La vente d'objets virtuels dans les MMOG/MMORPG #2

:: La propriété dans les MMOG/MMORPG


Rédigé par Aurélien "Uther" Pfeffer, en janvier 2005
mis à jour en décembre 2005

 

illustration Même si ces chiffres sont difficilement vérifiables, ils tendent à démontrer que la commercialisation d'objets virtuels est loin d'être une activité marginale et isolée. Un tel constat soulève une nouvelle série de questions : dans quelle mesure la notion de propriété peut-elle être reconnue dans le cadre d'un monde virtuel (la notion de propriété est l'un des moteurs principaux des mondes artificiels) ? Peut-on reconnaître une forme de propriété analogique ("dans le monde réel") à la périphérie des univers virtuels persistants ? Quelle est la nature juridique de cette propriété virtuelle et quel régime peut-on lui appliquer dans la réalité ? Quelle est la portée juridique dans le monde analogique, que l'on peut conférer à cette forme de propriété purement virtuelle (le simple fait que l'avatar possède un objet virtuel peut-il suffir pour que le joueur se revendique juridiquement comme le propriétaire de l'objet) ? Et plus largement, dans quelle mesure un droit de propriété virtuelle peut être reconnu analogiquement, dans la réalité ?

Mais avant de donner tout élément de réponses, il conviendra non seulement de s'arrêter sur ce que l'on entend précisément par la notion de "propriété virtuelle" mais aussi sur les causes ayant entraîné l'émergence d'un tel "système de propriété" dans ces mondes numériques.
Nous décrirons donc dans un premier temps les systèmes économiques que l'on retrouve dans la plupart des univers artificiels persistants actuels, justifiant qu'un individu puisse chercher à se porter acquéreur de objets virtuels.

 

1. L'existence d'un droit de propriété dans les univers virtuels

Dans un premier temps et pour poser les bases de cette étude, nous examinerons les raisons pour lesquelles un joueur éprouve le besoin d'acheter un objet, qu'il peut acquérir gratuitement en "jouant".

Par définition, les univers virtuels persistants ont vocation à former de véritables "sociétés virtuelles" composées d'individus interagissant ensemble. Que ce soit volontaire ou non, les interactions entre individus passent nécessairement par l'échange (troc ou vente dans le cadre du jeu, contre une monnaie virtuelle) et des systèmes économiques virtuels plus ou moins complexes, émergent dans ces sociétés.

 

1-1. Un système économique viable

La notion juridique de propriété est au cœur des activités que portent la plupart des mondes virtuels les plus récents, inspirées des concepts réels de propriétés individuelles et de transferts de propriété sous conditions. Ainsi, un avatar évoluant dans Blazing Falls (l'univers généré par le programme The Sims Online[5]) peut acquérir une parcelle de terrain pour environ 10 000 simoleons (la monnaie virtuelle du lieu, que l'on obtient principalement en travaillant) et y construire son logement. La taille du bâtiment et le luxe de la décoration (présence d'une piscine privée, par exemple) dépendent des moyens financiers du "propriétaire". Dans The Sims Online, tout ce dont l'avatar a besoin aura un coût "financier" virtuel.

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Dans cette optique, certains programmes proposent des mécanismes économiques cohérents et complexes. A titre d'exemple, on pourra citer l'univers de Star Wars Galaxies, inspiré de la célèbre trilogie cinématographique éponyme de Georges Lucas. Le système économique de création d'objets virtuels repose sur une division du travail spécialisé :

  • il faudra prospecter pour localiser les matières premières (trouver un "filon" pour collecter des ressources de qualité) ;
  • puis extraire ces ressources et les raffiner à l'aide de machines qu'il conviendra d'alimenter en énergie et entretenir ;
  • les assembler pour créer un produit fini (le processus de production pourra être automatisé dans un contexte industriel) ;
  • et enfin proposer les stocks à la vente, "à la criée" sur une place publique virtuelle ou via un réseau de magasins virtuels achetés par l'utilisateur avec ses marchands virtuels salariés contrôlés par l'ordinateur, gérant son patrimoine.

Avec un peu d'astuce dans un tel programme, l'utilisateur habile peut aisément bâtir un véritable empire commercial virtuel s'étendant sur plusieurs planètes artificielles.

 

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  1. Voir "The Several Futures of Property: Of Cyberspace and Folk Tales, Emissions Trades and Ecosystems" (1998) par Carol M. Rose.