Assassin's Creed, une saga en perdition ?

Avec la sortie d'Assassin's Creed : Valhalla et la fin de l'arc mythologique, nombreuses sont les rumeurs concernant la suite de l'aventure. Nous avons voulu ouvrir le débat sur l'évolution de la licence tout en essayant de mettre en exergue les bons et mauvais côté de la saga. Bonne lecture !

Rétrospective assassine

2007, c'est l'année qui a vu naître le tout premier Assassin's Creed. L'idée était de proposer une expérience mettant en scène un personnage principal parcourant les racines de son passé via une machine appelée l'Animus et développée par Abstergo. Nous incarnions donc Desmond Miles dans le présent et Altaïr Ibn La-Ahad dans le passé. Ce concept perdure par la suite via les aventures de deux autres ancêtre de Desmond : Ezio Auditore Da Firenze et Connor Kenway (Ratonhnhaké:ton).

Ces trois épisodes principaux (et leurs DLC) ont permis de mettre en scène un univers riche et complexe où le conflit entre les assassins et les templiers continuent de plus belle au fil des millénaires. Encore mieux, l'aventure proposait aussi de jouer Desmond et ses acolytes dans le présent et même de saupoudrer dedans de la culture contemporaine. En effet, on ressent un vif élan "Matrix" quand on vous explique que le fait de passer du temps dans l'Animus permet à Desmond Miles de recopier les mouvements de ses ancêtres.

Finalement, il aurait été possible de continuer de développer ce lore et ces alternances entre passé et présent, mais Assassin's Creed III change la donne notamment grâce à sa fin. Desmond Miles finit par mourir en sauvant l'humanité, mais en libérant l'entité Junon. Celle-ci est une entité de la première civilisation ayant essayé de s'approprier les rênes de l'humanité au lieu de la sauver. Elle fut emprisonnée par Minerve et Jupiter jusqu'à la fin du troisième opus.

D'entité récurrente dans la première trilogie, Junon finit par ne devenir qu'un morceau d'histoire qu'on plaque durant différents titres (Syndicate, Black Flag, Odyssey,...). Pour ceux voulant la suite de son arc, il faut vous orienter vers les comics, c'est malheureusement la seule solution actuelle.

Suite à la première trilogie, on découvre des titres comme Black Flag, Unity et Syndicate (sans parler des autres jeux dérivés bien entendu). À mon sens, c'est à ce moment que la saga a pris un virage à 180° en mettant clairement de côté l'aspect présent pour se concentrer quasiment exclusivement sur le passé. Cela n'a clairement pas été au goût des joueurs et le fait d'avoir, à l'instar des jeux de sport, un épisode par année a fini par avoir un effet néfaste sur la saga.

Cette nouvelle trilogie mythologique essaie, tant bien que mal, d'apporter quelques éléments pour poursuivre le lore et relier les différents éléments que nous avons connu. Ceux ayant fini Valhalla verront sûrement de quoi je parle. Néanmoins, nous avons droit à une fin qui apporte toujours plus de questions que de réponses. On espère que les différents DLC pallieront ces lacunes, car cela nous laisse avec une fin de trilogie très chaotique.

Le tapis à toutes les sauces

Aujourd'hui, Ubisoft compte quelques licences à grand succès dans des domaines assez variés. On retrouve donc par exemple Just Dance, Rainbow Six ou encore Ghost Recon. Certaines licences qui avaient pourtant eu un succès ont été mises sur le côté à tort ou à raison comme Prince of Persia, Driver ou le très regretté Splinter Cell. Assassin's Creed est la licence qui rapporte le plus en matière de vente à Ubisoft.

Pour vous donner une idée, voici quelques chiffes qui sont apparus via des kits de presse en septembre 2019 via Daniel Ahmad :

  • Assassin's Creed représente plus de 140M de copies vendues
  • Far Cry représente plus de 50M de copies vendues
  • Just Dance représente plus de 70M de copies vendues

Ce succès est, à mon sens, le problème d'Ubisoft qui a fini par ranger ses licences principales dans le même panier en créant ce que j'appelle l'Ubisoft Open World Touch (UOWT). Que vous jouiez à Ghost Recon, Far Cry, Assassin's Creed, The Crew ou encore The Division, vous retrouvez cette formule que vous connaissez sûrement :

  • Un monde ouvert généralement assez vaste
  • Des points vous permettant de découvrir ce qu'il se trouve sur la carte (Tours, avant-poste,...)
  • Une répartition par zone avec des niveaux
  • Des collections d'objets
  • Des quêtes secondaires dans tous les sens et de tous les niveaux
  • Du loot
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C'est clairement une volonté de l'Empire Guillemot. D'ailleurs Yves Guillemot, PDG d'Ubisoft, disait dans une interview pour Gamesindustry.biz :

"Notre objectif est d'être certain que vous avez un Unity dans un Odyssey. Si vous voulez une histoire de 15 heures, vous l'aurez, mais vous pouvez aussi avoir d'autres histoires. Vous vivez dans ce monde et vous poursuivez ce que vous souhaitez poursuivre. Vous avez une expérience, plusieurs expériences dans le style de Unity."

