Test de Sand Land – Le démon du bac à sable

Sorti sur PlayStation 4 et 5, Xbox Series X|S et PC, Sand Land est l’adaptation vidéo ludique par Bandai Namco d’un one shot (manga en un seul tome) du très célèbre Akira Toriyama, auteur de Dragon Ball qui nous a malheureusement quitté le 1er mars dernier. Mettant en scène le démon Beelzebub et ses compagnons dans leur recherche d’une source d’eau légendaire au cœur d’un désert sans fin, il a bien malgré lui obtenu la lourde tâche de satisfaire des milliers de fans attristés. Destin accompli ? Réponse dans ce petit test de Sand Land.

Lorsque j’ai fait part de mon souhait d’écrire le test de SAND LAND pour JeuxOnline, je n’aurais jamais imaginé que son auteur nous quitterait quelques jours plus tard. Ayant bercé mon enfance avec Dr. Slump puis Dragon Ball, comme pour bien d’autres de ma génération, Akira Toriyama a eu un impact majeur sur mon rapport à l’animation, aux mangas ainsi que sur l’exploration de mon imaginaire. C’est donc avec une grande mélancolie que j’ai lancé Sand Land en espérant pouvoir parcourir une dernière fois l’univers créatif d’un auteur génial au trait si reconnaissable, un peu fainéant sur les bords, et grand fan de mécanique. Et que dire, si ce n’est que les premières minutes ont suffit pour totalement m’aspirer dans ce désert ? Dès la scène d’introduction, l’univers est posé et on retrouve, non sans un petit rictus, ce qui fait le charme des œuvres de Toriyama. Le rythme, l’humour, le design, tout est là pour notre plus grand plaisir.

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Une histoire prenante aux personnages hauts en couleurs

Le jeu narre donc les aventures de Beelzebub, démon de son état et accessoirement fils de Lucifer, ainsi que de ses compagnons Rao, Thief et Ann dans leur périlleuse quête de la source d’eau légendaire cachée au cœur du désert de Sand Land, né de la folie des hommes. Durant leur périple, ce petit groupe se retrouve à voler un char aux militaires dirigés par le terrible commandant Zeu pour le compte d’un roi avare contrôlant d’une main de fer l’apport en eau dans ce territoire désolé. Se lance alors une course poursuite à travers le désert entre les quatre compagnons et les militaires ayant reçu l’ordre de les intercepter.

Originale, l’histoire ne manque pas de charme et la patte du mangaka se fait tout de suite ressentir par la petite dose de loufoque parsemée ici et là. Ainsi, Beelzebub est un démon au design enfantin inspirant l’effroi chez les humains et dont les plus grands méfaits sont de voler l’eau des militaires, de ne pas toujours se brosser les dents le soir et de jouer à la console au-delà du temps autorisé par son père. De quoi faire frissonner les plus dangereux criminels. Il en va de même pour Thief, le vieux démon voleur dont la sagesse n’a d’égale que sa lâcheté lorsque le danger frappe à la porte. Il serait alors facile de penser que nous sommes face à une œuvre loufoque bourrée d’humour, mais ne faites pas cette erreur, car le jeu n'hésite pas à rappeler à quelques reprises, et de la manière la plus brutale qui soit, que Sand Land est lieu dangereux et cruel. Proposant son lot de rebondissements, d’instants épiques et d’héroïsme si chers au genre, le jeu ne manque pas d’allure lorsqu’il s’agit de raconter son histoire et devrait vous tenir en haleine sur une bonne trentaine d’heures. À noter que les scénaristes sont allés au-delà de l’histoire racontée dans le manga pour en proposer une version étendue, avec ses nouveaux personnages, qui s'intègrent parfaitement à l'univers.

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Bref, sur le plan de la narration, Sand Land tient ses promesses et adapte avec brio le manga. Toutefois, un jeu se doit d’aller plus loin, surtout lorsque l’on propose un Action RPG. Donc quid des quêtes annexes ? Eh bien, ce n’est pas fou fou. Pour expliquer plus en détail, Beelzebub et ses amis arrivent à un moment dans la ville de Spino, en piteux état. Afin de lui redonner vie, et parce qu’elle leur sert de base, il incombe à notre groupe de recruter de nouveaux habitants et cette mission représente la très grande majorité des quêtes annexes. Plutôt original, il est vrai que voir évoluer la ville avec ses nouveaux commerces et ses nouvelles habitations procure un petit sentiment de fierté. Malheureusement, les quêtes pour y parvenir ne sont pas bien passionnantes. Si la forme peut parfois s’avérer surprenante avec quelques choix moraux vraiment perturbants, le fond, lui, se contente du minimum syndical. En effet, avant de pouvoir être recrutés, ces personnages vous demandent toujours une faveur et cette dernière se limite à deux possibilités : trouver des matériaux et exterminer des créatures ou des bandits. Difficile de faire plus basique. Il y en a bien d’autres vous proposant d’infiltrer des camps militaires, mais elles sont tellement rares que vous allez probablement oublier qu’elles existent, alors même qu’elles sont censées mettre en avant le système d’infiltration, bien trop sous exploité.

