Rencontre-Débat « MMOG, du virtuel au réel »

Compte-rendu de la conférence du 10 juin 2006

par Aurélien Pfeffer aka Uther (18 juin 2006)

 

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Le Forum des Droits sur l'Internet est un organisme créé avec le soutien des pouvoirs publics compétent sur les questions de droit et de société liées à Internet. Il a pour mission d'informer le public et d'organiser la concertation entre les pouvoirs publics, les entreprises et les utilisateurs sur ces questions. Il propose également un service de médiation à destination du grand public.
Le Forum comprend aujourd'hui près de 70 membres, organismes publics, associations et entreprises privées.
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Fondé en juillet 2000, JeuxOnLine fédère la première communauté francophone de joueurs de MMORPG. Fort de plusieurs dizaines de sites dédiés aux MMOG gravitant autour d'un portail généraliste, JeuxOnLine suit l'actualité des mondes virtuels et met ses outils communautaires à la disposition des joueurs : forums de discussion, sites d'enchères, annuaires de guildes, etc.
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Les jeux en ligne et notamment les MMOG sont de plus en plus populaires à travers le monde (en terme de valeur, les jeux vidéo sont aujourd'hui un loisir devançant le cinéma et pour la première fois en 2005, le jeu en ligne devance le jeu vidéo traditionnel). Pour autant, les MMOG soulèvent des questions neuves, font débat et n'ont pas toujours bonne presse auprès du grand public.
Le Forum des Droit sur l'Internet (FDI), organisme parapublic en charge des questions juridiques et de société relatives à Internet, s'est donc tout naturellement penché sur le nouveau phénomène des MMOG et de leurs usages aujourd'hui en France. A ce titre, le FDI s'est associé à JeuxOnLine pour recueillir les contributions des principaux intéressés : les joueurs de MMORPG, afin de nourrir un débat organisé le samedi 10 juin.

Près de trois semaines de consultation des joueurs de MMO sur les forums de JeuxOnLine ont donné lieu à une Rencontre-débat, le samedi 10 juin 2006 à la FNAC Forum des Halles, traitant des « MMOG, du virtuel au réel ». Pendant plus de deux heures, les sept intervenants ont donc répondu aux interrogations de Jacques Harbonn (journaliste de SVM et spécialiste des jeux) qui animait les débats, avant d'échanger avec le public présent.
Citons parmi les intervenants :

  • Frank BEAU, chercheur, spécialiste des MMOG de la FING (Fondation pour un Internet Nouvelle Génération) ;
  • Giovanni BRISSET, chef de guilde de Dark Age of Camelot et joueur confirmé ;
  • Nicolas CHOLLET, joueur et représentant de JeuxOnLine ;
  • Isabelle FALQUE-PIERROTIN, présidente du Forum des droits sur l'Internet et David MELISON, chargé de mission ;
  • Thomas GAON, psychologue, de l'Observatoire des mondes numériques en sciences humaines ;
  • Jean-Claude LARUE, délégué général du SELL (Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs) ;
  • Jean-Pierre QUIGNAUX de l'UNAF (Union Nationale des Associations Familiales).

Rappelé en liminaire par Isabelle Falque-Pierrotin, présidente du FDI et membre du Conseil d'Etat, les MMOG ne peuvent être réduits à une simple appréciation binaire (diabolisés ou encensés). Les problématiques soulevées par les jeux en ligne ne se limitent pas à un simple sentiment positif ou négatif, ils font écho à un système de valeur complexe et à une régulation relevant autant des développeurs/éditeurs que des joueurs voire même des institutions, que ce soit dans et hors du jeu.

 

Pratiques et régulation des MMO

Confortant cette approche, d'après Nicolas Chollet (joueur et membre actif de l'équipe JeuxOnLine) les MMOG et mondes virtuels reposent sur des "communautés" et à ce titre, les comportements collectifs s'organisent entre les joueurs (dans et hors du jeu), généralement sous l'impulsion des éditeurs.
Les développeurs de MMOG sont responsables de la "vie quotidienne" de leurs univers virtuels et en définissent les règles, notamment par l'intermédiaire des CLUF (Contrat de Licence d'Utilisateur Final) et Conditions d'Utilisation de leur jeu et entendent les faire respecter.

