Test de Balan Wonderworld - The costumes will make you Jump Jump

Annoncé en juillet 2020 en pleine crise sanitaire mondiale, Balan Wonderworld est la nouvelle licence plateforme de Square Enix avec aux commandes Yuji Naka, l’un des papas de Sonic, et Naoto Ōshima avec qui il avait produit l’excellent Nights into Dreams sur la première PlayStation. Avec de tels noms à la réalisation et à la direction artistique, il était compréhensible d’en attendre beaucoup, ou du moins un jeu à la hauteur de leurs réputations - d’autant plus que leur précédente collaboration accoucha de Sonic Adventure.

Maintenant que le jeu est disponible, qu’en est-il ? Réponse dans les lignes qui suivent !

Spoiler : meh.

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Back to the 90s

Exactement 30 ans après avoir été un des piliers de la révolution Sonic, et 25 ans après la pépite Nights into Dreams, plus méconnu, Yuji Naka revient avec son premier jeu développé pour le compte de Square Enix et à destination des enfants : Balan Wonderworld. Pas de surprise, le créateur star des années 90 s’est une nouvelle fois dirigé vers le genre de la plateforme pour faire parler son imagination et si le genre était roi en arcade et sur consoles durant le millénaire précédent, il fut assez étonnant de voir Square Enix investir dans un tel projet alors qu’en dehors de Nintendo et sa série des Mario, la plateforme a été globalement relayée au fond du placard chez la très grande majorité des éditeurs, même si quelques licences refont périodiquement surface avec succès, comme Crash Bandicoot. Ce fut d’autant plus étonnant qu’ils avaient intégré à l’équipe le designer au style bien reconnaissable Naoto Ōshima, avec qui Yuji Naka avait travaillé sur Nights into Dreams ou encore Sonic Adventure. Bref, Square Enix semblait capitaliser sur des noms célèbres du passé pour tenter de faire un gros coup bien actuel en appuyant bien sur la caractéristique principale du jeu : les 80 costumes offrant chacun un pouvoir particulier.

Pourtant, après avoir été annoncé en grande pompe lors du Xbox Games Showcase 2020, Balan Wonderworld a tout simplement disparu de la circulation pour ne revenir que quelques semaines avant sa sortie. Coup marketing ? Pétard mouillé ? Kamoulox ?

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La scène d'introduction est très réussie.

Pour le meilleur et pour le pire

Dès le menu, on comprend qu’il y a anguille sous roche et que le jeu n’est pas là pour nous faciliter la vie. Tous les boutons font la même chose : valider une action, ce qui signifie que si vous voulez revenir en arrière dans un menu, vous ne pouvez pas simplement appuyer sur le bouton habituellement dédié de votre manette, non non, il vous faut aller sur le bouton marqué « Retour » et valider ; je peux déjà vous certifier que vous vous tromperez souvent tant c’est contre-intuitif. Mais passons ce détail et lançons une nouvelle partie !

La première chose qui frappe, c’est la qualité de la cinématique d’introduction. Si la direction artistique ne plaira pas à tous, il est indéniable qu’ils ont mis le paquet dans la réalisation de ces quelques scènes, dont le contenu dépend du personnage que vous avez choisi entre Emma et Leo. Dans les deux cas, vous incarnez un jeune personnage en plein doute, dans une spirale de pensées négatives qui le rongent. C’est alors qu’il se retrouve par hasard devant le théâtre de Balan, être singulier aux allures de gentleman possédant d’étranges pouvoirs, dont celui d’envoyer nos deux héros dans le monde fantastique de Wonderworld.

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Le violent retour à la réalité.