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L’autre souci du jeu, c’est la nature même de l’environnement. Un désert, c’est par essence vide et cela implique qu’il y a assez peu de points d’intérêts pouvant servir l’histoire. De ce fait, vous allez faire des tas d’allers et retours pour revisiter plusieurs fois les mêmes lieux rendant ainsi certaines parties de l’aventure laborieuses. Rien de rédhibitoire pour autant et l’univers même du jeu rend la diversité quelque peu difficile à appliquer, mais on ne peut nier le risque de lassitude malgré une histoire réussie, un peu comme l’avait connu le premier Borderlands en son temps.

Dernier point à relever et qui peut donner des envies d'excès de violence : votre groupe n'arrête pas de parler. Des moulins à paroles, qui répètent sans cesse les mêmes dialogues dès lors que vous grimpez dans un véhicule. Un coup à devenir zinzin et impossible de modifier cela dans les options.

Mais tout ça c’est bien gentil, qu’en est-il manette en main ?

Des véhicules au secours de Beelzebub

Sand Land est donc un Action RPG en monde ouvert dans lequel nous contrôlons Beelzebub, le petit démon démoniaque, et comme dans n’importe quel jeu du genre, il peut courir, sauter (deux fois), donner un coup faible, un coup fort, esquiver et lancer une compétence parmi celles enregistrées sur les deux roues disponibles avec les boutons de tranche de votre manette. Lors d’une phase d’infiltration, il peut aussi se faufiler discrètement en appuyant sur la gâchette gauche. Bref, rien de bien original et jusque-là, tout va bien.

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Cependant, tout n’est pas rose et les soucis débutent avec les combats au corps à corps. Non pas qu’ils sont mauvais, mais ils manquent cruellement de panache, de punch. Pire, ils sont tellement faciles que les attaques spéciales, comme la Ruée ou la Furie - qui rappelle furieusement Dragon Ball -, deviennent de simples bonus visuels à lancer de temps en temps pour se faire plaisir. Et ce sentiment de simplicité est accentué par le système de soin à partir d’objets à utiliser. Une roue activable avec la croix directionnelle vous offre la possibilité d’ajouter plusieurs consommables et dans le lot, plusieurs vous rendent de la vie. De plus, en dehors des combats vous pouvez boire à partir de votre bouteille d’eau pour récupérer toute votre vie. Cette bouteille doit ensuite être remplie à un des points d’eau découverts auquel vous pouvez directement vous téléporter. Tout est fait pour rendre le jeu facile.

Et d’une certaine manière, heureusement que les combats sont simples tant l’esquive est bancale. Déjà, le fait qu’elle soit placée sur la gâchette droite fait qu’elle possède une légère latence, peu agréable, et la distance d’esquive est un poil faible, ce qui peut entraîner des situations cocasses où certaines attaques peuvent s’avérer trop amples pour être évitées. Du coup, on se contente d’un petit combo deux coups faibles un coup fort que l’on enchaîne en boucle avec juste une petite pause esquive dès lors que l’on voit l’aura rouge prévenant d’une attaque ennemie à venir. L’autre souci, c’est la caméra. Comme vous avez pu le constater, Beelzebub n’est pas grand et la caméra reste toujours assez proche de lui, donc lorsque plusieurs ennemis vous entourent, il devient très compliqué de savoir ce qu’il se passe derrière. Si encore on pouvait modifier la distance de la caméra au combat le problème serait vite réglé, mais non, elle est fixe et il faut faire avec. Quant à la partie infiltration, elle est très peu mise en avant et seuls les camps militaires imposent son utilisation, sauf que cela n’arrive qu’une poignée de fois dans tout le jeu. Dommage.

