Editorial : le joyeux Noël de Funcom

par Aurélien Pfeffer, aka Uther (décembre 2004)

 

Essayant de respecter l'actualité, notre éditorial du mois de décembre ne pouvait que difficilement échapper au marronnier qu'est Noël et son lot de cadeaux...
Suivant la même logique, Funcom, le développeur norvégien du MMORPG Anarchy Online a décidé de respecter la tradition païenne et d'offrir pour les fêtes, un accès totalement gratuit à son jeu, à tous les joueurs ayant créé un compte sur le site officiel entre le 15 décembre 2004 et le 15 janvier 2005 et téléchargé (tout aussi gratuitement), le client du jeu.

 

Anarchy Online en quelques mots

illustrationEn juin 2001, après Ultima Online et EverQuest (tous deux fondés sur un monde médiéval fantastique, tout comme Dark Age of Camelot, alors en développement et qui ne sortira que fin 2001), Anarchy Online apparaît comme le premier jeu massivement multi-joueur plongeant le joueur dans un univers futuriste de science-fiction. En plus d'un gameplay riche, ce simple choix (novateur, pour l'époque) permis de fédérer plusieurs dizaines de milliers de joueurs réguliers autour du jeu, qui compte environ 100 000 abonnés, à peine un mois après sa sortie.
Anarchy Online marque alors un tournant dans l'histoire des MMOG/MMORPG. Ultima Online, mais surtout EverQuest avaient déjà démontré la manne financière que pouvaient engendrer les jeux à abonnement, mais Anarchy Online démontre que ce secteur de niche est en pleine extension. On ne choisit plus un jeu parce qu'il est (ou non) jouable en ligne dans un univers persistant, mais pour son contenu et son gameplay. On prend conscience que les MMOG deviennent des produits concurrentiels et un semestre plus tard, Dark Age of Camelot le confirmera en se démarquant par un gameplay inédit : l'intégration du RvR, c'est-à-dire un PvP organisé auquel Everquest avait renoncé par peur de réitérer les dérives d'Ultima Online.

Passé une période d'euphorie, ces quelques mois furent le temps nécessaire au développeur Funcom pour déchanter. Un marché en expansion va de paire avec un secteur hautement concurrentiel. Un univers novateur, un contenu riche (AO est, par exemple, le premier MMOG à proposer des zones instanciées à ses joueurs) et un gameplay complexe ne suffisent pas. Encore faut-il proposer un jeu techniquement abouti (jouable sur une configuration accessible) et des serveurs stables.
Le lancement catastrophique d'Anarchy Online lui coûta 30 000 abonnés en un mois. Pour encore faire douter de la pérennité du jeu, la richesse d'Anarchy Online s'accompagne d'une prise en main très peu intuitive, susceptible de rebuter plus d'un joueur.

illustrationLes plus pessimistes enterraient déjà Anarchy Online, au même titre que son petit frère "World of Midgard", nouveau MMORPG de Funcom basé sur les légendes nordiques (bien avant le Mythica de Microsoft, aujourd'hui également abandonné), dont le développement s'arrêtera prématurément fin 2002... Funcom préféra le sacrifier et ne pas disperser ses ressources afin d'assurer la pérennité d'Anarchy Online.

Aujourd'hui, trois extensions plus tard et doté d'une solide base de fidèles, Anarchy Online devient gratuit (uniquement dans sa version de base, sans les extensions) et se prépare à accueillir une nouvelle vague de joueurs.

 

Les conséquences de la gratuité

Evidemment, l'objectif est d'attirer de nouveaux joueurs, ne connaissant pas le jeu ou l'ayant testé sur une courte période, sans s'y être durablement établis. On peut alors se demander quel peut être 'impact d'un tel choix marketing.

Sans conteste possible, la simple annonce de la gratuité a suffi à attirer les curieux, les a poussée à s'inscrire et télécharger le client d'Anarchy Online. Et à ce titre, l'opération de Funcom est certainement un succès puisque l'éditeur norvégien dispose sans doute maintenant d'un fichier d'internautes potentiellement intéressés par ses produits, complété de quelques milliers d'adresses e-mail.
Mais, on l'a vu, l'univers d'AO est complexe et sa prise en main, peu aisée. Traditionnellement, un "acheteur" (ayant payé le programme qu'il utilise) aura tendance à faire les efforts nécessaires à la bonne maîtrise du logiciel, ne serait-ce que pour rentabiliser son investissement. Qu'en est-il de ceux qui acquièrent le programme gratuitement ? Parmi les curieux qui se laisseront séduire par l'offre de Funcom, combien s'investiront réellement dans l'univers d'Anarchy Online, même au prix de quelques efforts d'intégration ? Combien, au terme de cette année gratuite, accepteront de payer pour continuer à jouer, combien se laisseront tenter par les différentes extensions (qui elles, sont toujours facturées) ?

illustrationCette problématique (le poids de l'accessibilité du programme, qui sera peut-être préjudiciable à Funcom) semble avoir été parfaitement comprise par d'autres éditeurs, comme NCSoft qui s'attaquera dans les semaines à venir au marché européen notamment avec City of Heroes.
City of Heroes est d'une déconcertante simplicité. La prise en main est rapide, le gameplay limité à plus simple expression (se limitant presque au choix d'axes de développement primaire et secondaire) et le joueur totalement pris en main (la réalisation d'une quête, au moins aux premiers niveaux, se limite à suivre une flèche indiquant les direction à suivre et discuter avec le PNJ que l'on trouve au bout du chemin).

Très loin d'être une présentation se voulant péjorative, City of Heroes se relève attractif après seulement quelques minutes de jeu, on s'y amuse et c'est certainement le plus important dans un "jeu vidéo"... On peut simplement se demander si l'avenir du MMOG passe par la conception de "mondes virtuels" ou de "jeux vidéo" doté d'un mode multi-joueurs de grande envergure.