La vente d'objets virtuels dans les MMOG/MMORPG #7

:: Approche psychologique de la propriété


Rédigé par Uther, en janvier 2005

 

illustration Lawrence Lessig[20], qui s'illustrera ensuite par ses travaux sur le projet Creative Commons[21] (une alternative à la gestion de la propriété intellectuelle par le copyright) développe encore cette idée dès 1999 dans "Code and Other Laws of Cyberspace". Les comportements développés au quotidien, dans la réalité, sont répercutés au cœur des univers artificiels persistants (justifiant les "procès virtuels" que les résidants d'univers artificiels peuvent intenter pour faire reconnaître ce qu'ils estiment être leurs droits, notamment en matière de propriété[22]) et prennent une place particulièrement importante pour les utilisateurs de ces mondes virtuels.

Les univers artificiels, tendant de plus en plus vers la notion de "réalité virtuelle", n'apparaissent donc pas comme de "simples jeux[23]". Ils s'accompagnent d'enjeux psychologiques et sociaux forts.

 

illustrationDans le même ordre d'idées, selon Molly Stephens[24], les comportements attachés au droit de propriété dans les univers virtuels sont similaires aux mécanismes mis en place dans le cadre de jeux comme le Monopoly[25].
Le Monopoly n'est en effet qu'une simulation des marchés capitalistes, basée sur la notion réelle de propriété, agrémentée d'un enjeu psychologique fort lié à la notion sociale inhérente au jeu. Molly Stephens souligne ainsi que les enjeux de la propriété dans les univers artificiels peuvent prendre une place plus importante encore dans la mesure où les conséquences en découlant ont un impact réel, et non plus seulement numérique.

Julian Dibbell (cherchant à démontrer que l'on peut vivre de la vente réelle d'objets virtuels) rappelait lors des conférences du State of Play, première édition[26] de novembre 2003 que la perte d'un objet purement numérique avait un impact dans le cadre de l'univers virtuel (l'avatar perd une de ces possessions), mais aussi réel puisque l'objet ne peut plus être vendu dans la réalité (équivalant à une perte dans le patrimoine personnel de l'utilisateur).
Dans un contexte purement virtuel, du fait des enjeux psychologiques liés à la possession, la perte d'un objet a incontestablement un impact sur l'utilisateur (quel joueur de MMOG n'a pas enragé en voyant son arme préférée détruite sous les coups adverses, faute de ne pas l'avoir suffisamment bien entretenue ?). Pour peu que le même joueur ait conscience de la valeur pécuniaire réelle de son équipement, l'enjeu de la perte de l'objet est démultiplié d'autant.

 

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  1. Voir "Code and Other Laws of Cyberspace" Lawrence Lessig (1999).
     
  2. Le projet Creative Commons se présente comme une licence alternative, susceptible de compléter le copyright. La licence Creative Commons vise notamment à garantir le droit de propriété d'un auteur sur son œuvre, mais aussi de permettre à d'autres auteurs d'utiliser l'œuvre à leurs propres fins. La licence CC se fonde donc essentiellement sur le partage culturel et l'émulsion entre créateurs (creativecommons.org/).
    Creative Commons est basé à la Stanford Law School, et travaille en étroite collaboration avec la school's Center for Internet and Society. La version française de Creative Commons est développée par le Centre d'Etudes et de Recherche de Sciences Administratives (CERSA).
     
  3. Lawrence Lessig cite notamment une "controverse" opposant Martha Jones à Dank, deux utilisateurs de LambdaMOO, voisins dans l'univers virtuel. Martha est l'auteur d'une fleur dont les pétales empoisonnés tombent dans la propriété de Dank. Par malchance, le chien de Dank en mange et en meurt (les fleurs, le chien, tout comme les propriétés ne sont que des objets virtuels dans une base de données).
    La mort du chien virtuel donna lieu à un procès épique, réputé au sein de la communauté de LambdaMOO. Pour l'anecdote, Dank fut débouté de sa demande de réparation pour le préjudice causé par la perte de son "chien" au motif qu'il était libre de programmer un chien résistant au poison.
     
  4. La définition des univers virtuels persistants comme n'étant pas que "de simples jeux" ("just a game") a donné lieu à de nombreuses discussions. Voir notamment "Text-Based Virtual Realities: Identity and the Cyborg Body", par Elizabeth M. Reid (publié dans "High Noon on the Electronic Frontier: Conceptual issues in Cyberspace", par Peter Ludlow, professeur de philosophie et de linguistique à l'Université du Michigan ayant étudié notamment les comportements déviants des utilisateurs dans les univers virtuels).
     
  5. Molly Stephens, "In-Game Assets".
     
  6. Voir infra, note __.
     
  7. Conférence organisée par les Schools Law de New York et de Yale, consacré aux implications juridiques qu'engendrent les mondes virtuels.