« Le jeu vidéo entre dans la troisième ère vidéo ludique »

Fort de son expérience (controversée), Richard Garriott analyse le marché du jeu vidéo et y distingue trois grandes ères : le jeu solo, le MMO et aujourd'hui le jeu accessible qui pourrait bouleverser les standards actuels.

Tous les joueurs de MMORPG connaissent forcément Richard Garriott - autant pour son rôle de précurseur du MMO en Occident en tant que développeur d'Ultima Online que pour le fiasco Tabula Rasa ou sa passion pour les voyages spatiaux. Et fort de ses deux décennies d'expérience, le grand homme n'est pas avare d'analyses et prédictions sur le passé et l'avenir du jeu vidéo. Et selon Richard Garriott, qui répond aux questions d'IndustryGamers, le jeu vidéo entre actuellement dans sa « troisième ère ».

« Je pense qu'actuellement il existe ce que j'appelle les trois grandes ères en matière de développement de jeu. La première ère était marquée par les jeux solos tout au long des années 80 et 90. Puis vint la grande ère des jeux massivement multijoueurs dans les années 2000 et maintenant, je crois que dans la décennie actuelle, nous sommes dans l'ère des jeux sociaux et occasionnels. [L'évolution importante est] que chaque ère a vu une croissance exponentielle du secteur. Avec les jeux solos, vous y jouiez seul et chez vous et vous achetiez sous forme de boîte chez un revendeur. Avec la phase MMO, le marché est devenu dix fois plus gros et si vous prenez l'exemple d'Ultima Online comme cas d'étude, UO s'est vendu dix fois plus que n'importe quel Ultima précédent [...]. Un dixième des [joueurs d'UO] étaient des joueurs d'un Ultima précédent, mais 90% des joueurs d'UO n'avaient jamais joué à un Ultima, ni même à un RPG avant cela.

Et pour Garriott, cette croissance s'explique logiquement par le fait que le MMO permet de jouer à plusieurs (ils sont pourtant « plus chers, plus complexes à prendre en main », mais « infiniment plus riches et attractifs grâce à l'interaction entre les joueurs au sein d'un monde virtuel persistant »).

« Maintenant, nous entrons dans la troisième ère, qui est celle des jeux occasionnels et sociaux. Pour moi, l'évolution tient au fait qu'on n'achète plus un jeu pour 50 dollars en plus d'un abonnement de 15 dollars, maintenant vous obtenez votre jeu pour un prix oscillant entre zéro et cinq dollars dans l'App Store. Et quand vous jouez, vous ne vous contentez pas de jouer, vous interagissez avec d'autres joueurs de façon asynchrones [...] ; la nouvelle forme d'interactions multijoueurs est cette capacité, à mon avis, qui fait que même quand vous n'êtes pas connecté, vous pouvez visualiser votre carte, de sortir votre chien, d'arroser vos plantes ou tout autre élément asynchrone [les joueurs n'ont pas besoin d'être présent simultanément dans le jeu pour interagir, ils influent sur un univers et leurs actions influencent l'expérience de jeu des autres joueurs, ndlr]. C'est une forme de multijoueur accessible gratuitement ou pour un prix d'achat "impulsif", avec une installation facile et des interactions avec des joueurs connectés en même temps que vous ou non.
Et cette évolution centrale est le coeur de cette nouvelle approche qui peut être transposée dans des jeux profonds et de haute qualité, et en conséquence, le marché connait une nouvelle progression. Quand vous vendez un jeu solo à un million de joueurs, un MMO se vend à quelques dizaines de millions de joueurs et les jeux occasionnels et sociaux se vendent à 100 millions de joueurs par titre. »

Si l'équation n'est sans doute pas aussi simple (10 millions de joueurs de MMO génèrent un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions de joueurs sur une application Facebook), pour Garriott, elle marque une évolution notable notamment dans la mesure où elle bouleverse à la fois les habitudes de consommation vidéo ludique et l'industrie du jeu.
Il estime ainsi qu'à terme, les titres « AAA » (graphismes poussés, contenu riche, gameplay complexe) s'approprieront les codes des jeux sociaux (de l'accessibilité aux interactions multijoueurs asynchrones). Même évolution radicale en matière de plateforme : selon Richard Garriott, les consoles de salon ont vocation à disparaitre (« peut-être encore une génération de console »), remplacées par des terminaux mobiles capables de produire des graphismes de plus en plus réalistes, interagissant avec du contenu télévisé, etc.
Tout aussi notable, cette troisième ère du jeu vidéo s'accompagne d'un bouleversement économique, puisque le game designer constate que les grands groupes de l'industrie traditionnelle du MMO (Blizzard en tête) ont raté le coche du jeu social, laissant place à une myriade de nouveaux acteurs susceptibles de renouveler le secteur... Et manifestement, Richard Garriott entend bien que son propre studio, Portalarium, soit de ceux-là.

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