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Heureusement, les véhicules sont eux bien plus réussis et fun à prendre en main et par chance, vous passez bien plus de temps à les exploiter qu’à diriger Beelzebub. Durant l’aventure, ce dernier et son groupe volent un char, qu’ils utilisent pour se déplacer ainsi que pour attaquer tout ennemi se trouvant sur leur passage. Mais ce n’est pas tout, puisque plus tard et grâce aux talents de mécanicienne de Ann, vous pouvez fabriquer d’autres machines, comme un robot-sauteur permettant de franchir certains obstacles, une moto plus rapide, une voiture plus maniable, un buggy et d’autres encore ayant des propriétés propres tant sur la vitesse, le maniement, que sur les deux armes qu’elles possèdent. Et ces propriétés, vous pouvez les améliorer grâce aux pièces que vous fabriquez ou trouvez au cours de votre voyage. Façon hack & slash, ces pièces sont classées via un code couleur selon la rareté. Armes principales, secondaires, moteurs et suspensions doivent être remplacés au fil du temps pour rendre vos véhicules plus puissants et résistants, mais vous pouvez aussi les améliorer pour leur faire gagner des niveaux et ainsi augmenter leurs points de vie et puissances d’attaque. Bien entendu, tout ça n’est pas gratuit et il vous faut à chaque fois une certaine quantité de matériaux à récolter dans tout Sand Land ainsi que sur les ennemis.

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Comme dit au-dessus, chaque véhicule possède son arme principale et son arme secondaire, ce qui signifie qu’ils peuvent être utilisés pour le combat et autant dire que vous allez rarement en descendre. Pourquoi utiliser Beelzebub quand vous pouvez balancer des obus dans la bouche d’un bandit ou d’un ptéranodon (Toriyama et son obsession des dinosaures) ? Pourquoi s’infliger la caméra du combat au corps à corps alors que vos véhicules sont beaucoup plus maniables et fun à jouer ? Et cerise sur le gâteau, ils sont aussi utilisables dans la plupart des intérieurs comme les temples et autres carcasses rouillées. Les combats avec Beelzebub deviennent alors accessoires et vous allez plutôt privilégier les véhicules, surtout qu’ils font beaucoup plus de dégâts. Revers de la situation, le jeu devient encore plus facile qu’il ne l’est déjà et rares sont les challenges pouvant vous faire obstacles.

Pour en finir avec cette partie, Thief et Rao possèdent leurs propres compétences pour vous aider en combat ou en dehors. Par exemple, Rao peut utiliser ses propres véhicules pour vous soutenir et Thief peut aspirer tous les matériaux se trouvant à une certaine distance. Alors, autant les compétences hors combat de Thief sont bien utiles, autant les autres n’ont que peu d’intérêt puisque même les boss ne tiennent pas bien longtemps face à la puissance de feu de votre char.

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Quant au système de progression, il se limite à débloquer des compétences, peu nombreuses, grâce aux points gagnés à chaque niveau atteint. Quelques passifs pour augmenter les dégâts, rallonger les combos, augmenter les points de vie et vous en avez fait le tour. C’est très basique et cela prouve surtout que l’emphase a été faite sur les véhicules, bien plus personnalisables, et non sur Beelzebub et ses compagnons.

Sand Land, le désert convaincant

Sand Land est un monde ouvert et comme tout monde ouvert, il propose diverses activités. Tout d’abord, il y a Spino, la ville à faire évoluer grâce aux quêtes annexes pour recruter de nouveaux habitants, dont les divers marchands qui vous facilitent la vie ou encore un chasseur de prime vous proposant des contrats juteux. C’est aussi à Spino que vous avez votre garage à partir duquel Ann vous permet d’améliorer vos véhicules, et dans lequel se trouve votre chambre, à décorer du sol au plafond à la façon d’un Animal Crossing. À quoi sert cette chambre ? À rien du tout, et vous n’y retournerez probablement jamais une fois décorée, mais elle a le mérite d’exister. À côté du garage se trouve aussi le personnage auprès duquel vous pouvez personnaliser les couleurs de vos véhicules afin de les accorder à vos goûts, même les plus mauvais.

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En dehors de Spino, il y a tous les points d’intérêt de la carte, que vous dévoilez en réactivant les antennes réparties à travers le monde, merci Ubisoft. Parmi eux se trouvent les temples à parcourir pour récupérer des sous en cuivre, argent et or à dépenser ensuite contre certains objets ou des cartes aux trésors. Il y a aussi toutes les formations rocheuses où se trouvent des coffres, des grottes, des villes et villages où peuvent s’obtenir certaines quêtes, des camps de bandits à réduire en poussière ou de militaires à infiltrer pour récupérer des objets et souvent des pièces de véhicules assez rares. Et bien entendu, il y a aussi des trésors cachés à découvrir grâce à vos véhicules.