Dès la fin de l’introduction, et sans donner d’informations sur ce que l’on doit faire, voilà notre personnage transporté dans un hub central à partir duquel il peut accéder à différents mondes. Et là, seconde chose qui frappe : bon sang que c’est vilain ! Le hub est visuellement une agression pour les yeux et s’il n’est pas rare de se retrouver face à des jeux accusant un certain retard technique, ici on est face à la quintessence de ce qu’il y a de plus désagréable. Les couleurs sont criardes, les textures sont plates, les décors vides et sans vie ou bien elle disparaît dès que l'on s'approche - ce qui surprend toujours la première fois -, le tout saupoudré d’une bonne dose d’aliasing qui tache parce que la PlayStation 4 doit probablement cracher ses poumons. Le pire, c’est que même avec un tel rendu, le jeu se permet quelques instabilités de performances, certes pas nombreuses, mais inexplicables. Alors, tout n’est pas à jeter, ce serait faire preuve de mauvaise foi, mais il n’y a pas grand-chose à sauver non plus. La direction artistique est mignonne et peut plaire, même si elle est très générique, et quelques niveaux sortent du lot comme le monde aquatique. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à avoir des étoiles plein les yeux face aux différents environnements que propose Balan Wonderworld.

Et si cela ne se limitait qu’aux environnements ! Même les costumes sont peu inspirés, tout comme les ennemis. Seuls les boss s’en sortent avec les honneurs grâce à leurs designs psychédéliques sous acide ainsi que Balan, chez qui on retrouve très clairement le style de Naoto Ōshima.

Dans les grandes lignes, le jeu est visuellement une déception et c’est d’autant plus navrant que l’on était en droit de s’attendre à plus inspiré. Cependant, ne crachons pas dans la soupe et s’il est vrai que l’aspect visuel est important, c’est surtout le gameplay qui compte, pas vrai ? Surtout pour un jeu de plateforme. Alors reposons nos yeux et faisons bosser nos doigts !

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Tout le budget est allé dans les cinématiques même si certains mondes s'en sortent plutôt bien.

Jusqu'au bout de l'extrême limite

Vous vous souvenez quand je disais que tous les boutons de votre manette faisaient la même chose dans le menu principal ? Eh bien, il en va de même en jeu. En effet, peu importe le bouton que vous utilisez parmi les quatre en façade et les quatre de tranche, tous ont la même fonction : validez une action. Votre personnage ne peut faire qu’une seule chose à la fois et c’est là qu’intervient toute la mécanique de costumes. Puisque vous ne pouvez faire qu’une chose, les costumes permettent d’ouvrir les possibilités en débloquant de nouvelles actions au fur et à mesure que vous en trouvez. Le principe est intéressant et permet de proposer des niveaux pensés pour mettre en avant ces costumes et tout un tas d’actions différentes et originales. Dans les faits, c’est étonnamment moins sexy.

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Rares sont les costumes possédant des pouvoirs originaux.

Comme dit précédemment, vous débutez le jeu au sein d’un hub central à partir duquel vous pouvez accéder aux différents mondes de Wonderworld. Chaque monde est divisé en deux niveaux nommés actes pour rappeler l'univers du théâtre et de la comédie musicale, plus un boss final et votre but dans ces niveaux est d’accumuler des cristaux de différentes couleurs nommés gouttes afin de nourrir les Tims - de petites bestioles squattant votre hub -, de récupérer les statues de Balan disséminées un peu partout et de battre les différents ennemis que vous rencontrez. Néanmoins, pour arriver au bout, il vous faut débloquer des costumes afin de passer divers obstacles qui gênent votre progression. Pour cela, rien de plus simple, il suffit de trouver des clés et d’ouvrir les cristaux où ils sont enfermés. Lorsque c’est fait, vous les revêtez directement et gagnez les pouvoirs liés. Parmi la liste des pouvoirs, il y a le saut plus loin, le saut plus haut, le saut glissé, le saut en lévitation, le saut… Et oui, s’il y a effectivement 80 costumes, le nombre d’actions réellement différentes est bien moindre et peuvent se résumer à deux catégories : les attaque et les déplacements. Dans les deux cas, vous vous retrouvez avec beaucoup de doublons, qui n’existent que pour s’accorder aux environnements proposés. Entre la mante religieuse et le dragon, il n’y a aucune différence si ce n’est que l’une envoie des lames quand l’autre crache des boules de feu. Pire que des doublons, on a aussi des costumes qui en rendent d’autres totalement inutiles. Par exemple, vous obtenez dès le premier niveau un costume de lapin qui vous permet de prolonger votre saut. Bien pratique pour atteindre des plateformes éloignées, mais inutile quand quelques mondes plus loin vous obtenez le costume de chat qui vous fait flotter plus loin encore. Et des exemples comme celui-ci, il y en a plein, ce qui casse tout l’intérêt d’avoir autant de costumes disponibles. Bien entendu, il y a des pouvoirs plus originaux, mais ils restent assez minoritaires et surtout très situationnels, comme le pouvoir qui permet d’allumer des torches. Au final, vous vous focalisez surtout sur les costumes que vous appréciez le plus esthétiquement et surtout sur les versions les plus performantes d’un même pouvoir, ce qui réduit la liste à peau de chagrin.

