La Lettre de JeuxOnLine - Septembre 2019

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Traditionnellement, le mois d’août de l’industrie du jeu est marqué par la gamescom de Cologne, suivie de près par la PAX de Seattle. Et si les deux salons vidéo ludiques affichent une ambiance plutôt bon enfant et font la part belle aux communautés de joueurs, ils sont aussi l’occasion de quelques annonces sur l’avenir du jeu vidéo -- cette année, on retiendra peut-être plus particulièrement la première ébauche du catalogue de Stadia, la plateforme de cloud gaming de Google, qui comptera une trentaine de titres jouables en streaming au lancement et qui surtout entend faire de Cyberpunk 2077 le fer de lance de son offre de contenu.

Mais pour les joueurs de MMORPG, ce mois d’août 2019 lorgnait plus volontiers vers le passé : Blizzard donnait le coup d’envoi de World of Warcraft Classic, ressuscitant ainsi World of Warcraft tel qu’il était à son lancement ou presque en 2004 (en version 1.12).
On le sait, le lancement de WOW Classic s’est concrétisé de haute lutte : le projet était réclamé par les joueurs de longue date, officiellement entendu par Blizzard depuis 2016 (suite à la fermeture du serveur privé Nostalrius, ayant donné lieu ensuite à des rencontres entre les équipes de Blizzard et celle du serveur privé), et pour autant, le projet d’un serveur classique a longtemps été retardé pour des raisons techniques -- notamment parce que Blizzard indiquait être dans l’incapacité de restaurer les anciennes versions de son MMORPG, avant d’aborder finalement le problème par un autre angle en modifiant la version actuelle de World of Warcraft afin qu’elle reconnaisse les anciennes données du jeu.
On sait aussi qu’un serveur classique suscitait des doutes, voire des réticences chez certains membres de Blizzard : on se souvient par exemple de J Allen Brack (alors en charge de la licence et aujourd’hui président de Blizzard), assénant aux joueurs pendant une BlizzCon qu’ils pensaient vouloir un WOW Classic, mais qu’ils s’en détourneraient vite après avoir testé concrètement cette version « dépassée » du MMORPG. L’avenir dira s’il voyait juste ou non, mais aujourd’hui, le lancement de World of Warcraft Classic suscite à l’évidence un véritable engouement chez les joueurs : WOW Classic a été lancé sur plus d’une cinquantaine de serveurs, ayant chacun une capacité bien supérieure à ceux de 2004, et les files d’attente longue parfois de plusieurs heures pour se connecter témoignent de l’enthousiasme des abonnés, alors que le développeur continue d’ouvrir des serveurs supplémentaires.
L’intérêt des joueurs (au moins dans l’immédiat) dépasse donc manifestement les premières estimations de Blizzard -- alors même que le studio avait annoncé une « année de transition », marquée par peu de lancements et dont les résultats économiques devaient être relativement modestes. On sera sans doute curieux de découvrir les prochains comptes trimestriels du groupe et l’influence de WOW Classic sur le nombre d’abonnements au MMORPG.

On sait néanmoins que le succès populaire d’un MMORPG s’évalue dans la durée (après au moins quelques mois, voire quelques années) et en attendant d’évaluer si l’ancienne mouture de World of Warcraft parviendra à fidéliser durablement les joueurs d’aujourd’hui, au-delà d’une simple curiosité pour l’une des références du genre, on peut d’ores et déjà noter la stratégie de Blizzard : le studio entend inscrire WOW Classic dans un temps long. Selon Ion Hazzikostas, le studio prévoit au moins deux ans d’exploitation au cours desquels le MMORPG sera régulièrement mis à jour, selon six phases successives, avant d’envisager de peut-être déployer les anciennes extensions du MMO. Selon le studio, ce coût d’exploitation reste modeste dans la mesure où WOW Classic a principalement sollicité des ingénieurs ayant fait évoluer le moteur du MMORPG, sans obérer la capacité de production du reste de l’équipe « WOW » qui s’attèle au développement des prochains patchs de Battle for Azeroth et déjà à la prochaine extension du MMORPG.
Plus globalement, Blizzard dit appréhender WOW Classic et WOW Battle for Azeroth comme une seule et unique licence, et non comme deux jeux distincts (justifiant que les deux jeux soient accessibles avec le même abonnement). Le développeur entend donc encourager les passerelles entre les deux jeux (encourager les joueurs de l’un à s’aventurer sur les serveurs de l’autre), mais espère aussi apprendre du comportement des (vieux) joueurs : les serveurs de WOW Classic (qui ne sont pas interconnectés) encouragent la formation de communautés de joueurs plus soudées et le studio souhaite étudier leurs interactions, pour éventuellement en tirer des enseignements. Au regard de l’influence de World of Warcraft sur l’industrie du MMORPG depuis quinze ans, on imagine que WOW Classic pourrait avoir une plus grande portée sur le secteur qu’on ne l’imaginait initialement -- au point que le passé de WOW puisse alors avoir quelques conséquences sur l’avenir du genre ?