La vente d'objets virtuels dans les MMOG/MMORPG #9

:: Droit de propriété réel sur un objet virtuel


Rédigé par Uther, en janvier 2005

 

illustration Toujours selon Edward Castronova, le PNB de Norrath peut ainsi être évalué à 135 millions de dollars... c'est-à-dire, le même produit national brut que la Bulgarie en 2002, alors que Norrath "n'est pas réelle" et n'existe que dans 40 ordinateurs de San Diego (même si, pour Edward Castronova, ces univers artificiels existent tout autant, sinon plus que des villes comme Las Vegas[36]).
Au-delà du caractère sans doute artificiel de cette succession de chiffres, les calculs d'Edward Castronova illustrent l'enjeu économique réel que représentent les univers artificiels. Leurs contenus ont une valeur réelle et une véritable industrie s'est développée autour de l'achat et de la vente de ces objets.

 

2. Droit de propriété réel sur un objet virtuel

Aujourd'hui, le commerce d'objets virtuels n'est pas une activité isolée, pratiquée par quelques particuliers au comportement marginal.
Des entreprises se sont en effet spécialisées dans leur acquisition et revente. Leur présence est accueillie de façons diverses par les éditeurs d'univers virtuels et dans la grande majorité des cas, les éditeurs de mondes artificiels luttent contre les activités de ces sociétés. Non seulement, la vente d'objets tend à déséquilibrer les relations pouvant exister entre les "résidants" de ces univers virtuels (le mérite au sein de l'univers est remplacé par la capacité financière réelle de la personne physique, hors du monde artificiel, nous y reviendrons), mais en outre, ces éditeurs contestent juridiquement le droit de propriété sur ces objets que revendiquent les vendeurs.

 

2.1. Le commerce d'objets virtuels

Les sociétés spécialisées dans le commerce d'objets virtuels sont de plus en plus présentes. César Jacquet[37], à l'initiative du développement de l'univers français de Dark and Light, dit avoir déjà été contacté par plusieurs sociétés souhaitant commercialiser la production générée par les "résidants" de son programme, alors même que ce dernier ne devrait être accessible au public qu'en avril 2005. Le programme Dark and Light s'avère en effet un projet attractif pour ces commerçants puisque son contenu est généré de façon dite "procédurale", rendant chaque objet potentiellement unique (augmentant d'autant sa valeur). L'offre de partenariat avec ces sociétés a été rejetée, mais certaines se passent aisément de l'accord des éditeurs.

illustrationParmi ces entreprises spécialisées dans la vente d'objets émanant d'univers artificiels, la société BlackSnow Interactive s'est faite connaître dans le cadre d'une actions en justice [38] l'opposant à Mythic Entertainment, l'éditeur du programme Dark Age of Camelot. Basée au Mexique, la société BlackSnow Interactive employait plusieurs salariés pour "évoluer" dans divers univers artificiels (Dark Age of Camelot et Ultima Online, notamment), y accumuler des devises et objets virtuels ou faire progresser des avatars dans le but de les revendre, notamment sur le site de ventes aux enchères eBay.
En février 2002, Mythic Entertainment, très hostile à la commercialisation de comptes et objets virtuels émanant de ses programmes et interdisant ces pratiques dans le Contrat de Licence d'Utilisateurs Finals (CLUF) de ses logiciels, enjoint eBay[39] d'interdire ces ventes sur son site. Sensible à la cette demande, la société gestionnaire du site eBay s'est exécutée.
En réponse, la société BlackSnow Interactive a alors engagé des poursuites aux Etats-Unis, auprès de la California Distrct Court contre l'éditeur Mythic Entertainment pour pratiques commerciales déloyales et entrave à la liberté du commerce[40]. Les arguments de la société BlackSnow tendaient à démontrer qu'un éditeur de mondes artificiels ne pouvait revendiquer aucun droit juridiquement reconnu sur le temps qu'un utilisateur consacre au développement de son avatar ou à accumuler un patrimoine.

Lee Caldwell, directeur de ventes de BlackSnow[41]
"Un utilisateur d'univers virtuel persistent a-t-il des droits sur le temps qu'il y consacre ou la société Mythic possède-t-elle le temps des utilisateurs ? Il est déloyal de la part de la société Mythic de freiner ceux souhaitant vendre leurs objets, devises ou même leurs avatars créés sur leur propre temps.
Mythic, à mon avis, et je l'espère celui de la Cour, ne dispose d'aucun copyright ou droit de propriété pour réguler ce qu'un utilisateur peut faire de son temps ou déterminer la valeur de ce temps sur un marché libre."

Dès lors qu'un bien est le fruit du "travail" (du temps consacré à sa création), il semble légitime d'en revendiquer la pleine propriété nécessaire pour pouvoir l'aliéner. Pour aller plus loin, la société BlackSnow estimait le CLUF du programme Dark Age of Camelot, abusif et à ce titre, non opposable aux utilisateurs du logiciel.

 

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  1. Rapporté dans "Game Theories" par Clive Thompson, publié dans le Walrus Magazin et disponible à cette adresse.
  2. César Jacquet, cofondateur de la société réunionnaise NPCube, en charge du développement du programme persistant Dark and Light.
  3. Voir "Unreal Estate", par Julian Dibbell.
  4. www.ebay.com/
  5. Voir notamment "BlackSnow poursuit Mythic pour violation de droit de propriété en ligne" (www.kanga.nu/).
  6. Traduction libre des propos de Lee Caldwell, publié sur www.kanga.nu/