Girls and Games : « les femmes font vendre »

Et cette tendance visible lors des manifestations vidéo ludiques, se retrouve tout autant dans la publicité vantant le jeu vidéo. Fin 2007, Pixie, joueuse et rédactrice du blog PixiePalace, relayait son sentiment face aux courriers promotionnels que lui adressaient NCsoft.

On y vantait notamment les mérites de Tabula Rasa, illustration à la clef. La rédactrice se dit interloquée à la vue de l'image reproduite ci-contre. Trois personnages : le premier (à gauche) est peu identifiable. Reste un soldat (à droite) et une combattante (Sarah Morrison, l'une des héroïnes de Tabula Rasa). Le soldat est lourdement armé et protégé par une imposante armure. Il arbore un équipement en parfaite adéquation avec la mission du jeu (combattre les « banes »). A l'inverse et même si elle est officiellement l'égérie de Tabula Rasa, Sarah Morrison se contente d'une combinaison moulante en cuire ou latex et « prend la pose, dos cambré et poitrine proéminente » (dixit Pixie, qu'on peut difficilement contredire).
Le même e-mail promotionnel annonce la sortie récente de Eye of the North, l'extension de Guild Wars. Là encore, l'image publicitaire est explicite. Malgré une ambiance manifestement froide et nordique et un contexte guerrier, la combattante porte une tenue minimaliste, ni chaude (au regard du climat), ni protectrice (au regard de son activité).
Et les exemples se multiplient. Que ce soit les héroïnes de City of Heroes, Dungeons Runners ou Lineage II, l'image de la femme dans le jeu s'exonère de tout réalisme ou de cohérence avec le gameplay du jeu.

Et NCsoft n'a pas le monopole de la publicité reposant sur des « femmes objets » et mettant en avant des héroïnes à la plastique idéale, sur fond de stéréotype de femmes fatales. Les fonds d'écran de Blizzard (World of Warcraft) reposent sur les mêmes distinctions vestimentaires entre personnages féminins et masculins (le combattant est richement vêtu, prêt pour le combat ; la combattante exhibe plus qu'elle ne protège son corps). Tout comme les titres de Sony Online Entertainment par exemple, dont les personnages d'EverQuest 2 ont eux aussi la réputation d'être très court-vêtus.

Au même titre que les pin-up de salons, l'image de la femme sert à vendre le jeu à un public masculin... alors même que les femmes jouent aussi et que le joueur moyen, tout genre confondu, affiche une moyenne d'âge de plus de 26 ans, a un travail et une vie de famille. Situation dans laquelle hommes et femmes sont généralement peu taraudés par leurs hormones.

Les héroïnes de jeu vidéo

Les « femmes font vendre » et les principaux acheteurs de jeux vidéo ont longtemps été des hommes. La femme fait vendre dans les salons, dans la publicité, mais aussi dans les jeux eux-mêmes. Au point que l'on constate l'émergence de quelques « héroïnes » dans l'industrie du jeu vidéo.

Dès 1986, Metroid (Nintendo) met en scène un personnage vêtu d'une lourde et informe armure spatiale. A la fin du jeu, le joueur découvre qu'elle abrite la belle et blonde Samus Aran, une guerrière qui n'a rien à envier aux héros (très masculins) que l'on croise habituellement dans le jeu vidéo de l'époque.
Mais c'est surtout dix ans plus tard, fin 1996, que Lara Croft apparaît dans Tomb Raider (Core Design) comme l'une des principales héroïnes du jeu vidéo, imposant une féminité affirmée. Sorte d'Indiana Jones au féminin, Lara Croft affiche une histoire et personnalité forte : elle a fait de longues études (elle est archéologue), elle est autonome et indépendante (Lara Croft est issue de la haute noblesse anglaise et vit dans un manoir imposant) et est particulièrement forte, tant physiquement que mentalement. Et elle ne rechigne jamais à aller sur le terrain pour déterrer les restes d'anciennes civilisations, quitte à affronter monstres et morts-vivants (le jeu consiste à explorer tombes et cryptes sombres aux quatre coins du monde).
On est bien loin des personnages féminins d'alors, cantonnés aux rôles de princesses en détresse à sauver des griffes d'un dragon ou d'un sorcier maléfique. Au point que Toby Gard, le créateur de Lara Croft, affirmait avoir dû batailler contre les études marketing de l'époque pour imposer son héroïne dans l'industrie du jeu...

Pour autant, il ne faut peut-être pas y voir la révolution sexuelle du jeu vidéo. Le fait de prendre le contrôle d'un personnage féminin à la plastique parfaite ou de la contorsionner dans les boyaux obscurs d'un temple en ruines renvoie sans doute aussi à une certaine forme de voyeurisme. En 1996, plus de 90% des utilisateurs de jeux vidéo sont des hommes et au fil des épisodes, les formes de Lara Croft ne cesseront de gagner en volume.
Si les personnages féminins investissent les mondes virtuels, c'est encore pour s'adresser à un public masculin.

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