L'idée étant de poser un univers sur la table et de continuer de développer celui-ci via les DLC :

"Nos équipes ne s'arrêtent pas après le lancement du jeu. Nous avons d'énormes équipes qui continuent de créer du contenu pour que les joueurs restent dans les univers où ils adorent jouer. Le fait que certains joueurs achètent des objets dans ces jeux donnent la possibilité à nos équipes de continuer à créer ce contenu en plus."

Si on est convaincu que cela apporte une plus-value aux joueurs, on sait aussi que l'aspect financier est loin d'être négligeable pour le studio qui vend systématiquement un season pass (généralement au prix de 30 euros) et ouvre une boutique en jeu pour faciliter le gameplay ou encore apporter de nouveaux cosmétiques. 

Finalement, chaque nouveau jeu Ubisoft résonne comme un écho de quelques chose de déjà connu, de déjà découvert ou expérimenté. Les quelques changements apportés ne suffisent généralement pas pour ne pas entendre "C'est comme...", "C'était mieux dans..."....

Ce qui est d'autant plus incompréhensible, c'est qu'Ubisoft n'utilise en rien ses forces pour alimenter ses jeux. Comme-ci, ils ne voulaient pas copier ce qui existe tout en le faisant quand même via leur monde ouvert. Ubisoft dispose actuellement de deux licences ayant des atouts considérables : The Division et For Honor.

The Division, jeu sorti en 2016 et sa suite en 2019, propose un système de couverture assez performant, mais qui malheureusement ne l'est pas autant dans Ghost Recon... Il en est de même pour Assassins Creed Valhalla qui peine clairement à proposer quelque chose de convaincant. On pourrait même parler de régression tant le système de couverture apparaît comme peu ergonomique.

For Honor a développé un système de duel qui est clairement parmi les plus jouissifs actuellement que ce soit au niveau mécanique ou dynamisme. À l'inverse, Assassin's Creed Valhalla se retrouve avec des combats très peu intéressants ressemblant bien plus à un action RPG peu intéressant, même si un certain dynamisme est présent via les compétences.

Certes, reprendre le système tel quel serait un peu fainéant et pas très productif, mais pourquoi ne pas profiter des forces de chaque jeu pour créer une mouture plus solide ? In fine, on se retrouve avec des jeux qui régressent et évoluent sur des différents points à tels point qu'on est en droit de s'interroger sur l'apprentissage des studios au fil des années.

Que reste-t-il de notre Assassin's Creed ?

Depuis maintenant treize années, Ubisoft nous vend une licence qui a clairement été un des points forts de la vie du studio. Mais aujourd'hui, en 2020, que nous reste-t-il de ce qui faisait le succès de la licence à ses premières heures ?

Quelques éléments ont survécu comme notamment les tours qui permettent de découvrir les zones, l'infiltration, le parkour, les assassinats, l'Animus... Cependant, ces reliquats du passé sont soit moins bien travaillés soit présents uniquement pour justifier le titre du jeu. Par exemple, le parkour a atteint son paroxysme avec Unity

Certes, Paris permettait clairement d'offrir un terrain de jeu incroyable vis-à-vis du parkour. Toutefois, si vous regardez la vidéo au dessus, vous noterez les animations très fluides et diversifiées. Par la suite, cette notion de Parkour s'est vu reléguée au second plan malheureusement. 

À mesure que le temps avance, Ubisoft met de côté les éléments qui ont fait le succès des premiers moments. On a bien vu quelques tentatives avec ce dernier opus comme le retour de la lame d'assassin et les groupes de moines dans lesquels on peut se fondre, mais c'est tellement anecdotique que ça en est ridicule. Et si Valhalla n'avait pas eu droit au traitement Assassin's Creed, mais plutôt à celui d'un nouveau jeu racontant une saga viking, est-ce que cela aurait changé la donne ? Le jeu aurait-il été moins bon pour autant ?

