi-exclusivement à un public masculin, le jeu vidéo découvre la gente féminine et les joueuses deviendront rapidement l'une des cibles des éditeurs de jeu vidéo. Et si l'on en croit Maleea Barnett, responsable marketing chez Atari en 2006, pour intéresser un public plus féminin, l'industrie du jeu devra imaginer des jeux spécifiquement destinés aux femmes... ce qu'elle fera avec plus ou moins de succès.

On constate ainsi l'émergence d'un genre à part de jeux s'adressant plus spécifiquement au public féminin (ou censer s'adresser à un public féminin). « Barbie Girls World », par exemple, sous-titré « EverythingGirl » (littéralement, tout pour les filles, ou totalement fille) entend proposer un divertissement spécifiquement pour les jeunes femmes... sans réellement en définir le concept. De même pour le jeu Miss Bimbo, un jeu en ligne « pour fille », dont l'objectif consiste à devenir « la Bimbo la plus populaire », voire une star pour les plus persévérant(e)s. Au programme : coiffeurs, mode et shoping pour vêtir sa bimbo des dernières tenues « fashion » (achetées avec des « bimbo dollars », convertibles en monnaie réelle), faire la fête entre ami(e)s dans un appartement virtuel ou trouver un travail (de préférence dans un secteur branché).
Au-delà de l'intérêt réel ou supposé du jeu, certains aspects de Miss Bimbo susciteront d'houleuses controverses en Grande Bretagne aux Etats-Unis. La Bimbo est par exemple invitée à « séduire un homme célèbre pour accéder plus vite à la célébrité ». Les autres devront relever des défis et laborieusement réussir « 138 missions pour accéder au rang de star ». Travail ou séduction, il faudra choisir. Mais quoiqu'il en soit, pour parvenir au but, les Bimbos devront prendre soin de leur physique... et pourront acheter (virtuellement) des pilules amincissantes pour garder la ligne.
A l'heure où la promotion sur Internet de la minceur, voire de l'anorexie, fait débat, le concept suscitera de vives contestations de la part d'associations de parents. La version anglaise du jeu sera fermée durant quelques semaines, le temps de supprimer les fameuses pilules du jeu. Si la version française concentre toujours son attention sur la ligne des Bimbos (« ni trop grosse, ni trop mince »), elle précise depuis qu'il convient de « manger équilibrer » sous peine de « tomber malade ».

Sans une once de violence ou de pornographie souvent décriés dans le jeu vidéo, Miss Bimbo s'appuie néanmoins sur certains stéréotypes sociétaux, sur une certaine idée de la réussite (et des moyens d'atteindre cette réussite) dont on peut se demander comme Leigh Alexander, auteur et éditorialiste indépendante chez Worlds in Motion, s'ils ont réellement vocation à être développés (au premier degré ?) dans un jeu s'adressant à un public souvent jeune.
Selon Jean-Philippe Tessier, en charge de la version française de ce Web game, « Le monde des bimbos, c'est du second degré ». On le croit sur parole. La cible du jeu (les jeunes filles de 9 à 16 ans) ne l'appréhende peut-être pas de façon aussi nette. Quoiqu'il en soit, Miss Bimbo est sans doute symptomatique de la façon dont (une certaine) industrie du jeu entend s'adresser aux joueuses.

Plus largement, on peut se demander si ce type de jeux rencontre l'adhésion des joueuses. A en croire Ouza Ltd., le studio britannique à l'origine du projet, la version anglaise de Miss Bimbo aurait déjà séduit plus de 500 000 utilisatrices et sa version française, Ma Bimbo, en compterait plus de 1,3 millions (mais l'éditeur ne précise pas comment le calcul est opéré).

A l'exact opposé des Bimbos d'Ouza, Funcom s'intéresse aussi à la gente féminine... dans son MMORPG Age of Conan. Inspiré des livres particulièrement misogynes de Robert E. Howard (Conan le barbare), le jeu restitue l'atmosphère sombre et sexiste de l'auteur, mais s'en joue aussi. Si les femmes y sont lascives et séductrices, c'est pour mieux se jouer des barbares d'Hyboria. Et si les personnages masculins se montrent rustres et costauds, leur force physique trouvera un certain répondant dans l'agilité féminine à manier le couteau...
D'age of Conan à Miss Bimbo, deux visions antinomiques de la femme dans le jeu vidéo. On peut se demander laquelle est la plus flatteuse.

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