La Lettre de JeuxOnLine - Décembre 2019

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Pour les joueurs de MMORPG, le mois de novembre est traditionnellement marqué successivement par la BlizzCon, la convention communautaire de Blizzard au début du mois, puis deux semaines plus tard par le G-Star de Busan en Corée du Sud. Et les deux événements sont souvent significatifs pour les amateurs de MMO puisque le premier est organisé par l’un des principaux studios occidentaux spécialistes du jeu en ligne et le second met en avant la production de la « nation of game » (la Corée du Sud), qui s’impose comme le fleuron historique du MMO asiatique.
Et dans les deux cas, plus ou moins directement, on constatait un retour en grâce du jeu en ligne sur PC, après plusieurs années au cours desquelles le genre s’épanouissait plus volontiers sur les plateformes mobiles.

En Occident, on s’en souvient, l’édition 2018 de la BlizzCon avait été marquée par l’annonce du développement de Diablo Immortal, une adaptation de la licence Diablo sur plateformes mobiles. On n’y revient pas, l’annonce a suscité un tollé chez les joueurs, mais était le symbole du poids du caractère incontournable des plateformes mobiles en matière de jeu en ligne -- déjà démontré par le chiffre d’affaires du secteur mobile qui devance déjà ceux des PC et consoles réunis. Pour autant, Blizzard faisait amende honorable lors de la BlizzCon 2019 et annonçait cette fois un Diablo IV sur PC (et consoles) et esquissait un Overwatch 2 tout aussi destiné aux joueurs PC (et console).
On ne se fera pas d’illusion : le groupe ne fait pas une croix sur les plateformes mobiles (Activision Blizzard entend y adapter la plupart de ses licences d’envergure), mais on retient néanmoins que le PC n’est pas oublié pour autant.

Le G-Star en fait sans doute une démonstration plus évidente. Depuis des années (au moins 2015), le salon sud-coréen ne traitait quasiment plus que de jeux (et MMO) mobiles : la quasi-totalité des stands des studios n’accueillaient plus que des bornes de jeux mobiles et toutes les licences phares de l’industrie asiatique du jeu massivement multijoueur qu’on connait depuis des années étaient une à une déclinées sur smartphones et tablettes.
Changement de ton drastique lors du G-Star 2019 : le salon coréen a été l’occasion de découvrir plusieurs nouveaux MMO... destinés aux PC.
Alors certes, NCsoft et Nexon étaient absents du G-Star cette année (le premier boude régulièrement les salons, le second se consacre actuellement à sa restructuration), laissant ainsi davantage d’espace et de visibilité à d’autres acteurs, comme Pearl Abyss. Il n’empêche que le studio a annoncé quatre jeux (Shadow Arena, le MMORPG Crimson Desert, le MMOFPS Plan 8 et le MMO casual DokeV) et les quatre seront distribués sur PC et consoles -- même DokeV, initialement annoncé sur mobile est finalement réassigné au PC. De même pour Genshin Impact, du studio chinois miHoYo. Et dans la foulée, Nexon annonçait une version PC de son MMORPG mobile Project V4 et NCsoft dévoilait sa plateforme Purple visant à adapter ses MMORPG mobiles sur PC, à commencer par Lineage 2M.

Faut-il conclure à un retour en grâce du MMO sur PC ? Peut-être dans une certaine mesure. On peut sans doute y voir la conséquence d’un marché mobile de plus en plus saturé et dont les jeux ont tantôt une durée d’exploitation courte (à l’inverse des titres PC qui ont fait la démonstration de leur longévité), tantôt des coûts de développement en forte hausse (il est de plus en plus difficile de se démarquer). Peut-être faut-il aussi y voir une évolution chez les joueurs : le jeu mobile a considérablement étendu le marché vidéo ludique global (nombre de joueurs ont découvert le jeu vidéo avec le jeu mobile et via des titres accessibles), et depuis quelques années, ces « nouveaux » joueurs gagnent en maturité, s’intéressent à des titres moins casual, voire plus profonds (on est passé de Candy Crush à Black Desert Mobile en quelques années à peine, et aujourd'hui, les tops des jeux mobiles les plus joués en Asie sont monopolisés par des MOBA et des MMORPG). Et ces joueurs jouent sur mobile mais sont aussi enclins à s’essayer à d’autres plateformes, les consoles ou le PC. Assez logiquement, l’industrie s’adapte à cette évolution démographique des joueurs.
Peut-être tout aussi significatif, on constate que ces jeux sont de plus en plus souvent distribués dans une optique résolument multiplateforme. Parallèlement, cette tendance s’accompagne aussi des prémices de la démocratisation des offres de cloud gaming qui devraient conduire à l’abolition des plateformes physiques (via le cloud, on pourra jouer indistinctement sur un smartphone, un téléviseur ou un écran d’ordinateur). Les obstacles de la performance matérielle tombent et d’ici quelques années, la 5G permettra un accès à n’importe quel jeu, n’importe où, sur n’importe quelle plateforme. Là aussi, les studios de développement l’anticipent et quand les connexions mobiles à très haut débit seront la norme, les catalogues de jeux seront prêts (conçus avec des moteurs de jeu pensés dès l’origine pour le multiplateforme, comme le fait déjà notamment Pearl Abyss).

Evidemment, chaque « plateforme » implique son propre lot de contraintes et le « multiplateforme » cumule les contraintes pour satisfaire le plus petit dénominateur commun. Pour autant, avec un peu de recul, on constate les progrès dont sont capables les acteurs de l’industrie du jeu et l'évolution des goûts des joueurs. Au même titre qu'il y a quelques années, certains joueurs PC considéraient les consoles comme une sous-plateforme, il semble inéluctable que le mobile gagne progressivement en maturité et donc en crédibilité, auprès de tous les profils de joueurs. Au regard de la vitesse à laquelle le jeu mobile évolue, les prochaines années pourraient surprendre les plus sceptiques.
En d’autres termes, au-delà de regain d’intérêt que les développeurs de MMORPG prêtent au PC, on imagine qu’à l’avenir, la notion de plateforme pourrait devenir anecdotique et que les studios se focaliseront davantage sur le « jeu » lui-même, sans se soucier outre-mesure de comment il sera joué -- puisqu’il sera joué partout et par tous. On en sera d'autant plus curieux d’observer les annonces de la prochaine BlizCon ou du prochain G-Star, pour y découvrir si les problématiques de « plateformes » auront été remplacées par exemple par celles liées au cloud.