Quel programme présidentiel pour l'Internet - PCF

Entre le 27 mars et le 4 avril 2007, le Forum des Droits sur l'Internet (FDI) organisait des rencontres entre les candidats à l'élection présidentielle des principales formations politiques (PCF, PS, les Verts, UDF et UMP) et les acteurs de l'Internet français, parmi lesquels JeuxOnLine (membre du FDI et participant à ses groupes de travail traitant du jeu en ligne).
A ce titre et bien que très à la périphérie des thématiques de prédilection de JeuxOnLine, il nous a semblé pertinent de relayer les grandes lignes du « programme présidentiel pour l'Internet » des candidats, en (modeste) complément des sites des partis politiques eux-mêmes ou encore des sites spécialisés dans l'actualité politique (mentionnés en bas de page).

Le Forum des droits sur l'Internet recevait Jérôme Relinger le mardi 27 mars 2007, représentant de Marie-George Buffet, candidate du Parti Communiste Français à l'élection présidentielle.
Intervenant
Jérôme Relinger est délégué chargé des « Technologies de l'Information et de la Communication » (TIC) du Parti Communiste Français (PCF) et responsable de la commission "révolution numérique et société de la connaissance" et du programme TIC pour la gauche populaire antilibérale. Il est aussi élu du PC du 13e arrondissement de Paris et responsable des sites Internet du PCF au Conseil National.

Lire aussi
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Parti Communiste français (PCF) : un projet de civilisation

Le projet du PCF pour l'Internet s'inscrit dans la société de la connaissance (initié par Lionel Jospin en 1997). Jérôme Relinger voit le FDI comme le « législateur » du net. Ses propositions doivent devenir des obligations pour les différents acteurs.
Pour le PCF, les NTIC font figure de « saut de civilisation », ayant un fort impact culturel devant révolutionner les méthodes de fabrication de richesses, les rapports au monde et doit s'inscrire dans une logique de patrimoine partagé (le net doit « universaliser le savoir »). Les NTIC révolutionnent l'économie et sur le social et impose de repenser le rapport richesse / rentabilité (on peut aisément accéder à du contenu gratuit pour l'utilisateur, qui correspond néanmoins à une forme de création de richesse).

Le net s'expose par ailleurs à un risque de contrôle abusif du contenu (cf. commission de déontologie souhaitée par le gouvernement) ou des brevets (cf. le brevet logiciel, animé par un souci de rentabilité et non de réduire la fracture numérique). Pour le PCF, le contenu comme le contenant doit relever du bien commun.

Le PCF milite en faveur de la démocratisation des TIC et prône une massification des accès (aujourd'hui, 45% des français ne sont pas connectés).
L'accès à Internet à haut débit doit être considéré au même titre que l'eau courante ou l'accès à l'électricité. C'est autant une question de justice sociale, qu'un levier de l'économie. Selon le PCF? l'intérêt collectif doit primer sur les marges des opérateurs. En la matière, il convient d'imposer des critères de services publics aux opérateurs (notamment les Founisseurs d'Accès à Internet) et abaisser le coût de l'accès à Internet (30€ par mois est encore un coût prohibitif pour certains) pour viser une quasi gratuité.
A l'échelle européenne, l'accès à Internet doit s'inscrire dans les droits publics fondamentaux du citoyen. Pour atteindre cet objectif, le PCF envisage une politique d'aide aux ménages. La TVA sur les produits numériques doit être abaissée à 5,5% (« Internet n'est pas un luxe, mais une nécessité »). De même en matière de vente liées (c'est-à-dire l'achat d'un système d'exploitation imposé lors de l'achat de matériel informatique par exemple). Dans ce même ordre d'idée, selon Jérôme Relinger, il est important de relancer la fabrication de matériel informatique sur le territoire européen.

Selon le PCF, il faut former les utilisateurs, autant les jeunes à l'école (formation initiale par l'éducation nationale – 7% du PIB doivent lui être consacré) que tout au long de la vie pour former les adultes et réduire la fracture numérique générationnelle (formation continue). Chaque citoyen devrait avoir accès à une « culture numérique de base », tant sur le fonctionnement des matériels que sur l'appréhension du contenu diffusé sur Internet (évaluer la pertinence des contenus, etc.).
« L'école ne peut pas se limiter au papier et au crayon », elle doit former aux usages, mais doit rester indépendante dans grands groupes. Si le budget que l'éducation nationale consacre à l'achat de licences était supprimé (grâce à l'usage uniquement de logiciels libres, par exemple), il serait possible de doter chaque élève d'une clef USB et d'un PC et d'initier « l'équipement universel » (accès numérique pour chaque citoyen).
De même, le contenu pédagogique créé par les enseignements eux-mêmes doit être valorisé. D'une part pour placer l'enseignant au coeur du processus d'éducation numérique mais aussi pour s'exonérer des éditeurs privés.

