La commercialisation d'objets virtuels

Si la commercialisation d'objets virtuels est une pratique presque aussi ancienne que le genre « MMOG » lui-même, son analyse par les juristes semble faire l'actualité cycliquement.
En 2005, nous avions déjà consacré un dossier à la « vente » d'objets virtuels. Plus de deux ans plus tard, les pratiques des joueurs ont évolué, tout comme leur propension à faire valoir leur droit parfois devant les tribunaux (américains ou chinois, pour l'instant). L'évolution des usages et des mentalités permet aujourd'hui d'apporter un éclairage nouveau sur cette (vieille) question.

Liminaire : rappel des faits

La commercialisation d'objets virtuels est une pratique aussi ancienne (ou presque) que le MMORPG. Même si elle n'était alors que très marginale, déjà à la fin des années 90, certains joueurs d'Ultima Online cédaient pièces d'or, objets virtuels rares et personnages puissants à leurs congénères fortunés contre des sommes d'argent bien réel.
On le sait, aujourd'hui, ces pratiques sont monnaie courante (sans mauvais jeu de mot). Dans la quasi-totalité des mondes virtuels et MMO populaires, du contenu virtuel s'échange dans une monnaie réelle. Largement illicite dans la plupart des MMORPG il y a encore quelques années, la pratique s'est aujourd'hui suffisamment démocratisée pour s'imposer comme un modèle économique viable et attractif pour de nombreux éditeurs.

D'abord en Asie du Sud-est, « l'item mall » (littéralement, les « grands magasins » d'objets virtuels gérés par les éditeurs de MMO eux-mêmes) s'est généralisé pour devenir le modèle économique de prédilection des jeux en ligne gratuits. Accessibles sans achat de boites de jeux ni abonnement mensuel, ces MMO F2P (pour Free to Play) venus d'Asie inspirent les éditeurs de MMO occidentaux.
Fer de lance de cette nouvelle tendance aux Etats-Unis et en Europe, Sony Online Entertainment (SOE) annonçait début 2006, le lancement de la « Station Exchange » pour son MMORPG EverQuest II. Faute de pouvoir contrecarrer (ou seulement endiguer) l'activité de joueurs « vendant » et « achetant » du contenu virtuel issu de son jeu contre de l'argent réel, SOE a ouvert sa propre plateforme d'échanges. Limitée à certains serveurs spécifiques et ouverte aux joueurs désireux de monétiser leur période de jeu, la « Station Exchange » de Sony offre des méthodes de transaction sécurisées (et taxées par l'éditeur). Fort du succès de cette expérience (selon SOE, qui fait le bilan de la première année d'existence de sa plateforme dans un Livre Blanc, quelque 1,44 millions de dollars se seraient échangés sur la Station Exchange), SOE entend tester cette pratique à plus grande échelle. Mi mai 2007, l'éditeur annonçait Kung Fu Hustle, un MMO de combat destiné au marché asiatique uniquement, reposant sur un modèle économique à base d'items mall (commercialisation d'objets virtuels gérée par l'éditeur). Un mois plus tard, le même éditeur levait le voile sur le bien nommé FreeRealms, encore un titre massivement multijoueur gratuit financé par la commercialisation d'objets et services en ligne, et destiné cette fois au marché occidental.

Ce type de modèles économiques, très décriés il y a seulement quelques années (car souvent entraînant des inégalités entre les joueurs fortunés et les autres), se démocratisent aujourd'hui. Les moeurs vidéo ludiques évoluent et la révolution est en marche.

Pour autant, on constate encore quelques réfractaires luttant contre vent et marée. C'est le cas par exemple de Blizzard, farouche opposant à la commercialisation du contenu de ses titres. Dans sa lutte, le développeur de World of Warcraft n'hésite à bannir par dizaines de milliers, les joueurs convaincus de « commerces (virtuels) avec le démon » et autres « gold sellers » (littéralement, les « vendeurs d'or », c'est-à-dire des joueurs fréquentant le MMO dans l'unique but de collecter un maximum de pièces d'or et objets puissants, pour le compte de sociétés spécialisées dans leur revente dans une monnaie bien réelle).
Et bien au-delà des déclarations d'intention, pour la première fois fin mai 2007, Blizzard a accompagné l'acte (juridique) à la parole. Le 26 mai, les équipes de Blizzard annonçaient que l'éditeur de MMORPG avait engagé des poursuites contre les « gold sellers » faisant de la publicité, dans le jeu, pour leur service (nous y reviendrons plus ne détail).

Si Blizzard se limite à poursuivre en justice les auteurs de publicités émises de façon sauvage dans son jeu, toujours dans World of Warcraft, des joueurs ont décidé poursuivent IGE pour l'influence néfaste que ses activités peuvent avoir sur le monde virtuel.

Quelles problématiques juridiques ?

Au-delà du simple constat, ces pratiques et usages inédits autour du MMORPG soulèvent également des problématiques nouvelles (notamment juridiques). On peut se demander pourquoi Blizzard se contente de poursuivre les « gold sellers » faisant de la publicité dans World of Warcraft et non tous les auteurs de ces pratiques sans distinction... laissant cette tâche aux joueurs eux-mêmes.
De même, on peut s'interroger sur la qualification juridique du fait « d'acheter ou vendre des objets virtuels », que ces échanges soient autorisés ou non par les éditeurs. Quelles sont alors les conséquences juridiques de la « vente » de pièces d'or collectées dans Azeroth (le monde de World of Warcraft), de l'échange d'objets d'EverQuest II dans le Station Exchange de Sony contre des sommes d'argent réel ou encore de la cession d'une création dans Second Life ? Et quelles réponses apporter à cette question que l'on se place dans le cas de poursuites d'un éditeur contre des « gold sellers » par exemple ou à l'inverse dans le cadre de poursuites engagées par un joueur contre l'éditeur du MMO qu'il fréquente ?

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