La vente d'objets virtuels dans les MMOG/MMORPG #5

:: Acquisition de terrains et bâtiments virtuels


Rédigé par Uther, en décembre 2004

 

illustration Dans le cadre d'un univers virtuel, on peut alors se demander si une forme de propriété peut avoir vocation à s'appliquer tant sur les objets que sur les bâtiments (virtuels, les uns comme les autres), respectant la distinction classique que pose le droit positif français.

Par analogie et transposé dans un univers virtuel, l'avatar possesseur d'un objet virtuel semble pouvoir se prévaloir d'une forme transposée de droit de propriété sur la chose qu'il détient. Au cœur de Britania (l'univers du programme Ultima Online) ou de Norrath (celui du MMORPG EverQuest), seul le possesseur d'un objet peut techniquement l'utiliser ou l'aliéner. L'objet est associé à l'avatar, formant un ensemble dont l'utilisateur (le joueur) est seul maître. Ce dernier peut utiliser la chose comme bon lui semble, la transformer si le programme le prévoit (la décomposer afin de réutiliser les matières premières qui la composent, par exemple), la donner à un autre avatar ou la vendre contre une somme d'argent virtuel[9]. L'avatar, par analogie, semble donc disposer, très théoriquement, du droit d'usus, de fructus et d'abusus sur la chose et les mécanismes de propriété privée appliqués dans les univers artificiels imitent parfaitement la propriété privée analogique.

Pour aller plus loin, chaque monde imaginaire dispose de marchés virtuels sécurisés destinés à l'échange d'objets numériques (on pourra citer, pour l'exemple, le Bazzar ou le Greater Faydark de Norrath, l'univers d'EverQuest[10]).

Il en va de même pour nos immeubles virtuels. On le sait, les mondes virtuels se définissent comme des portions de cyberespace susceptibles d'être appréhendées matériellement par l'utilisateur.
La majorité des univers persistants dispose d'espaces artificiels libres d'accès pour l'ensemble des résidants que l'on peut aisément qualifier "domaine public virtuel" (que ce soit des places publiques, des routes ou des régions inexplorées). Ils sont pour la plupart insusceptibles d'appropriation.

 

illustration Mais on trouve par ailleurs des lieux soumis à un régime mixte, semi-public. A titre d'illustration, les projets There (aujourd'hui abandonné) ou Second Life (toujours en activité) proposent des espaces virtuels que le résidant peut louer pour une durée limitée pour son usage personnel et/ou en limiter l'accès à ses seuls invités[11]. Le site officiel du projet There.com cite l'exemple d'un intervenant louant une portion de plage virtuelle afin d'y organiser une fête privée.

Enfin, on trouve régulièrement des "cyberespaces" n'ayant pour seule vocation que d'être achetés et entretenus par les utilisateurs désireux d'y ériger leur habitation virtuelle personnelle. Sous certaines conditions, un "résidant" peut s'approprier une parcelle de terrain virtuel et revendiquer une forme de droit de propriété virtuel opposable aux autres "résidants"[12].
illustration De nombreux MMOG/MMORPG proposent à leurs abonnés d'acquérir des bâtiments. A titre d'exemple, on pourra citer Anarchy Online, Star Wars Galaxies ou encore Dark Age of Camelot, depuis peu.
Pour aller plus loin, le 18 mars 2004, le "Project Entropia[13]" (un univers virtuel accueillant plus de 200 000 joueurs et doté d'une véritable économie dans laquelle la propriété analogique et la propriété virtuelle peuvent tendre à se confondre, nous y reviendrons) s'est inspiré de la colonisation de l'Ouest américain pour inaugurer la mise en ligne d'un nouveau continent virtuel à explorer. Sur le modèle de la Ruée vers l'Or[14] de la fin du XIXe siècle, les participants ont été invités à partir à la découverte d'un vaste espace virtuel vierge. Les premiers arrivés avaient la possibilité de revendiquer des concessions virtuelles et de s'y établir (exploiter le terrain, en extraire des ressources virtuelles susceptibles d'être raffinées ou vendues brutes, ou bâtir des habitations, etc.).

 

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  1. Voir "Sales of In-Game Assets: An illustration of the Continuing failure of Intellectual property law to protect digital content creators" (2002) par Molly Stephens (vente de possessions virtuelles : une illustration des failles de la législation sur la propriété intellectuelle pour protéger le contenu numérique).
  2. Voir "Unreal Estate" (mars 2003) par Julian Dibbell.
  3. Voir la Foire Aux Questions (FAQ) du site officiel There.com.
  4. On parle généralement de "Housing" : néologisme désignant à la fois la possibilité d'acquérir un terrain virtuel pour y bâtir une habitation numérique et le logement virtuel lui-même.
  5. Voir : <www.project-entropia.com>
  6. Voir l'annonce publiée en ligne : <www.project-entropia.com/Content.ajp?Id=1160>
    "The first historic land grab in virtual reality will take place on the planet of Calypso!" (la première appropriation de terrain historique, au coeur de la réalité virtuelle se déroule sur la planète Calypso). Pour fêter le cap passé des 100 000 abonnés et l'ouverture au public d'un nouvel espace virtuel, le Project Entropia a organisé une "appropriation de zones virtuelles" (parfois dangereuses), par parcelles de 250 acres chacune. Le premier utilisateur réussissant à se maintenir plus de 12 heures consécutives sur une parcelle en devient le propriétaire légitime.