|
Dix mille pages. C'est la quantité de documentation finale que l'équipe de contenu devrait produire avant le lancement de WAR. Enfin c'est une estimation personnelle. On devrait faire les trois huit ou monter une imprimerie. Quand on est capable de faire dix mille pages sur une licence déjà pleine de détails, je n'ose même pas imaginer ce que nous aurions écrit s'il avait fallu créer notre propre univers !
Mais qu'est-ce que l'on peut bien écrire pendant dix mille pages, par la barbe de Sigmar ? Eh bien, début mai 2005, après avoir signé l'accord avec Games Workshop à l'E3, nous avons commencé par les rudiments. Vous savez, la documentation de pré-production sert à beaucoup de choses. On commence par se concentrer sur certaines choses :
Quel est le thème du jeu ?
Il s'agit d'écrire noir sur blanc l'idée générale. Nous définissons dans les grandes lignes la trame de fond, l'ambiance générale et le système de jeu. Nous évoquons également comment concevoir WAR en tant que Joueur contre Joueur orienté Royaume (que l'on appelle Royaume contre Royaume, ou RcR). Tous les aspects du jeu, y compris le Joueur contre Environnement (JcE), seront fortement orientés vers la grande guerre entre royaumes.
Quels sont les fonctionnalités et les risques de développement majeurs ?
Une bonne partie de notre réflexion consiste à décider des fonctionnalités principales du MMO. Il y a celles qui sont inhérentes au genre et donc incontournables (personnages, races, magie, armes, etc.) et puis il y a les nouvelles trouvailles qui permettront peut-être de se démarquer des autres jeux. Parmi elles, on compte les petites améliorations et puis les grandes idées. Le danger, c'est de se focaliser sur un projet trop vaste et donc irréalisable, c'est un piège dans lequel il ne faut pas tomber. En revanche, il faut tout de même une ou deux idées maîtresses qui permettent de placer la barre plus haut et de faire de notre jeu quelque chose d'unique et d’intéressant.
Lorsque la liste des fonctionnalités s'étoffe, l'équipe doit évaluer les risques potentiels de chacune sur le jeu. Tous les aspects des graphismes, de la technologie, du contenu et des systèmes (évolution des personnages, des compétences, RcR, etc.) sont évalués avec précaution. Nous devons en effet nous assurer de pouvoir atteindre le niveau souhaité pour chacun, sans faire s'envoler la facture.
Pour illustrer les risques de développement, prenons l'exemple de l'interaction avec l'univers. Pour les activités telles que le combat, l'artisanat, les quêtes, et les rencontres JcE, en tant que développeurs, nous aimerions vraiment améliorer l'interaction entre joueurs et environnement. Mais le risque est réel car cela coûte très cher en termes de graphismes et de temps de programmation. En identifiant par avance les risques, nous pouvons gérer nos attentes et planifier notre temps pour atteindre le niveau de qualité recherché dans chaque domaine.
Quels sont les besoins en matière de ressources, de personnel et de planification ?
Dans les premières étapes de la période de pré-production, l'équipe Warhammer était petite, et même très petite. Lance (Producteur), Greg (Directeur artistique) et moi avons travaillé dans un recoin de notre bureau pendant quelques semaines pour élaborer nos besoins en ressources et en personnel. Nous avons créé un plan d'équipe initial à partir d'une version rudimentaire de la conception du jeu et un emploi du temps prévisionnel pour la production.
Dès que l'on prend en compte toutes les variables, le simple fait de vouloir identifier le nombre d'employés nécessaires devient tout de suite très compliqué. Par exemple, à partir du travail que nous avons réalisé sur Dark Age of Camelot et sur Imperator, nous pouvons déduire le temps nécessaire pour peupler WAR de monstres, PNJ, quêtes et rencontres. Mais le problème, c'est que cette estimation est fonction de la finalisation des graphismes, du code, des outils d'implémentation, des spécifications de conception finales et de plein d'autres bâtiments. Et si le temps et les ressources nécessaires divergent de notre estimation, c'est tout le projet qui s'en trouve perturbé. C'est comme un énorme jeu de dominos. S'il y en a un qui tombe, tous les autres le suivent.
