La vente d'objets virtuels dans les MMOG/MMORPG #15

:: Méthodes de commercialisation dans Second Life


Rédigé par Uther, en janvier 2005

 

illustration Cependant, une telle affirmation n'apparaît fondée que dans le cadre technique décrit plus haut par Molly Stephens, c'est-à-dire quand "l'objet virtuel" (oeuvre originale) est créé par ou pour le compte de la société éditrice du MMOG / MMORPG, et alors qu'un contrat (CLUF ou Conditions d'Utilisation) passé entre entre cet éditeur et le joueur organise la répartition des droits d'auteur et d'utilisation dudit objet virtuel.
Or, parmi les divers univers artificiels ouverts au public, certains proposent une gestion différente de cette forme de propriété virtuelle, certains allant même jusqu'à octroyer aux utilisateurs une pleine propriété intellectuelle sur le contenu numérique du logiciel.

C'est par exemple le cas du programme Second Life[57], développé par le studio américain Liden Lab. Le programme apparait comme une simulation utopique très inspirée de la société américaine. On y retrouve des cités entières, des universités accueillant de véritables professeurs et étudiants (les enseignements à distance de certaines universités américaines utilisent Second Life comme plateforme de cours), des institutions régulant le monde artificiel ou encore des stades permettant l'organisation d'événements sportifs. On y trouve également des boites de nuits (diffusant une musique originale) et des casinos où "s'amuser", voire même des galeries d'art exposant les créations des "résidants" de Second Life. Second Life se veut une forme de réalité contemporaine, transposée dans un univers virtuel et vise à offrir une "seconde vie numérique" à ses abonnés.
Or, depuis le 14 novembre 2003[58], l'éditeur Linden Lab reconnaît un véritable droit de propriété intellectuelle aux utilisateurs du programme, sur leurs créations, protégées par le système alternatif de licences Creatives Commons[59].

Philip Rosedale, fondateur de Liden Lab. [60]
"Jusqu'à présent, tout contenu créé par l'utilisateur dans un univers persistant [...] était la propriété de la société développant et hébergeant le monde. Par notre nouvelle politique, nous reconnaissons que les utilisateurs d'univers persistants sont auteurs d'une importante contribution permettant l'édification de ces mondes artificiels et devraient pouvoir posséder le contenu qu'ils créent et partager la valeur ainsi produite.
La préservation du droit de propriété [intellectuelle] des utilisateurs est l'étape nécessaire vers l'émergence de véritables mondes en ligne authentiques."

Ainsi, le programme Second Life met à disposition de ses utilisateurs, une suite logicielle permettant de créer du contenu virtuel, pouvant être introduit et utilisé au coeur de cet univers persistant. Ces créations originales numériques ayant une valeur réelle peuvent ensuite être vendues dans le cadre du programme ou en dehors sur des plateformes dédiées contre une somme d'argent bien réel. Le studio Liden Lab revendique ainsi plus de 100 000 transactions tous les mois, mettant en jeu des objets ou services virtuels.
Juridiquement, les biens créés dans le cadre du programme Second Life sont par définition des oeuvres originales. Leurs auteurs peuvent donc revendiquer un droit d'auteur moral et patrimonial sur leurs oeuvres (on leur reconnaît une titularité de plein droit de propriété intellectuelle sur ces objets) et commercialiser leur production en parfait accord avec les principes du code de propriété intellectuelle.
A titre d'exemple, on peut citer le cas d'un joueur ayant dessiné et modélisé une ligne de vétements virtuels (destinés à n'être portés que par des avatars dans un monde numérique), ensuite commercialisé analogiquement contre des sommes réelles. Il en va de même pour le compositeur qui acquière un bâtiment pour en faire une boîte de nuit, dans laquelle il diffuse ses propores compositions (diffusées au format MP3, par exemple) ou le réalisateur en herbe proposant ses films lors de projections publiques dans l'univers virtuel.
Dans tous les cas, l'utilisateur est le créateur de son oeuvre, dispose juridiquement des droits moraux et patrimoniaux que lui confère le code de la propriété intellectuelle et peut donc librement les exploiter (les diffuser gratuitement ou préférer les céder à titre onéreux s'il trouve acheteur).

On pourra en outre souligner que les licences "Creative Commons" garantissent la propriété intellectuelle des auteurs sur leurs oeuvres, mais encouragent également leur partage entre créateurs afin de favoriser la création artistique.

Lawrence Lessig[61], à l'initiative du projet "Creative Commons"
"Linden Lab a franchi une étape importante vers la reconnaissance des droits des créateurs de contenu dans Second Life. Comme l'histoire l'a continuellement démontré, quand les peuples partagent la valeur qu'ils créent, une plus grande valeur encore en naît, au profit de tous."

La notion de "propriété intellectuelle virtuelle" telle que définie dans le programme Second Life tend à minimiser la frontière existant encore entre la réalité et l'univers virtuel. Le logiciel apparaît en effet comme une plateforme de création, mettant l'ensemble des créateurs connectés en relation, via une interface favorisant l'enrichissement créatif mutuel et contribuant peut-être au développement d'une culture artistique propre à l'univers virtuel.
Et pour extrapoler, selon l'ethnologue britannique Edward Burnett Tylor, dans son ouvrage "la Civilisation primitive" (1871), l'un des critères permettant à une communauté (même virtuelle) de tendre vers la civilisation est le développement d'un art spécifique...

 

page 16 : Conclusion >>

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  1. Site officiel du projet "Second Life" : http://secondlife.com/
  2. La reconnaissance d'un droit de pleine propriété portant sur le contenu du programme Second Life, par ses utilisateurs a fait l'objet de communiqués de l'éditeur Liden Lab, publiés sur Internet : http://lindenlab.com/press_story_12.php
  3.  Système de licences communautaires Creative Commons (http://creativecommons.org/) : cf. note __.
  4. Traduction libre des propos de Philip Rosedale, fondateur de Liden Lab, tenus lors de la conférence "State of Play" organisée par les Schools Law de New York et Yale en novembre 2003.
  5. Lawrence Lessig, professeur de droit à l'Université de Stanford, est auteur de nombreux ouvrages consacrés au droit du cyberespace. Il est également fondateur du Stanford Center for Internet and Society et à l'origine du projet Creative Commons.