Test d'Anodyne 2 - Une épopée rétro ?

Sorti il y a six mois sur consoles, Anodyne 2 a enfin droit à notre attention, par l'intermédiaire de VinzDuBinks. Que nous offre-t-il ?

Anodyne 2 est un jeu d’action/aventure, disponible sur PC/MacOS et à peu près toutes les consoles d’ancienne ou de nouvelle génération (Nintendo Switch, XboxOne, Xbox Series X/S, PS4, PS). Si nous vous en proposons le test cette année, c’est parce que la sortie sur console s’est faite attendre deux ans : les gamers PC/Mac ont pu se lancer dans l’aventure dès le 12 août 2019 tandis que les autres ont pris leur mal en patience jusqu’au 18 février 2021. Développé et publié par Analgesic Productions, le titre est comme on pouvait raisonnablement s’en douter la suite… d’Anodyne 1, lâché sur le marché vidéoludique le 4 février 2013. Mais – et les développeurs en parlent eux-mêmes au tout début de cette suite – il n’est pas indispensable d’avoir essayé ou terminé le premier opus pour apprécier son hériter. Melos Han-Tani et Marina Kittaka embarquent le joueur dans une nouvelle histoire, avec un protagoniste différent et des environnements plus futuristes dans l’ensemble. C’est une expérience profondément nostalgique qu’il nous est donné de vivre. Au risque de ne pas être original, on peut qualifier Anodyne 2 de spécimen non identifié, bâtard dans sa structure, unique dans son ambiance ; voyons pourquoi plus en détails.

Une histoire peu anodyne (désolé)

Il existe un infini de schémas possibles pour construire le scénario d’un jeu vidéo ; tout aussi inépuisables sont les variantes en termes de temps, de texte réservé à l’histoire. Les fans de Kingdom Hearts ont appris à ronger leur frein devant de longues cinématiques parfois un peu trop bavardes ; les amateurs de l’italien sauteur savent que les boîtes de dialogue captivantes se compteront sur les doigts d’une main amputée. Les développeurs d’Anodyne 2 ont fait le pari d’une trame omniprésente, portée par des interactions nombreuses à coloration pour ainsi dire littéraire. C’est le genre de jeux que je traverse en ayant une petite pensée émue pour les traducteurs – il faut vraiment pénétrer le délire des développeurs pour faire honneur au « script » d’origine, particulièrement complexe en l’occurrence.

Le problème, à mon sens du moins, c’est que le jeu est aussi bavard que cryptique. C’est un peu le parti-pris, certes : dès le départ, on nous annonce que tout ne sera pas toujours facile à comprendre, que les situations ont une grande valeur symbolique ; bref, que le lore n’est définitivement pas servi sur un plateau. Mais on aimerait bien être un peu plus en phase avec ce qui se passe sur notre écran – le gloubi-boulga de réflexions métaphysiques et de délires mystiques est parfois indigeste.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, Anodyne 2 nous conduit à diriger Nano, un personnage fraîchement né qui a pour mission première de débarrasser Laterre (sans espace) de sa poussière et des êtres vils qui l’ont répandue. Présenté comme ça, c’est plutôt simple, mais méfiez-vous du sommet des icebergs ; ce sont eux qui ont fait couler le Titanic. Je n’irai pas jusqu’à dire que le scénario de ce titre fait couler le jeu… mais attendez-vous quand même à être en apnée devant l’énorme quantité de concepts abstraits, déroutants, empruntant à la dystopie, à la métaphysique ; surtout portés par des personnages tous aussi étranges les uns que les autres. Han-Tani et Kittaka semblent s’être fait un point d’honneur à brouiller les pistes pour que chacun puisse avoir sa propre interprétation des événements ; d’ailleurs, et c’est un repère assez fiable, on est supposés retrouver un peu de notre expérience humaine dans le parcours de Nano – ce qui est annoncé dès le début du jeu. Découvrir les environnements étranges, abscons, parfois expressément laids qui composent cet univers devraient rappeler, ou du moins imiter, la découverte maladroite et parfois difficile du monde qui nous entoure au fur et à mesure de notre vie humaine. Le concept est plutôt intéressant. Dommage que parfois – ce n’est là que mon ressenti – cette volonté de perdre pour qu’on s’y retrouve tout seul donne des airs de fausse intelligence au titre, comme si on avait voulu nous noyer sous un tas de codes à déchiffrer quitte à ce que certains n’aient tout simplement aucun sens. On dit que l’escroquerie est voisine du génie – dans le cas d’Anodyne 2, on peut se demander s’il vaudrait mieux dénoncer l’une ou acclamer l’autre.