Il faut répondre à toutes ces questions et à bien d'autres dans une poignée de documents qui créent le dossier de pré-production une fois réunis. Il s'agit d'une ressource inestimable lorsque l'on travaille sur un projet de l'ampleur de WAR. Nos objectifs et lignes de conduite y sont établis clairement et restent la référence si nous venions à trop nous éloigner de notre chemin de gloire initial.
Lorsque la phase de pré-prod se termine, c'est la production qui commence sérieusement et la conception du contenu du jeu est lancée à pleine vitesse. Pour la guider et garantir qu’elle corresponde au cadre de Warhammer et lui reste fidèle, nous utilisons des documents de conception de zone. C'est le résultat des efforts de toute une équipe de contenu qui travaille de concert pour créer un univers qui soit indéniablement celui de Warhammer. Les cartes, les trames de fond, les points intéressants, les quêtes, les rencontres, les objets à gagner et encore bien d'autres choses y sont méticuleusement définis par zone.
Pour tout vous dire, certains sont énormes et impressionnants. Oui, c'est vrai, nous avons commis l'erreur d'en imprimer quelques-uns. Je vous rassure, aucune blessure grave n'est à déplorer, mais je soupçonne Steve Marvin (Premier concepteur) de s'être préparé une petite mallette en cas de petit creux de documents.
Plusieurs équipes travaillent en collaboration pour créer une définition de zone dans WAR. De manière générale, voici comment fonctionne le processus de conception.
Étape 1 : notre équipe de Rédaction crée une brève toile de fond narrative pour chaque zone en piochant parmi les innombrables ressources de Games Workshop. Nous en avons tapissé les couloirs des bureaux pour que cela nous serve de guide et de source d'inspiration. Nous étudions les PNJ intéressants, les activités en relation avec la guerre, les points et autres sujets intéressants.
Étape 2 : l'équipe de Conception de l'univers fait une ébauche d'agencement de la zone en incorporant les zones JcE et RcR, les points intéressants, les villes, les entrées de grottes, etc. C'est ce que l'on appelle communément les “cartes de Matthew” (du nom du gentil monsieur qui dessine tout cela, Matthew Doyle, notre Chef conception de l'univers).
Étape 3 : à partir de là nous avons une trame de fond ainsi qu'une carte détaillée reprenant les points intéressants ; il ne reste plus qu'à broder. Grâce à ce canevas, nos équipes de Quêtes et Rencontres développent leur contenu et commencent leur propre travail de conception.
Le document final définissant une zone de haut niveau peut parfois dépasser les 700 pages. Lorsque le moment est venu de développer une zone spécifique du jeu, nous avons alors toutes les informations nécessaires, rédigées à l'avance. Chaque morceau de dialogue, placement de monstre ou utilisation d'objet y est déjà décidé, et cela satisfait pleinement le côté obsessionnel et compulsif de mon cerveau.
Maintenant, pour tous ceux qui ont réussi à me suivre jusque-là et qui ont véritablement lu toutes mes digressions plus haut, voilà une surprise. Vous trouverez ci-dessous un morceau de l'un de nos documents de zone pour votre plus grand plaisir. Il se trouve tout en haut de la pile des 10 000 pages. J'espère que vous aimerez cet extrait de la toute première zone dévoilée au public. Il s'agit du texte exact dont se sont inspirées les équipes de rédaction de quêtes et rencontres pour créer le contenu final auquel vous pourrez jouer dans le Mont Bloodhorn.
