La vente d'objets virtuels dans les MMOG/MMORPG #13

:: les Contrats de Licence d'Utilisateur Final


Rédigé par Uther, en janvier 2005
mis à jour en décembre 2005

 

A titre d'exemple, Wanadoo Portail, éditeur de Dark Age of Camelot, premier univers artificiels persistant commercialisé en France à être localisé pour le public français et dont les serveurs sont basés en France, propose un contrat de licence ne laissant pas la place à l'ambiguïté. L'accès à l'univers artificiel est en outre limité aux seules "personnes majeurs, sous [leur] seule responsabilité" ou aux mineurs, dont les parents, tuteurs ou responsables légaux "endossent toute responsabilité concernant les obligations mentionnées par ce CLUF".

Article 2 al 3. Restriction et autres droits[51]
"[...] Vous reconnaissez expressément que tous les personnages créés, objets acquis et développés en cours de jeu sont partie prenante du logiciel [...] et demeurent la stricte propriété de l'Editeur."

Article 7. Revente[52]
"Le présent CLUF vous donne un simple droit d'usage sur l'ensemble des éléments [du logiciel][...]. Il vous est par conséquent interdit de procéder à la vente, à la mise aux enchères ou à tout acte de mise à disposition ou de cession quelconque, à titre gratuit ou onéreux de tout [avatar], objet, pièce ou de tout élément du [logiciel] protégé notamment par des droits de propriété intellectuelle.

[...] En plus de constituer une violation des termes du contrat, la vente d'objets et/ou pièces porte préjudice à l'image de l'Editeur [...] dont nous pourrions vous demander réparation."

Ainsi, dans le simple cadre de cette relation contractuelle, l'éditeur affirme clairement son hostilité à la commercialisation du contenu de son programme (affirmant du même coup, sa propriété sur le programme lui-même ainsi que sur les "ersatz" de "créations" réalisées à l'aide dudit programme).
En outre, très classiquement dans une relation contractuelle, tout manquement ou violation des obligations contractuelles par l'une des parties est susceptible de mettre fin au contrat. Dans le cas présent, la résiliation du contrat prend la forme d'une fermeture du compte de l'utilisateur, (équivalant à la "mort" technique de l'avatar, supprimé de la base de données du programme avec son patrimoine).
Sans doute à des fins dissuasives (mais sans portée contraignante dans le cadre d'une convention), l'éditeur se réserve la faculté de poursuivre l'utilisateur faisant commerce du contenu du programme. A ce jour, aucune poursuite ne semble avoir été lancée auprès des juridictions françaises (et on peut s'interroger sur le fondement d'une telle action)...

 

illustration Et Wanadoo Portail n'est pas seul à inclure des clauses similaires dans les CLUF de ses programmes. Blizzard Entertainment, le développeur de World of WarCraft lancé dans une campagne très virulente contre la vente de contenu de son MMOG / MMORPG (notamment "comptes de personnages", "objets de jeu" et "devises") est particulièrement explicite dans les "Conditions d'utilisation" de son programme :

9. Vente de personnages et d'objets [53]
"Vous vous souvenez que, dans les Conditions d’Utilisation, nous vous avons expliqué que vous avez une "licence d'utilisation" de World of Warcraft, et que cette licence est "limitée" ?
Voilà un exemple concret de ces limites. Remarquez que Blizzard Entertainment est propriétaire ou dispose sous licence de tout le contenu qui apparaît dans World of Warcraft. En conséquence, personne n'a le droit de "vendre" le contenu qui appartient à Blizzard Entertainment, sauf Blizzard Entertainment ! Ainsi, Blizzard Entertainment ne reconnaît aucun titre de propriété en dehors de World of Warcraft ou la "vente" dans le "monde réel" de quoi que ce soit lié à World of Warcraft. Dans cet esprit, vous n'avez pas l'autorisation de vendre des objets pour du "vrai" argent, ni échanger des objets du Jeu contre des objets véritables ou de valeur en dehors du Jeu."

illustrationOutre une syntaxe manifestement choisie pour être compréhensible du plus grand public (incluant des joueurs parfois jeunes) bien loin du classique discours juridique, Blizzard réaffirme ici ses droits sur le contenu original développé par ses soins. Le logiciel "World of WarCraft" est revendiqué comme une oeuvre originale et à ce titre, protégé par le droit d'auteur. Et en qualité d'auteur, Blizzard fixe de façon très explicite les conditions dans lesquelles son oeuvre peut être utilisée par les joueurs.

Le joueur de jeux en ligne n'est ici que le simple utilisateur d'un programme. Le fait d'acheter le logiciel ne donne de droit de propriété que sur le CD (support physique du programme) du client, mais en aucun cas sur le logiciel lui-même et encore moins sur le contenu du serveur de jeu.
Particulièrement intransigeant en la matière, Blizzard n'hésite pas à faire respecter ce CLUF de façon très stricte auprès des joueurs. A cette fin, Blizzard utilise les services d'une "section spéciale" de "game masters" dont l'unique rôle est de traquer (dans et hors du jeu) et identifier les joueurs collectant des avatars, devises et objets virtuels en vue de les commercialiser.
A ce jour, l'éditeur américain n'a intenté (à notre connaissance) aucune action en justice pour faire appliquer le CLUF de World of WarCraft, mais n'hésite pas à suspendre les comptes des joueurs suspecter de l'enfreindre (plusieurs milliers de comptes ont été bannis depuis le lancement de World of WarCraft). Cette méthode s'avère plus expéditive, mais aussi bien plus simple et rentable qu'une action en justice.

 

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  1. Extrait du Contrat de Licence d'Utilisateur Final du programme Dark Age of Camelot, développé par la société américaine Mythic Entertainment et édité en Europe par GOA, marque de Wanadoo Int.
  2. Id.
  3. Extrait des "Conditions d'Utilisation" du bêta Test de World of Warcraft, disponible intégralement en français à cette adresse et complétant un "Contrat de licence" tout aussi explicite.