Bienvenue à Glauque-Land

Une chose est sûre : qu’on n’aime ou qu’on n’aime pas, Anodyne 2 est traversé d’une ambiance unique, mâtinée de serein et d’angoissant, de reposant et de torturé. La musique contribue largement à cette atmosphère, dominée par des mélodies au synthétiseur parfois planantes, parfois un peu déprimantes ; quand il y en a, puisque certains passages sont uniquement accompagnés par des bruits d’ambiance. En réalité, l’environnement sonore dépend aussi du lieu visité – le constat peut paraître banal, mais mérite d’être relevé dans le sens où un soin tout particulier a été apporté en termes de cohérence, avec une alternance des moments plus sombres et des passages plus « zeldaïques » - on oscille entre le spleen et le guilleret, le deuxième prenant plus de place à mesure que notre héroïne découvre le monde.

Néanmoins, parlons surtout des graphismes. Ceux qui ont regardé le trailer ou qui sont déjà entrés dans l’arène l’auront remarqué : contrairement à Anodyne 1 qui était tout en 2D, Anodyne 2 propose des phases en 2D ET en 3D. Dans les deux cas, la carte nostalgique est pleinement jouée : les phases en 2D ont l’allure des Zelda du même genre, proposant une vue du dessus et des sortes de donjons découpés en carrés. Quand vient le moment de la 3D, il est plus difficile de trouver un référent précis, du moins en termes d’ambiance : les paysages sont volontairement très épurés, teintés de couleurs pâles, étirés sur de larges plaines plutôt vides qui donnent l’impression étourdissante d’être seul au monde.

Toujours est-il que les choix opérés en matière de design ont de quoi mettre mal à l’aise le joueur (les développeurs en font eux-mêmes l’avertissement !) : certains personnages sont extrêmement laids, pour ne pas dire inquiétants. Les décors ne semblent pas tous terminés, ou paraissent bâclés – c’est clairement un choix artistique et non un signe de paresse, mais l’ensemble peut s’avérer oppressant. En réalité, on ne saurait reprocher cette spécificité au titre, parce que c’est l’épicentre de son originalité : le jeu se veut différent, étrange, souvent inaccessible. Pour ne pas trop spoiler, on peut prendre un exemple issu des premiers moments du jeu. Visitant la ville à la recherche d’âmes dépoussiérables (le mot n’existe pas, tant pis), Nano se retrouve dans une sorte d’épicerie à ciel ouvert, dont les étagères sont tellement pixélisées, tellement ramassées qu’on ne peut distinguer un produit de l’autre. Pourtant, un valeureux PNJ des environs commente le contenu des étals. C’est ça aussi, Anodyne 2 : du surréalisme impertinent, étrangement artistique dans sa bizarrerie. Sur ce point, c’est vraiment la sensibilité du gamer qui tranchera.

Un gameplay forcément hybride

Qu’on se le dise immédiatement : j’ai été beaucoup plus convaincu par les étapes en 2D que par l’exploration des environnements 3D. Ayant été bercé par l’inénarrable Super Mario 64 et ses émules, j’ai toujours beaucoup aimé les environnements resserrés, riches sans être immenses, aires de jeu propices à un subtile mélange entre balade et plateforming. Alors évidemment, il ne faut pas calquer ses attentes sur son amour pour d’autres jeux… mais les développeurs et leurs publicistes ont eux-mêmes présenté le titre comme un hommage aux succès d’antan. L’aboutissement de cette ambition est... discutable. J’avoue m’être rapidement ennuyé et perdu dans les larges étendues que doit sillonner Nano – et ça ne va pas en s’arrangeant. Plus on avance dans le jeu, plus les espaces sont grands… et vides. Certes, on peut se servir d’un véhicule pour aller plus vite, mais l’expérience n’en est pas beaucoup plus grisante. Au final – surtout dans les premières heures de jeu, mais ça reste la tendance dominante – les sections en 3D correspondent davantage à des « hubs », à des zones de transition vers les zones aux couleurs encore plus rétros, faisant écho au premier opus de la saga. Il y a bien quelques collectibles à récupérer, et des phases qui permettent de varier les approches (comme ce mini-jeu de danse avant de s’infiltrer dans un PNJ torturé), mais ça manque un peu de punch et de personnalité.

