L'enfant et les écrans : les effets positifs et négatifs du jeu vidéo selon l'Académie des Sciences

Après deux ans de travail, l'Académie des Sciences publie aujourd'hui son rapport « l'enfant et les écrans ». Dense, instructif et richement documenté, le rapport s'intéresse notamment aux jeux vidéo, sans a priori ni idées reçues.

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Après deux ans de travail et d'auditions nombreuses, l'Académie des Sciences dévoilait hier son rapport consacré « l'enfant et les écrans ». Un rapport de 124 pages rendant compte des effets, positifs et négatifs, des « écrans » (de télévisions, de cinéma, d'ordinateurs ou encore de mobiles) sur le cerveau, le psychisme et les comportements des plus jeunes (des bébés aux adolescents). Une étude instructive qui s'intéresse notamment aux influences des jeux vidéo (au pluriel, car l'Académie estime que « le » jeu vidéo en général ne peut être appréhendé comme une unique entité homogène), qui va à l'encontre de certaines idées reçues.

En substance, on retient par exemple de cet avis de l'Académie que « les écrans » engendrent une révolution de la culture numérique, qui influence durablement les comportements : l'intelligence numérique qu'ils développent serait ainsi « plus fluide, plus rapide et multitâche », mais aussi sans doute plus superficielle (la culture du lien et du clic engendre une pensée « trop rapide » encline au « zapping ») en comparaison avec une culture littéraire plus lente, mais plus profonde. Deux approches qui ne sont pas pour autant en opposition, mais qui se complètent.
Au-delà de l'impact sur les modes de réflexion, les écrans sont aussi susceptibles d'induire des comportements. Si les images violentes pourront susciter une forme d'agressivité, on constate aussi par exemple des « comportements pro-sociaux dans la réalité, chez les joueurs de jeux vidéo coopératifs et valorisant l'entre-aide ». Mais dans tous les cas, l'Académie ne voit aucun déterminisme chez les jeunes « consommateurs d'écrans » et préconise ainsi un accompagnement des enfants par leurs parents (éviter les « expositions passives » et au contraire, « éduquer les enfants aux écrans, leur expliquer et dialoguer avec eux sur les images qu'ils reçoivent »).

Et dans son chapitre plus spécifiquement dédié aux jeux vidéo, l'Académie compile des effets positifs et négatifs des pratiques vidéo ludiques, soulignant leur « variété d'usages » vidéo ludique. Selon les experts, si chaque enfant a sa propre pratique des jeux vidéo, elle développerait néanmoins une double intelligence : une intelligence opératoire d'abord (l'exécution, la résolution des obstacles posés par le gameplay) et ensuite une intelligence plus émotionnelle immergeant le joueur dans un univers et une histoire (s'appuyant sur une évolution du joueur, au coeur d'une trame dont il est la principal acteur).
De quoi produire des effets jugés positifs armant le jeune joueur pour évoluer dans la société de l'information. Les jeux développeraient ainsi la réflexion stratégique (« capacité de concentration, d'innovation, de décision rapide et de résolution collective des problèmes ») et favoriseraient la résolution intuitive de problèmes et l'apprentissage (une solution est inefficace, le joueur en teste une autre jusqu'à trouver l'option la plus efficace dans la mesure où le jeu « valorise la pensée hypothético déductive »). Logiquement mais contrairement à certaines idées reçues, le jeu en réseau encouragerait la socialisation : les jeunes joueurs les plus assidus (qu'on classe habituellement parmi les joueurs excessifs) seraient ainsi « statistiquement ceux fréquentant le plus leurs amis après l'école » (les plus sociaux dans la réalité sont les plus sociaux in-game, reléguant loin l'image du jeu comme facteur de désocialisation).
À l'inverse, les jeux vidéo peuvent aussi des effets négatifs. Outre la violence qui nécessite un encadrement, l'Académie souligne notamment que le jeu vidéo peut « constituer un refuge pour fuir une réalité concrète quotidienne trop douloureuse », pour lui préférer « des scénarios de toute puissance fantasmatique ». Une volonté de fuite « qui a toujours existé », mais que le jeu vidéo (qui ne sert que d'exutoire pour occuper des pensées et non plus d'objet ludique) « rend plus accessible et tentante ». Selon le psychiatre Serge Tisseront, « il y a certes des pratiques excessives pathologiques, mais pas toutes, loin de là ».

Sans doute retiendra-t-on que « les écrans » représentent des outils (créatifs, ludiques, socialisants, etc.), mais que comme tous les outils, ils nécessitent un encadrement. Quelques pistes de réflexion et clefs de mise en oeuvre sont disponibles dans le long rapport de l'Académie (téléchargeable à cette adresse), dense mais éclairant et richement documenté.

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