Quel programme présidentiel pour l'Internet - PS

Entre le 27 mars et le 4 avril 2007, le Forum des Droits sur l'Internet (FDI) organisait des rencontres entre les candidats à l'élection présidentielle des principales formations politiques (PCF, PS, les Verts, UDF et UMP) et les acteurs de l'Internet français, parmi lesquels JeuxOnLine (membre du FDI et participant à ses groupes de travail traitant du jeu en ligne). A ce titre et bien que très à la périphérie des thématiques de prédilection de JeuxOnLine, il nous a semblé pertinent de relayer les grandes lignes du « programme présidentiel pour l'Internet » des candidats, en (modeste) complément des sites des partis politiques eux-mêmes ou encore des sites spécialisés dans l'actualité politique (mentionnés en bas de page).

Le mardi 27 mars 2007, le Forum des Droits sur l'Internet auditionnait Vincent Feltesse, secrétaire national du PS délégué aux TIC et représentant de Ségolène Royal, candidate du Parti Socialiste à l'élection présidentielle.
Intervenant
Représentant de Ségolène Royal lors des rencontres du FDI, Vincent Feltesse est secrétaire national du PS, délégué aux TIC (et remplaçait Christian Paul, député de la Nièvre au pied levé). Il est maire de Blanquefort en Gironde, a été chargé de mission auprès de Daniel Vaillant alors ministre des relations avec le parlement, puis directeur de cabinet d'Alain Rousset, président du Conseil régional d'Aquitaine.
Il est diplômé d'HEC, titulaire du DEA d'histoire contemporaine de l'IEP Paris et professeur associé à l'IEP de Bordeaux en communication publique et politique.

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Parti Socialiste (PS) – une approche pragmatique

En liminaire, Vincent Feltesse s'est présenté comme n'étant pas un spécialiste et technicien de l'Internet. Il revendique néanmoins son statut de maire de Blanquefort, commune "@@@@@" (saluant les « villes numériques »), grâce à la volonté politique de ses élus. Il s'est également chargé de la campagne d'adhésion du Parti Socialiste (PS) via Internet (doublant le nombre d'adhérant en deux mois).
Il revendique une vision générale des TIC (impactant de très nombreux secteurs de la société) et surtout très concrète, réaliste et pragmatique (loin des discours, proche des actes concrets et de la réalité des usages des citoyens au quotidien). Le net doit être un moyen de concrétiser les actions, d'aider à la mobilisation (via des pétitions ayant un poids politique reconnu, par exemple), reformer le lien social (via la démocratie participative).

Selon Vincent Feltesse, sans qu'elle « passe sa vie sur le net comme d'autres candidats », Ségolène Royal est une utilisatrice régulière d'Internet, a conscience de l'importance de ce nouveau média et lui accorde une place importante dans son programme. Le programme socialiste pose « 10 priorités pour la culture », deux de ces priorités portent spécifiquement sur Internet. Ségolène Royal a en outre confié à Michel Rocard, une mission sur les enjeu du numérique (au cours de la campagne, elle a confié cinq missions de ce type sur différents sujets dans le cadre de sa campagne, l'une d'elle porte donc sur les TIC).

Vincent Feltesse ne se retrouve pas dans le bilan du gouvernement en matière de NTIC qui, selon lui, n'appréhende pas Internet comme un service public et l'oublie en matière d'éducation. Peu de grands projets numériques ont été initiés depuis les travaux du gouvernement Jospin quant à la « société de la connaissance » en 1997. Les NTIC n'ont pas été le levier des services publics qu'elles auraient pu être. En matière économique, le gouvernement s'est focalisé sur quelques grands projets (bibliothèque numérique européenne), mais a oublié l'utilisation des TIC dans les PME par exemple (aides fiscales annoncées mais non appliquées).
En outre, selon le délégué PS, le gouvernement a développé un politique liberticide pour Internet, ratant la révolution du Web 2.0 (Web collaboratif).