En matière de droits d'auteur et de diffusion de contenu culturel (le PCF assimile les créateurs de logiciels aux auteurs), le PCF l'inscrit dans une logique salariale, considère qu'il s'accompagne d'une valorisation de la créativité et de l'intelligence collective. A ce titre, le programme du PCF entend prévoir des « dividendes numériques » pour le salarié qui « créé » en entreprise et aller ainsi au-delà du salariat. Le numérique pose un nouveau rapport à la richesse, entre le producteur et l'utilisateurs quant à la diffusion de la production. La diffusion de contenu culturel doit être « démarchandisée » (et se limiter au coût d'usage pour rémunérer le producteur). Le PCF propose que le droit d'auteur sur le net soit géré comme la sécurité sociale en matière médicale (cotisation de tous pour financer les besoins de ceux en ayant besoin). Il estime que le volume financier du contenu diffusé sur le net (notamment issu de l'industrie musicale) est infiniment plus élevé que le coût de sécurité sociale.
Il propose par ailleurs une plateforme légale de téléchargement, permettant de rémunérer les auteurs, qui pourraient être rémunérés à la licence (licence globale et forfaitaire) ou selon la popularité du contenu. Par ailleurs, les profits en général doivent contribuer à la « culture universelle ».
La loi DADVSI doit être abrogée. Le PCF la considère inadaptée et les majors eux-mêmes ne l'appliquent pas.

De même, le PCF est hostile au brevet logiciel (souhaité par l'Europe) « dans la mesure où ce serait permettre la vente infinie d'un produit (le logiciel) qui ne coûte plus rien après son développement ». Il faut mettre les biens communs à l'abri de l'appropriation des groupes économiques puissants.

En matière de droits et libertés sur Internet, selon le PCF, les internautes subissent une double pression. Au nom de la lutte contre le terrorisme et contre le piratage, on instaure une traçabilité des usages et des échanges, servant ensuite à des fins commerciales. Selon le PCF, la surveillance générale peut conduire à des dérives graves. Pour prévenir les dérives, il convient de former les usagers et plus globalement, les sciences et techniques doivent restées hors du champ politique.

Selon le PCF, il convient de dépasser les clivages. Le net est de plus en plus indispensable, rend tout possible. Aujourd'hui le net pose un choix : « société du partage ou société du péage et le PCF a fait son choix ».

Les discussions se sont poursuivies dans le cadre d'un jeu de questions / réponses avec la salle.

  • Gouvernance de l'Internet et place du Forum des Droits sur l'Internet : il convient de remplir un vide « interministériel » et replacer le citoyen au coeur du débat public. Le FDI pourrait coordonner ces débats démocratiques, entre le citoyen et le politique (en excluant les lobbys et les pressions de l'Assemblée). Il pourrait également endosser la charge d'informer le citoyen, même à l'échelle européenne (comme moyen de démocratiser l'Europe).
  • Education : aujourd'hui, les politiques d'éducation se limite à l'aspect utilitaire. Selon J. Relinger, il faut évoluer vers une formation « culturelle » des usagers (dans la « civilisation de la connaissance ») et encourager la reconnaissance de l'investissement des enseignants.
  • Le télétravail doit être abordé sous un angle large. Le télétravail pose la question des garanties pour le salarié et ses créations. Par contre, le télétravail est pertinent dans le cadre des formations professionnelles.
  • Le Web 2.0 (le Web collaboratif) pose la question des responsabilités des acteurs. A qui incombe-t-elle ? Aux intermédiaires techniques, aux pouvoirs publics, aux contributeurs, aux ayants droits, etc. ? Le PCF prône un équilibre des responsabilités et milite en faveur du Web collaboratif, veut valoriser le contenu et en faire un média de masse (symétrique à celui des grands acteurs). Le « goût du don doit être reconnu comme une réelle valeur » (autant la valeur d'un article publié sur le Web que celui d'un commentaire à l'article).
    Selon Jérôme Relinger, le Web collaboratif pose les limites du droit d'auteur et du capitalisme en général (les systèmes gratuits sont viables, des sites comme Wikipédia l'ont démontré). La reconnaissance du patrimoine immatériel (sur la base d'une réforme du droit d'auteur), au même titre que le patrimoine culturel matériel, est nécessaire.
  • Quid de l'accès à Internet ? La clef de la question repose sur la formation permanente. Selon le PCF, il est nécessaire que chaque citoyen ait accès à Internet chez soi. Les accès dans les lieux publics (que ce soit dans les bureaux de poste ou dans les mairies de chaque commune) doivent devenir des espaces de formations aux NTIC. Cette approche doit également avoir valeur de droit public fondamental.

Pour conclure son intervention, Jérôme Relinger estime que le net permet de repenser les systèmes actuels, tant économiques que sociaux. Les évolutions doivent être portées par les intérêts collectifs et non les intérêts particuliers de quelques grands groupes.

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