Quand la publicité s'invite dans le MMO

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En 1836, alors que le journal « La Presse » doit faire face à une concurrence de plus en plus sévère, le journaliste et homme politique Émile de Girardin imagine un nouveau modèle économique pour son quotidien. Il réduit drastiquement le prix de vente de son journal et pour compenser le manque à gagner, ouvre ses colonnes aux annonceurs publicitaires. Les revenus générés par la publicité permettent de baisser le prix de vente du journal. Le journal gagne en accessibilité auprès d'un public plus large. Le volume des ventes croît avec le nombre de lecteurs, au même rythme que le tirage de la publication et permet en conséquence d'attirer des annonceurs toujours plus nombreux pour entretenir le cercle (économique) vertueux du modèle.
Dès les années 1830, Émile de Girardin avait donc théorisé et mis en pratique le principe du « double marché » : un produit peut trouver d'autres sources de financement que son seul prix de vente réclamé exclusivement au consommateur final. Mieux, à l'époque, Émile de Girardin voit dans son modèle économique reposant sur la publicité, un modèle « social » qui permet au plus grand nombre d'avoir accès à une presse politique jusqu'alors réservée à une élite financière, tout en garantissant au journal son indépendance éditoriale face aux influences des partis (à défaut de le préserver des influences économiques).

Si pour beaucoup, la présence de publicité est aujourd'hui loin de représenter une avancée sociale ou une assurance d'indépendance éditoriale, le modèle économique de Girardin est aujourd'hui très largement repris dans les médias contemporains : il finance la quasi-totalité de la presse écrite (la presse encore indépendante des annonceurs - comme Charlie Hebdo ou le Canard Enchaîné en France - apparaît très marginale), la « réclame » est une manne qui assure le financement de pans entiers de certaines « industries culturelles » (la télévision privée, en tête) et les bandeaux publicitaires sont devenus l'un des principaux moteurs de l'économie du Web (le marché de l'e-pub représentait 2,11 milliards d'euros nets en 2009, uniquement en France, et le chiffre croît régulièrement).
Et depuis quelques années, la publicité s'invite aussi de plus en plus au coeur des jeux vidéo et mondes virtuels...

Mais pas sans faire débat, opposant les pro et anti-pub. Pour les uns, la publicité dans les jeux renforcerait le réalisme des univers ludiques et augmenterait l'immersion des joueurs. Et comme pour le journal « La Presse » en 1836, elle permettrait encore aujourd'hui de diminuer les coûts de production des jeux et donc baisser leur prix de vente ou d'en améliorer les contenus. Mais si tant est que ces assertions des professionnels du secteur se vérifient, pour les autres, la publicité est loin d'être anodine. Dans les jeux vidéo comme ailleurs, la publicité porte de véritables enjeux politiques et, pour certains, façonne des modèles de société. La « publicité comportementale » se fait de plus en plus présente sur Internet pour analyser les usages et dresser des profils de plus en plus précis des internautes. Elle s'immisce dans la vie privée des utilisateurs, au point que les pouvoirs publics s'interrogent sur les moyens de protéger nos données personnelles.
Des questions qui se posent d'autant plus en matière d'in-game advertising compte tenu du média « jeu vidéo », par définition interactif et particulièrement immersif (un format exploité par les dernières trouvailles marketing de l'industrie de la « publicité ludique », l'advertainment) et s'adressant à un public très large, potentiellement sensible (car jeune). Autant de problématiques à explorer aujourd'hui alors que l'industrie vidéo ludique multiplie les annonces de synergies avec le monde de la publicité.

L’in-game advertising, un business attractif
Sommaire :
  1. Quand la publicité s'invite dans le MMO
  2. L’in-game advertising, un business attractif

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