Y a-t-il encore une place pour l’innovation dans les MMO ?

Force est de constater que l’offre actuelle en matière de MMORPG se renouvelle peu. Les mêmes titres occupent la tête des classements de popularité depuis des années et les nouveaux venus s’inspirent manifestement de ces aînés pour l’avenir. De quoi s’interroger : les MMO sont-ils un genre vidéo ludique qui se prête à l’innovation ou les joueurs sont-ils condamnés à revivre toujours les mêmes expériences ?

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Zones litigieuses

Sans grande surprise, les jeux massivement multijoueurs sont généralement des projets ambitieux et donc coûteux. Pour les mener à bien, ils nécessitent souvent l'investissement de budgets toujours croissants (le moindre MMO d'envergure coûtera aujourd’hui au moins quelques dizaines de millions de dollars), mais dans le même temps, lorsqu’un MMO rencontre son public, il promet aussi une rentabilité impressionnante (l'exemple le plus frappant est sans doute World of Warcraft et son milliard de dollars de chiffre d’affaires annuel). On le comprend aisément : initier le développement d'un MMO est attractif pour un studio mais représente aussi un risque financier de taille. Un risque qui se doit donc d'être calculé et qui pousse parfois les créateurs de MMO à ne pas s'éloigner des chemins très balisés du genre, à réemployer toujours les mêmes recettes qui ont fait leur preuve... et surtout à ne pas (trop) innover, voire à revendiquer ce manque d'innovation. 

Et l'affirmation semble même avoir valeur de mantra dans l'industrie du MMO. Blizzard l’a toujours affirmé : mieux vaut un titre bien fini et des fonctionnalités qui ont fait leur preuve que des innovations aux effets aléatoires. Plus récemment, dans le cadre du DICE Summit 2011 de Las Vegas, Greg Zeschuk (l’un des cofondateurs de Bioware, actuel développeur de Star Wars : The Old Republic) affirmait trouver « stupide de rompre avec les "règles de WoW" » dans le contexte actuel de l'industrie du MMO. Et au-delà des déclarations d'intention et des revendications, les joueurs eux-mêmes semblent leur donner raison.
Même si tout le monde apprécie d’être surpris dans une salle de cinéma, impressionné par la construction d’un roman ou l'audace d'un artiste, les joueurs de MMO semblent manifestement considérer que « c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes ». Sans même aborder World of Warcraft (et ses millions d'abonnés), NCsoft publiait récemment son bilan financier... et dévoilait les résultats records du premier Lineage, douze ans après le lancement du jeu. Plus largement et c'est bien connu, les premiers opus de MMO fédèrent souvent plus de joueurs que leur suite : c’est vrai pour Lineage, plus populaire en Corée que Lineage II ; mais aussi pour Asheron's Call est toujours en activité depuis fin 1999 quand les serveurs du second opus ont fermé en 2005 ; pour EverQuest qui aurait (avait) plus d’abonnés que le second (dixit SOE lors de la Fan Faire 2008) ; Dofus séduit des millions d'inscrits quand Wakfu enchaîne sa troisième mouture en bêta-test, toujours en quête d’une formule qui fonctionne et on pourrait multiplier les exemples. Et l’on peut s'interroger sur l’avenir : l'engouement des joueurs de MMO semble actuellement se porter sur Rift, le MMORPG de Trion Worlds qu'on qualifie, à tort ou à raison, de fil caché de WAR et d'EverQuest 2.5, reprenant à son compte à la fois les grands principes du MMO theme park popularisés par World of Warcraft et la doctrine de Blizzard quant à la finition du jeu (même si à y regarder de plus près et au-delà de la surface, le jeu s’avère sans doute plus novateur qu’il n’y parait de prime abord)...

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L'ensemble de ces titres rencontre (a rencontré ou va rencontrer) un succès populaire imposant et non sans raison - ils ont tous leurs qualités propres. Mais l’innovation n’est pas forcément la première qui vient en tête.

Et a contrario, les titres les plus audacieux, sortant des sentiers battus sont généralement loin d'atteindre l'audience des dinosaures du genre. Est-ce réellement du fait de leur contenu ambitieux ? Des MMOG comme Darkfall Online, Fallen Earth, Mortal Online ou plus récemment Earthrise et Perpetuum s’essaient manifestement à d’autres voies mais pêchent sans doute par un manque de moyens (et les difficultés techniques rencontrées par les joueurs prennent le pas sur le gameplay). Les titres à gros budgets, comme Age of Conan (ayant fait le pari du PvP et d’un ton mature) ou Warhammer Online (qui misait sur le RvR) n’ont pas évité l’écueil malgré leur budget de plusieurs millions (et sans doute n'était-il alors pas aisé d'éviter les contre-mesure de Blizzard à l'époque). Même Eve Online, parangon du MMO sans concession et bien installé depuis 2003, fédère tout juste quelque 350 000 abonnés à ce jour. Le score contenterait évidemment bien des exploitants, mais le MMO novateur (que ce soit en terme de gameplay ou techniquement sur son serveur unique) reste un jeu de niche et s'assume comme tel. Manifestement, les joueurs font leur choix : un contenu bien connu et un gameplay clairement balisé s'avèrent « confortables » pour le joueur qui n'en demande peut-être pas tellement plus.

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On en vient finalement à se demander si la forme même des MMO n'est pas un frein à l'innovation. Par définition, pour être attractif, un jeu massivement multijoueur doit attirer un nombre important de joueurs, séduire le plus grand nombre afin de fédérer une communauté qui sera à l'évidence le principal moteur du jeu - et peu importe le contenu (en d'autres temps, les joueurs de la Quatrième Prophétie expérimentaient déjà ce principe, malgré des graphismes d’un autre âge et un gameplay simpliste, le jeu a vécu des années sur la seule activité de sa communauté). 
Et ce simple constat est peut-être aujourd’hui la clef de l'innovation du jeu en ligne. Depuis maintenant des années, tous les MMO (même ceux se voulant novateurs en explorant d'autres plateformes comme DC Universe Online qui inaugure peu ou prou le MMO sur PS3 ou encore ceux, comme Tera Online qui propose un gameplay dynamique qu'on n’a encore peu l’habitude de voir dans un MMO) s’articulent tous autour d’un contenu résolument compétitif - que les joueurs luttent entre eux (PvP) ou rivalisent de vitesse pour accumuler des niveaux, acquérir l'équipement qui fera la différence ou vaincre des bosses tous plus imposants les uns que les autres. 

La véritable innovation aujourd'hui, 14 ans après le lancement d'Ultima Online, serait sans doute de replacer les interactions sociales au coeur des MMO d'aujourd’hui. Et peut-être est-ce précisément ce vers quoi l'industrie se dirige aujourd'hui, à l'heure où les biens nommés « jeux sociaux » (ces titres, simplistes, distribués sur les réseaux sociaux comme Facebook) attirent des dizaines de millions de joueurs et attisent la convoitise des pontes du jeu en ligne, Blizzard en tête (son projet Titan revendique une forte dimension sociale).
L'engouement actuel pour ces jeux résolument axés sur les interactions entre les joueurs semble enclin à inspirer les développeurs de MMO plus traditionnel. L’innovation prendrait-elle la forme d’un retour au source ?

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