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Ce n’est clairement pas aussi touffu qu’un jeu Ubisoft, mais ce n’est pas plus mal. Cela vous évite d’être submergé par du contenu parasite souvent inintéressant. Et malgré ce contenu moins généreux, l’exploration de Sand Land reste très plaisante grâce aux véhicules. Parcourir le désert en moto pour ensuite passer au char, à la volée, afin de dissoudre une bande de bandits avant de monter dans votre robot-sauteur afin d’atteindre le sommet du rocher, c’est vraiment grisant, même s’il ne faut pas nier la répétitivité du gameplay après une dizaine d’heures de jeu, exacerbée par le manque de diversité des décors inhérent à l’univers.

Combien de pixels pour un grain de sable ?

Mais s’il y a un point sur lequel Sand Land s’en sort avec les honneurs, c’est bien sur le plan visuel. Certes, les environnements ne sont pas très diversifiés, cependant ils ne manquent pas d'attrait, bien au contraire. La direction artistique est de toute beauté et si la patte Toriyama y est pour quelque chose, il faut aussi souligner le travail exemplaire des artistes qui ont rendu une copie quasi parfaite. Et que dire de la mise en scène ? Elle en met plein les yeux quand c’est nécessaire et fait toujours mouche. Certaines scènes sont vraiment très réussies et dignes d’un film d’animation. C’est objectivement beau malgré une technique peu impressionnante. Et il en va de même pour les personnages, qui plus que jamais se rapprochent du rendu de l’animation avec un cel-shading des plus réussis. La seule petite ombre au tableau se situe peut-être au niveau des cheveux de Ann, qui manquent de relief. Et pour continuer sur l’aspect technique, le jeu n’est pas très gourmand sur PC et tourne sans problème même sur une petite configuration.

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D’ailleurs, en parlant de petite configuration, il tourne parfaitement sur le Steam Deck en atteignant sans mal les 60 images par seconde en 720p (800p non disponible) sur le modèle OLED en diminuant juste les ombres au niveau bas et le post-traitement au niveau intermédiaire. Et si jouer à 45 FPS ne vous pose pas de soucis, surtout sur le modèle OLED, alors vous pouvez sans problème passer les ombres en intermédiaire. Quant à la batterie, encore une fois pour le modèle OLED, comptez entre 2h30 et 3h30 selon la situation et vos options. Personnellement, j’y joue à 45 fps (limité via le Steam Deck) avec un TDP réglé sur 10W et tout à fond sauf ombres et post-traitement en intermédiaire et je peux jouer 3h30 voire plus. Un jeu parfaitement adapté à l’utilisation du Steam Deck.

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Enfin, il me faut parler de la musique parce qu’ici le choix fut fait de limiter les compositions marquantes pour privilégier les musiques d’ambiance, plus discrètes. Par conséquent, elles sont moins mémorables, mais ne sont pas dénuées de charme pour autant et là encore on sent comme une petite odeur de Borderlands dans l’approche musicale. Une belle réussite.

Conclusion

Si l’on pouvait craindre une énième adaptation de manga à bas coût pour surfer sur la notoriété d’un nom, Bandai Namco nous rassure en proposant ici un jeu globalement réussi et fun à jouer. Disposant d'un univers passionnant, Sand Land n’aura aucun mal à vous transporter dans une aventure trépidante aux côtés de personnages attachants. Certes, le jeu n’est pas sans défaut et les combats au corps à corps avec Beelzebub auraient mérité bien plus d’attention, tout comme les quêtes annexes, bien trop basiques. Heureusement, les véhicules s’en sortent beaucoup mieux et par chance, c’est en leur compagnie que vous passerez le plus clair de votre temps à parcourir le monde ouvert se dévoilant devant vous. Artistiquement magnifique, Sand Land est bourré de charme et si le risque de la lassitude existe, les aventures de Beelzebub et ses compagnons ne manqueront pas de vous faire revenir dans le désert.

Un très bel hommage à cette œuvre jusque-là assez méconnue d’Akira Toriyama.

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Test réalisé par Lianai à partir d'une version Steam fournie par l'éditeur.

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