Le PS entend développer une politique « volontariste et pragmatique » de l'Internet, intégrant autant l'action publique (l'Etat et collectivités territoriales) que la place du citoyen (via notamment la démocratie participative) ou ses enjeux économiques (le net permet de privilégier les conditions de la croissance, notamment auprès des PME – les TIC génèrent une croissance forte à l'échelle européenne).
Depuis 2004 dans sa région Poitou Charente, Ségolène Royal a affiché une volonté politique et pragmatique autour des nouvelles technologies, au plan local. Dans le cadre d'un « plan numérique régional », la région s'est attachée à faciliter l'accès aux services publics en ligne, aider les entreprises à maîtriser les technologies de l'information (dans le cadre d'une régionalisation des aides aux PME), lutter contre la fracture numérique (en permettant le raccordement des communes rurales à l'Internet haut débit ou en développant le Wimax), etc. Selon Vincent Feltesse, il ne s'agit pas de réaliser des prouesses technologiques à grands frais (réseau en fibre optique, notamment), mais de garantir un accès à Internet concret pour tous. Il conviendrait par exemple de généraliser un accès « triple play » à faible coût (10 à 15€ par mois) sur l'ensemble du territoire.
Cette même approche pragmatique a vocation à être généralisée dans l'ensemble des régions au plan locale (sur le modèle espagnol où la décentralisation a permis une meilleure égalité sociale et géographique). Les collectivités locales sont en outre plus à même de mener une politique efficace en la matière, l'Etat seul n'en a pas les moyens.

Même si les TIC peuvent être un levier efficace, les « libertés numériques » doivent rester au centre des préoccupations. L'administration dispose de nombreuses informations sur les usagers, il convient que ces derniers puissent aussi consulter ses informations (via un « coffre fort numérique personnalisé » par exemple).
Chaque citoyen devrait par ailleurs avoir accès à une adresse électronique personnalisée permettant de communiquer avec l'administration. Ces politiques doivent s'inscrire dans une volonté d'amélioration de la confiance du citoyen dans les TIC, notamment cherchant à recrédibiliser certaines autorités administratives comme la CNIL ou le CSA (qui ne devraient pas être dirigée par des hommes politiques) et en leur octroyant plus de moyen pour mener leur mission.

Le net permet également d'envisager la réforme du service éducatif (pouvant prendre la forme d'un « Wikipédia éducatif », collaboratif et reposant sur le partage du savoir). L'accès au matériel et la formation aux usages doit être une priorité dans l'école (éducation critique à l'information libre), sans forcément ajouter de nouveaux cours, mais en rénovant les méthodes pédagogiques.Aujourd'hui 80% de l'apprentissage des jeunes se fait hors de l'école, il convient de lutter à la source contre ce désintérêt pour l'enseignement traditionnel en réformant les méthodes pédagogiques et en formant lesenseignants aux outils multimédias (notamment au sein du CLEMI), même si dans cinq ans, les élèves d'aujourd'hui seront les enseignants de demain.
Il en va de même dans l'enseignement supérieur manquant de matériel, devant bénéficier d'une hausse de budget et des programmes de transferts de technologies.

Le programme socialiste prévoit également une « remise à plat du système de droit d'auteur », devant concilier la liberté des usages et la démocratisation de la culture (des biens culturels appartenant au patrimoine commun) et la rémunération de la création. Même si le PS se dit attaché au droit d'auteur (qu'il ne faut pas confondre avec les intérêt des intermédiaires comme les Webradios susceptibles financer la culture en ligne, comme c'est déjà le cas pour le secteur du cinéma par exemple), la DADVSI se révèle inefficace et doit être réformée (partiellement abrogée), en concertation avec tous les acteurs.

En matière de gouvernance de l'Internet, le représentant PS dit vouloir « armer numériquement tous les citoyens ». Aux Etats-Unis, les contrepouvoirs et groupe de pression parviennent à s'organiser notamment grâce aux nouvelles technologies. Il est dès lors « fondamental de former les citoyens » aux usages des nouvelles technologies. Par exemple, une proposition de lois portées par un million de citoyens en ligne pourrait être discutée au parlement.
Les TIC permettent aux « associations compétences de partager et faire entendre leur expertise ». L'approche citoyenne du net est à cultiver et suppose notamment une présence européenne forte (les mobilisations citoyennes doivent se construire à l'échelle européenne).
De même, il convient aussi d'impulser les usages auprès des élus. La loi DADVSI a été votée sans qu'une majorité de députés en comprenne les enjeux. Il convient de former les élus autant que les citoyens. Par ailleurs, au plan gouvernemental, Internet ne peut être appréhendé au sein d'un unique ministère par exemple, il convient d'adopter une approche interministérielle faite d'un noyau dur politique sur lequel s'agrègent les expertises des différents acteurs (autorités administratives indépendantes, experts, associations d'usagers, etc.).

Enfin, le représentant PS considère la « mémoire du Web » (le fait d'archiver le contenu numérique) comme une forme d'identité collective modelée à partir de la culture numérique. Tout en le liant au droit à l'oubli sur Internet, la numérisation de contenu conduit aux musées de demain. Il semble dès lors préférable de d'éduquer les usagers à ne pas diffuser d'information personnelle sans discernement plutôt que de se priver d'archiver le contenu culturel publié en ligne.

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