Blizzard poursuivi pour sa culture d'entreprise sexiste : réactions (contrastées) du premier cercle du groupe

Blizzard est poursuivi pour une culture d'entreprise jugée sexiste. Le premier cercle du groupe réagit : le président de Blizzard J. Allen Brack entend aller de l'avant, Frances Townsend chez Activision Blizzard dément, quand Mike Morhaime exprime sa compassion. 

Après deux ans d’enquête, le Department of Fair Employment and Housing (l’agence californienne en charge des luttes contre les discriminations et le harcèlement sexuel) est à l’origine d’une plainte visant Activision Blizzard pour sa culture d’entreprise sexiste – on l’évoquait en détails.
Sans surprise, la médiatisation de l’affaire suscite de nombreuses réactions. Certains studios de développement (comme Bungie, dont les jeux ont été édités par Activision pendant plusieurs années) entendent se mobiliser pour faire en sorte que l’industrie du jeu soit plus inclusive. Des joueurs de World of Warcraft organisent des manifestations in-game pour exprimer leur désapprobation, alors que certains sites de presse spécialisés annoncent qu’ils ne couvriront plus les jeux d’Activision Blizzard dans leurs colonnes tant que le groupe n’aura pas fait évoluer sa culture d’entreprise.

Mais on retient peut-être plus spécifiquement les réactions du premier cercle de Blizzard Entertainment et d’Activision Blizzard.

J. Allen Brack

En premier lieu, le président de Blizzard, J Allen Brack, a adressé un email à l’ensemble des salariés du studio (rapporté par Jason Schreier) dans lequel il exprime « sa colère, sa tristesse et toutes sortes d’émotions » face aux récentes révélations. Il estime « complètement inadmissible que quiconque chez Blizzard puisse faire l’objet de discrimination et de harcèlement », que « tous les salariés devraient pouvoir se sentir en sécurité au travail » ou encore que les témoignages des salariées concernées sont « pris très au sérieux » et qu’ils doivent « pouvoir être formulés sans crainte de représailles ». Il exprime encore son « dédain pour la bro culture » (la « culture de la fraternité ») qu’il a « combattu tout au long de [s]a carrière ».
Et plus concrètement, il indique initier une série de réflexions au sein du studio pour « déterminer comment aller de l’avant » dans le contexte actuel, tout en encourageant les échanges et témoignages avec les salariés, que ce soit au sein de l’entreprise ou en dehors.

Autre son de cloche de la part de Frances Townsend, représentante d’Activision Blizzard, nommée récemment au sein du groupe (en mars dernier – et qui a notamment fait ses armes comme conseillère à la sécurité intérieure de George W. Bush entre 2004 et 2007).
En substance, elle dénonce des poursuites « présentant une image déformée et fausse » d’Activision Blizzard, basées sur des allégations « factuellement incorrectes, anciennes et sorties de leur contexte – datant de plus d’une décennie ». Et de vanter par ailleurs le respect qui règnerait au sein du groupe ou les mesures de protection qui y ont cours. Et à l’évidence, le fait de balayer la parole des victimes est assez peu apprécié par une partie des salariés d’Activision Blizzard, qui indiquent sur les réseaux sociaux se désolidariser des propos de Frances Townsend.

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Et comme la stratégie de défense d’Activision Blizzard semble arguer que les témoignages porteraient sur des faits anciens et aujourd'hui révolus, Mike Morhaime (l’ancien président de Blizzard qui a quitté son poste en 2018) adresse lui aussi une lettre ouverte aux salariées de Blizzard Entertainment pour faire amende honorable – quand bien même il n’est pas mis en cause dans les accusations du Department of Fair Employment and Housing.

(...) J'ai travaillé chez Blizzard pendant 28 ans. Pendant cette période, j'ai fait tout mon possible pour créer un environnement sûr et accueillant pour les personnes de tout sexe et de tout horizon. Je savais que ce n'était pas parfait, mais il est clair que nous étions loin de l’objectif. Le fait que tant de femmes aient été maltraitées et n'aient pas été soutenues signifie que nous les avons laissées tomber. En outre, nous n'avons pas réussi à faire en sorte qu’elles se sentent suffisamment en sécurité pour qu’elles expriment leur vérité. Ce n'est pas une consolation que d'autres entreprises aient été confrontées à des défis similaires. Je voulais que nous soyons différents, meilleurs.
Le harcèlement et la discrimination existent. Ils sont répandus dans notre secteur. Il est de la responsabilité des dirigeants de faire en sorte que tous les employés se sentent en sécurité, soutenus et traités équitablement, peu importent de leur sexe et de leur origine. Il est de la responsabilité des dirigeants d'éradiquer la toxicité et le harcèlement sous toutes ses formes, à tous les niveaux de l'entreprise. Aux femmes de Blizzard qui ont vécu l'une de ces expériences, je suis extrêmement désolée d'avoir échoué.
Je réalise que ce ne sont que des mots, mais je voulais exprimer ma compassion pour les femmes qui ont vécu des expériences terribles. Je vous entends, je vous crois, et je suis vraiment désolé de vous avoir laissées tomber. Je veux entendre vos histoires, si vous êtes prêtes à les partager. (...) »

Et de poursuivre en indiquant qu’il entend mettre son « influence » au service « d’un changement positif pour combattre la misogynie, la discrimination et le harcèlement partout où ce sera possible ». « Je veux que l’empreinte que je laisserai dans cette industrie soit quelque chose dont nous pourrons tous être fiers ». Reste maintenant à déterminer comment cette influence pourra s’exprimer concrètement pour faire évoluer les comportements dans l’industrie du jeu.

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