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Des mini-jeux bien trop courts et répétitifs.

Et attendez, ce n’est que le début des problèmes ! Si vous avez accès à des dizaines de costumes, vous ne pouvez en transporter que trois en même temps et si jamais vous en débloquez un nouveau, cela supprime un des trois que vous aviez d’équipés. Jusque-là, rien d’anormal, sauf que vos costumes représentent aussi vos vies. Lorsqu’un ennemi vous touche ou si vous tombez dans le vide, vous ne perdez pas de vie à proprement parlé, mais le costume que vous portez. Qu’est-ce que cela implique ? Que si vous perdez un costume et qu’il est nécessaire pour passer un obstacle et continuer le niveau, vous êtes obligés de le récupérer une nouvelle fois. Par chance, ils sont souvent placés juste à côté lorsqu’il s’agit d’un costume lié au niveau - cela reste un jeu très facile pour enfant -, mais comme dans tout jeu de plateforme qui se respecte, il existe des passages uniquement accessibles avec des costumes provenant d’autres mondes, donc si jamais vous tombez dans un trou ou si vous vous faites toucher par un ennemi parce que la caméra fait des siennes, vous devez retourner dans le monde du costume dont vous avez besoin pour le récupérer, puis ensuite revenir dans le monde où vous étiez afin de tenter à nouveau votre chance. Autant dire que vous avez vite tendance à accumuler quatre ou cinq exemplaires de chaque, quitte à attendre bêtement que les clés et cristaux de costumes réapparaissent. Parce que oui, si vous ne pouvez équiper que trois costumes, vous pouvez les stocker dans votre garde-robe, accessible via les points de sauvegarde en début et milieu de niveau.

Admettons que les costumes ne soient pas le point fort du jeu, qu’en est-il du reste ?

J’aimerais pouvoir répondre « joker », mais je me ferais sûrement taper sur les doigts, donc continuons la liste. Encore une fois, votre but dans chaque niveau est de récupérer les fameuses gouttes ainsi que les statues de Balan. Pour les premières, elles nourrissent les Tims, petites boules de poils qui servent à deux choses : vous aider à récupérer des petits objets dans les niveaux et participer à la construction d’une tour au cœur du hub central. À quoi sert-elle ? Vous n’en savez rien, si ce n’est qu’elle semble beaucoup amuser les bestioles. Quant aux statues, elles sont nécessaires pour débloquer les mondes. En récupérer suffisamment dans le monde 1 débloque les mondes 2, 3 et 4 et ainsi de suite jusqu’au monde 12. Si au début il est peu contraignant d’en amasser, cela devient vite une corvée, puisque vous devez revenir dans les mondes du début du jeu afin de chercher les statues inaccessibles sans certains costumes. Dans un bon jeu, il est toujours plaisant de revenir en arrière pour accéder à certains secrets, toutefois ici ça s’apparente étrangement plus à une torture.

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Les statues sont nécessaires pour débloquer les différents mondes.

Et là, je vous épargne un long paragraphe sur les contrôles approximatifs, qui rendent les déplacements laborieux - problématique amplifiée par des animations pas du tout raccords avec la vitesse de mouvements -, avec une caméra parfois aux fraises aidant amicalement à vous faire rater votre saut. Je vous fait aussi grâce des menus austères, pas pratiques du tout avec toujours cette histoire de boutons à action unique qui rend fou.