MMOG en images

Dark Age of Camelot
 
Dark Age of Camelot
 
Dark Age of Camelot

Selon Nicolas Chollet, les exemples de mesures (parfois radicales) prises par les éditeurs de jeux à l'encontre des joueurs peu scrupuleux sont nombreux. On pourra citer, parmi d'autres, les cas de suspensions de comptes de joueurs (exclusion définitive de certains clients des serveurs de jeu) convaincu de tricherie et notamment de commercialisation d'objets ou devises virtuels. Mythic, le développeur américain de Dark Age of Camelot avait ouvert la voix dès 2003 en bannissant quelques dizaines de joueurs... Blizzard, exploitant World of WarCraft ira bien plus loin en radiant régulièrement plusieurs milliers de joueurs de ses listes de clients (5000 comptes suspendus en janvier dernier par exemple).
Le respect du fair-play et des règles du jeu peut aller plus loin encore, notamment en Corée. D'après Nicola Chollet, les concepteurs de certains logiciels de triches (notamment des "bots", c'est-à-dire de petits programmes "jouant à la place du joueur", simulant les actions des utilisateurs pour faire progresser des personnages 24h/24 sans intervention humaine) ont fait l'objet de poursuites judiciaires et ont été condamnés par les tribunaux.

Partagé face à ce type de comportements, la plupart des joueurs soutient (officiellement) ces actions d'éclat contre les tricheurs.
Et il n'est pas rare que les développeurs doivent en effet partager cette place de « régulateur des mondes virtuels » avec les joueurs eux-mêmes. L'expérience de Giovanni Brisset, chef de guilde dans Dark Age of Camelot, tend à le confirmer.
Les guildes (des groupements de joueurs unis par un intérêt commun, comme l'organisation de raids, le PvP ou encore une hégémonie artisanale et commerciale sur un serveur de jeu) occupent une place de choix dans la régulation des univers de MMOG. Bien qu'à vocation ludique, la plupart des guildes s'imposent un système de valeur plus ou moins strict, voire une organisation hiérarchisée qui s'inscrit dans les règles du jeu du MMOG. D'après Giovanni Brisset, il n'est pas rare que les guildes définissent leur propre « Charte », fixant à la fois les objectifs et orientations de la guilde, mais aussi une forme de « code moral » auquel les membres de la guilde peuvent s'astreindre. Loin de s'imposer un carcan rigide, ces chartes visent principalement à faciliter la réalisation des objectifs de la guilde ou plus simplement à garantir une ambiance de jeu conforme à l'attente des membres.
Dans la plupart des MMOG, les guildes bénéficient d'une organisation hiérarchique et des officiers en prennent la tête, la gèrent au quotidien (en interne) et sont responsables de l'image que la guilde véhiculera aux autres joueurs (vis-à-vis de l'extérieur). Ainsi, d'après Giovanni Brisset, les membres de la guilde au comportement incorrect (incompatible avec les objectifs de la guilde ou simplement avec sa philosophie – reconnu comme étant un tricheur, n'adoptant pas un comportement fair-play, etc.) pourront faire l'objet de mesures disciplinaires, pouvant conduire à l'exclusion de la guilde (et les décisions peuvent parfois être prises selon une procédure et un formalisme complexe, en "conseil des officiers" par exemple, devant permettre de lutter contre l'arbitraire).

Pour aller plus loin en matière de régulation, il arrive que les joueurs de MMOG développent d'eux-mêmes des chartes dont la portée s'étend au-delà des frontières de la guilde. A titre d'exemple, en tant que chef de guilde et avec beaucoup d'autres (une quarantaine de guildes au total), Giovanni Brisset a participé à la rédaction des « Accords d'Emain Macha » par lesquels les guildes, clans et communautés s'engagent à respecter certains principes éthiques lors des conquêtes et captures de reliques dans le MMORPG Dark Age of Camelot. Les joueurs ont développé leur propre code militaire (virtuel).

 

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article publié le 18 juin 2006
 
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