Il y a des décennies, une expédition impériale partait établir un itinéraire de commerce lucratif vers le grand sud de l'Empire. Mais les épreuves s'abattirent une à une sur l'expédition. Les véhicules subissaient des avaries incessantes en raison du terrain cahoteux. Les vivres vinrent ensuite à manquer et la caravane était fréquemment attaquée par les meutes de loups et autres hordes de bandits. Le chef de l'expédition, Erich Krieghoffer, fils du riche baron impérial, réprimandait souvent le capitaine des gardes mercenaires chargés d'assurer la sécurité du convoi. Ce dernier n'était autre que Dietrich Lichtermann, le fondateur du fameux régiment de milice impériale appelé les “Chiens de Dietrich”. Plus habitué à donner des ordres qu'à en recevoir, il devenait de plus en plus difficile pour ce vétéran de supporter la fougue et les caprices d'Erich.
Suite à une dispute houleuse, Lichtermann décida d'abandonner Krieghoffer et le reste de l'équipe de l'expédition. Suivi par ses guerriers, il avança dans les Badlands avec la ferme intention de retrouver le chemin de l'Empire. Mais hélas, sans la carte de l'expédition, les mercenaires se retrouvèrent bien vite perdus dans la nature.
Lichtermann savait que sans nourriture, eau ni abri, il ne reverrait plus jamais l'Empire. Bien qu'ils manquassent de provisions, ils avaient des armes et savaient s'en servir. Ils se mirent donc à chasser puis un jour, alors qu'ils exploraient des grottes au fin fond d'un canyon, ils découvrirent un ruisseau souterrain d'eau potable. Les mercenaires élurent alors domicile dans ces cavernes et le chef ordonna de faire des réserves de provisions sans plus attendre, dans l'espoir d'une seconde tentative de retour à l'Empire.
Mais ils durent rapidement oublier ce projet car une horde d'Orques et de Gobelins survint alors. La zone alentour fut rapidement investie par ces créatures à la peau verte et les mercenaires durent reprendre les armes pour défendre leurs grottes. Pendant ce temps, en Empire, le baron Krieghoffer était toujours aussi déterminé à mettre en place un itinéraire de commerce qui, il en était certain, ferait sa fortune et lui permettrait de savoir ce qu'il était advenu de son fils Erich. Il lança donc une seconde expédition sur le même itinéraire que la première. Ils ne trouvèrent pas trace d'Erich mais cette nouvelle équipe parvint à atteindre les terres du sud. Le commerce commença alors vite à prospérer le long de la “Route Krieghoffer”.
Heureusement pour Lichtermann, celle-ci passait tout près des grottes du Mont Bloodhorn où il avait élu domicile avec ses hommes. Les nombreuses tribus d'Orques qui s'étaient installées dans la zone rendaient la chasse de plus en plus dangereuse. Aussi, la caravane commerciale de l'Empire qui passait régulièrement le long de la route nord sud constituait-elle une excellente source de produits frais. Tel un bandit de grand chemin, Lichtermann avait nommé son équipe “les Chiens de Dietrich” en l'honneur de son ancien régiment de milice. Ces chiens avaient mauvaise réputation auprès des marchands qui cherchaient la fortune sur cette route commerciale. Les fréquentes attaques de ces brigands les auraient d'ailleurs vite convaincus de l'abandonner si l'itinéraire n'eût pas été si lucratif.
Mais d'autres défis attendaient les intrépides capables de braver les dangers du Mont Bloodhorn. Les Orques et les Gobelins avaient récemment investi la zone autour de la montagne et eurent tôt fait d'abattre tous les arbres en vue pour construire leurs palissades et machines de siège. Ils découvrirent ainsi un certain nombre de Dryades qui vivaient dans les arbres et les massacrèrent sans vergogne. Mais elles étaient si intimement liées à la nature que leurs esprits, assoiffés de vengeance, reviennent régulièrement et détruisent tout être vivant sur leur passage.
De plus, pour soutenir leur présence dans la région, plusieurs tribus de peaux vertes ont déplacé leurs enclos à Squigs au Mont Bloodhorn. C'est là qu'ils multiplient, entraînement et parquent leurs créatures de guerre. Ils les gardent ainsi sous la main pour mieux faire face aux nombreuses menaces qui planent sur la zone.
Pas de premier screen , mais des concepts arts tout de même
|