Heureusement qu’il existe des mini-jeux placés au hasard dans les niveaux pour vous remonter le moral. De temps en temps, vous trouvez des cristaux de costumes un peu différents donnant accès à de courts jeux comme le baseball, le football, le golf et quelques autres avec de petits objectifs à accomplir dans le but de récupérer des gouttes. Ça ne paie pas de mine, ça dure moins de deux minutes, mais c’est toujours ça de pris. En sus de ces mini-jeux, vous trouvez aussi des chapeaux dorés de Balan, qui vous transportent dans une petite séquence de QTE, quasiment toujours la même dans chaque monde, dont la réussite multiplie les gouttes que vous possédez. Là encore, ce n’est pas grand-chose, mais là encore, c’est toujours ça de pris.

Mais alors, est-ce que tout est mauvais ?

Bien sûr que non et à dire vrai, le jeu n’est pas fondamentalement mauvais. Déjà, les combats de boss sont très fun à jouer, même si trop courts. Chacun d’entre eux possède une belle dose d’originalité aussi bien dans le design que dans les patterns et à la fin, on a toujours droit à une charmante petite séquence musicale suivie d’une cinématique très réussie. D'ailleurs, les musiques de Ryo Yamazaki sont plutôt jolies, même si vous n'en retiendrez probablement aucune en dehors de celles de fin de boss. On peut aussi parler des messages positifs sur la dépression, le rapport à l'autre et à la différence ou encore sur l’écologie que le jeu traite de manière certes succincte, mais qui peut toucher les enfants, car rappelons-le, Balan Wonderworld vise essentiellement un public jeune.

Non, le problème de Balan Wonderworld, c’est avant tout qu’il est archaïque dans toutes ses mécaniques. Tout fait vieux, sorti d’un autre temps que les moins de 20 ans… vous connaissez la chanson et si cela peut réveiller la fibre nostalgique quand c’est bien exécuté, ici ça donne juste envie d’en finir au plus vite. Pas de chance, le jeu en remet une couche lorsque vous pensez l’avoir terminé en proposant du contenu post fin. Quand une torture est bonne, on la fait durer et ce ne sont pas moins de 25 heures qu’il vous faut pour le terminer à 100% (plutôt une quinzaine si vous vous limitez à l’histoire principale).

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Les boss sont vraiment réussis, tout comme les petites scènes musicales qui suivent.

Conclusion

Je n’apprécie guère de tirer sur l’ambulance, surtout quand elle est déjà en feu, parechocs en miettes et clignotants défaillants. Malgré tout, il m’est impossible de conclure sur une critique favorable en parlant de ce Balan Wonderworld. Nul doute que le jeu n’a pas été conçu avec de mauvaises intentions et on discerne bien la volonté de transmettre des messages positifs aux jeunes joueurs. Cependant, comment ce jeu a-t-il pu passer toutes les étapes de production sans que personne ne lève la main pour dire que quelque chose n’allait pas ? Entre les décors vides, sans vie et techniquement très en retard, le gameplay laborieux, approximatif et ultra répétitif ou encore l’interface peu intuitive, il était pourtant évident que le jeu n’allait pas faire l’unanimité ou pas dans le sens souhaité. Et les joueurs ne s’y sont pas trompés, puisqu’à sa sortie il ne figurait même pas dans le top 40 des ventes au Royaume-Uni ni même dans le top 30 au Japon - et autant dire qu’il n’a fait guère mieux ailleurs. Est-ce un énième échec lié à la pandémie, à une possible réduction de budget ou à un manque d’intérêt de la part de Square Enix pour un projet moins bon que prévu ? Impossible à dire, mais peu importe la raison, le résultat, lui, est bien palpable et c’est un échec. À voir si Square Enix souhaitera donner une nouvelle chance à la licence et au duo Yuji Naka et Naoto Ōshima.

En attendant, le jeu est disponible sur PlayStation 4 et 5, Xbox One et Series X/S, Nintendo Switch et PC pour la « modique » somme de 59,99€.

Test réalisé par Lianai à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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