Petite histoire du MMO : les origines du « theme park »

Aujourd'hui, la catégorie des MMO « theme park » est bien connue, mais quelle en est l'origine ? On doit la formule à Richard Garriott quand il posait les bases de Tabula Rasa, bien avant la sortie de World of Warcraft.

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On est aujourd'hui très enclin à distinguer deux grandes familles de MMO : d'une part les MMO « sandbox » dont le gameplay repose largement sur l'interaction des joueurs entre eux et d'autre part les MMO dits « theme park » désignant des jeux souvent plus linéaires et dont les mécaniques ludiques s'appuient sur un contenu, généralement consommable et répétable, conçu par l'équipe de développement et qui s'apparente à une animation de parc d'attraction (d'où le qualificatif de Theme park en anglais).
Au regard d'une définition moderne du MMO « theme park », les joueurs sont donc confrontés dans ces univers à des contenus conçus spécifiquement pour proposer une expérience planifiée et souvent très balisée (voire scryptée), comme une série de quêtes ou un donjon, par exemple.
Pour autant, si l'on remonte quelques années en arrière, la notion de MMO « theme park » ne recouvrait pas exactement cette réalité qu'on connait aujourd'hui. La définition du MMO « theme park » a évolué dans le temps.

Publicité Tabula Rasa (extrait)

Manifestement, on doit le qualificatif de « theme park » à Richard Garriott, figure tutélaire de l'industrie du MMO à qui l'on doit bon nombre de grands principes de game design du jeu massivement multijoueur, en plus de signer l'un des pionniers du genre, Ultima Online. Mais selon Richard Garriott, le premier MMO « theme park » aurait dû être Tabula Rasa, son autre grand projet de MMO même si le jeu connaitra un destin plus funeste.
Pour mémoire, Tabula Rasa était lancé en novembre 2007 (après avoir fait l'objet de plusieurs refontes) mais était officiellement dévoilé par Richard Garriott et Starr Long pour la première fois en mai 2001 dans le cadre de l'E3 de la même année (dans la foulée de la création du studio Destination Games où l'on retrouvait aussi Jake Song -- le papa coréen du premier Lineage chez NCsoft et plus tard d'ArcheAge).
Autant dire qu'à cette époque très reculée, nous vivions la protohistoire du MMO et que les considérations d'alors n'étaient pas celles d'aujourd'hui. En mai 2001, le marché « grand public » du MMO se limitait peu ou prou à Lineage en Corée et Ultima Online en Occident, à peine dominé par le premier EverQuest qui faisait alors figure de titre d'avant-garde (Anarchy Online ne sera lancé quelques semaines plus tard). Et les mondes virtuels d'alors avaient tous le même objectif : proposer un monde aussi vaste que possible dans lequel immerger le joueur pour s'assurer qu'il continue de payer son abonnement... mais au risque d'imposer des déplacements particulièrement longs et rébarbatifs (il fallait parfois plusieurs heures de courses avant d'atteindre une zone ou retrouver son groupe à l'autre bout du monde).

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Pour éviter cette contrainte dans Tabula Rasa, Richard Garriott imaginait donc un monde resserré (pour limiter les longs déplacements) mais plus dense (pour continuer à occuper les joueurs durablement). Et d'utiliser la métaphore du « parc d'attraction » durant l'E3 2001 pour illustrer son propos : le monde de Tabula Rasa devait être similaire au parc Disney World, dans lequel le visiteur peut enchainer les attractions les unes après les autres sans avoir à parcourir de longues distances entre le train fantôme, le grand huit et l'animation pirate. Selon Ricahrd Garriott, le monde de Tabula Rasa devait donc « intégrer un grand nombre de zones très concentrées ponctuant un chemin intéressant tout tracé ». Les bases du « MMO theme park » étaient posées.
Tabula Rasa ne sera lancé que fin 2007 (le jeu ayant fait l'objet de plusieurs refontes retardant sa sortie) et c'est finalement World of Warcraft, en 2004, qui reprendra à son compte le concept du « MMO theme park ». Au lancement, l'univers d'Azeroth semblait plutôt vaste mais était en réalité bien loin de rivaliser avec celui d'EverQuest (au lancement, les joueurs estimaient la superficie de World of Warcraft à 80 mi², ou 200 km², quand Sony Online évaluait Norrath à 350 mi² de territoires à explorer). World of Warcraft se démarquait néanmoins par la densité inégalée de son monde. Au lancement, le MMORPG de Blizzard comptait non seulement déjà des centaines de quêtes, mais toutes étaient très accessibles -- grâce notamment au fameux point d'exclamation doré au-dessus de la tête des PNJ donneurs de quêtes, connu de tous les joueurs de MMO et qui sera repris par tous les concurrents de WoW ou presque : ils devaient être visibles de suffisamment loin pour qu'on identifie toujours les prochains "points de contrôle" avant même d'avoir achevé sa quête précédente. Ces pictogrammes très visibles balisaient le chemin à suivre, guidant les joueurs (plus ou moins) discrètement d'une attraction à l'autre, surtout sans temps morts.

On retrouve notre notion de parc d'attraction ayant inspiré les mécaniques ludiques des MMO theme park : le joueur suit un parcours balisé et ponctué d'attractions, dans un monde condensé. Et si les joueurs épris de liberté se sentent peut-être un peu à l'étroit dans ces univers un peu trop linéaires, le theme park a fait ses preuve en matière ludique : le joueur est toujours occupé, jamais désoeuvré et a toujours un point de mire vers lequel se diriger. On reviendra sur les mécaniques de quêtes de MMO dans un prochain épisode de la petite histoire des MMO...

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