En 2D, c’est déjà beaucoup mieux. On se déplace d’un écran à l’autre de manière conventionnelle, pour résoudre toutes sortes d’énigmes et venir à bout d’ennemis parfois très agaçants. Mais surtout, il y a un petit twist : au départ, Nano ne se bat pas avec une arme offensive en tant que telle – il s’agit d’aspirer des éléments du décor ou des ennemis pour qu’ils détruisent ou activent d’autres créatures, d’autres objets. La mécanique n’est pas révolutionnaire – les moyens d’attaquer débloqués par la suite le sont encore moins – mais c’est plutôt bien maîtrisé, donnant lieu à des puzzles toujours renouvelés et à des combats de boss intéressants au feeling très proche des vedettes du genre.

Entre routine et étonnement

Le jeu peut paraître mécanique à ses prémisses, mais – et c’est l’une des forces de cet Anodyne 2 - il se révèle rapidement ambitieux par la grande palette des situations proposées. Ainsi, les choix graphiques, que ce soit en 2D ou en 3D, ne sont pas immuables ; l’exploration vue du dessus pourra soudainement avoir des allures de jeu Atari (rétro) alors qu’on se sentait jusque là dans un jeu de l’ère NES. On sent que les créateurs sont amoureux du jeu vidéo et de toutes ses variantes. Je vous laisse le soin de découvrir ce que j’entends par là, histoire de ne pas gâcher le plaisir de la découverte. Mais à certains égards, et toutes proportions gardées, le titre a des allures de musée, de rétrospective qui ne rend pas toujours hommage aux œuvres concernées, mais qui contribue à attiser l’intérêt jusqu’au bout.

Un bout que vous verrez assez vite arriver, d’ailleurs : le jeu peut se boucler en une dizaine d’heures. Rien de choquant, au vu du prix – ce n’est de toute manière pas pour occuper tout son été qu’on choisira ce genre de jeux. Anodyne 2 est avant tout une expérience, un voyage bizarre et poétique qui n’aurait pas forcément gagné à être étiré. C’est une œuvre qui ne se prête pas spécialement à la compétition ou au Speedrun ; c’est un moment proposé, suspendu, sur lequel on n’a pas forcément envie de revenir mais qui laisse un souvenir particulier.

Bilan

Positif :
- Une ambiance originale assumée
- Un gameplay maîtrisé dans les phases en 2D
- Une variété des situations, avec des surprises tout au long du jeu
- Une écriture soignée, y compris en traduction
- Ha, la nostalgie !

Moins positif :
- Un côté « intellectuel » parfois forcé
- Des passages en 3D pas toujours captivants
- Une atmosphère qui ne plaira pas à tout le monde et qui peut mettre mal à l’aise (si vous êtes déprimés en ce moment… évitez !)
- Peu de replay value

Anodyne 2 est ce qu’on pourrait appeler un « jeu d’auteur », avec sa patte, son identité ; c’est une émulation empruntant ses composants à plusieurs titres célèbres tout en racontant une histoire étrange et parfois difficile à suivre. Certains seront sans doute insensibles à cette ambiance unique et à ce modèle narratif presque « intellectuel », expressément hermétique. L’expérience de jeu est à l’image de son gameplay : variable, avec des moments qui pourraient vous ennuyer et d’autres qui demanderont toute votre attention, si ce n’est votre talent. Dans tous les cas, cette œuvre offre ce qu’elle promet dans son introduction. C’est un jeu aussi décalé que familier, qui ne devrait laisser personne indifférent mais qui peut laisser perplexe, en revanche. Ce fut un peu le cas pour moi.

 

Test réalisé sur PlayStation 4 par VinzDuBinks à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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Plateformes MacOS, PlayStation 4, PlayStation 5, Windows, Xbox One, Xbox Series X|S
Genres Action-aventure, fantasy

Sortie 12 août 2019 (Windows)
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