On pourrait croire, au vu de ces dernières années, qu'Ubisoft ne sait pas vraiment où aller avec cette licence, mais continue de focaliser le travail sur le contenu et le gameplay plutôt que sur l'écriture. Il n'y a aucun soucis à avoir des quêtes secondaires loufoques comme Degolas ou la femme aux œufs, mais quand cela vient se mettre à côté d'une histoire principale peu consistante, ça peut être dérangeant.

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Mais alors, que faut-il faire ? Est-ce que ce nouvel arc narratif avec Basim permettra d'offrir une histoire plus intéressante dans les futurs épisodes ? Un remake ? L'abandon de la série ?

La situation actuelle est compliquée, car Ubisoft s'est engouffré dans la complaisance de ses mondes ouverts qui fonctionnent malgré leurs défauts. Toutefois, rien n'est impossible et notamment avec l'arrivée de la nouvelle génération. N'est-il pas temps de revoir les bases et de les rendre vivantes à notre époque ? À mon sens, il y a deux gros points sur lesquels Ubisoft se doit d'évoluer : l'IA et l'histoire.

L'IA est, comme dans de nombreux jeux, assez catastrophique. Il faut clairement travailler sur cet aspect et notamment vis-à-vis de l'infiltration ou des combats. Il n'est pas normal de continuer d'avoir des gardes qui oublient votre présence et retournent à leur patrouille tranquillement en 2020. Des moyens d'alertes (autre qu'une pauvre cloche), des renforts, des espaces plus propices aux assassinats et au fait de cacher les corps... Les idées sont nombreuses, il suffit juste de les mettre en musique. Au niveau des combats, ceux-ci doivent augmenter en difficulté à partir du moment où vous êtes encerclé par des ennemis. Actuellement, on est limite à attendre que l'ennemi nous attaque pour le contrer plutôt que de redouter ce qu'il pourrait se passer.

L'histoire et notamment celle du présent doit évoluer et de manière beaucoup plus significative. Quand les joueurs ont fini Assassin's Creed: Origins, ils voulaient connaître la suite des aventures de Bayek et d'Aya. Cela n'a finalement pas eu lieu, car l'enchaînement s'est fait avec Odyssey plusieurs siècles auparavant. Le seul lien a finalement été Layla qu'on retrouve dans Valalla dans la conclusion de son arc narratif. (On compte actuellement l'arc Miles, l'arc Kenway, l'arc européen et l'arc mythologique). N'est-il pas temps de rendre l'histoire plus captivante ? De remettre le conflit des templiers plus en avant ou encore d'apporter des aspects nouveaux comme Assassin's Creed Rogue ?

Même Valhalla présente des idées vraiment intéressantes avec des retours en arrière et notamment à l'époque d'Ezio où l'ont devait construire le village de Monteriggioni. Ici, c'est la colonie qui évolue et clairement c'est plaisant, mais ça manque aussi cruellement de profondeur malgré tous les efforts mis en avant pour animer ce lieu. Les raids aussi sont une expérience vraiment intéressante, mais dans un jeu parlant des vikings, on regrette que cela ne soit vraiment qu'au second plan et surtout manquant de moments réellement épiques, tout en étant aussi bien bugué.

Ce qui est certain, c'est qu'Ubisoft ne devrait plus limiter sa licence à des reliquats du passé qui finalement alourdissent le contenu. C'est un peu comme l'animal de compagnie permettant de découvrir ou de s'orienter, c'était une bonne idée dans Origins, cela devient anecdotique voire inutile dans Valhalla, mais c'est toujours présent.

Quelle sera la fin de tout cela ?

Ce qui est sûr, c'est qu'Assassin's Creed est une saga qui a toujours un public et ce depuis treize ans maintenant. La preuve (et on dit merci les vikings), Valhalla s'est vendu plus en une semaine que n'importe quel autre titre de la saga. Toutefois, nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle levée de bouclier comme cela avait été les cas avec Unity et Syndicate qui ont réalisé des ventes très en-dessous des attentes et des autres épisodes de la saga. C'est à partir de ce moment là qu'Ubisoft a fait un pas en arrière pour proposer quelque chose de nouveau.

Ce qui est sûr, c'est qu'à peine Valhalla sorti, de nouvelles rumeurs sont déjà en route concernant la suite de la saga. C'est bien évidemment vers l'Asie que tous les regards se tournent. Et cela encore plus via des artworks réalisés par John Bigorgne, concept artist chez Ubisoft qui a notamment travaillés sur Assassin's Creed Lineage et Syndicate.

Au vu du succès récent de Ghost of Tsushima, qui a récolté le prix du public aux Games Awards 2020, il ne serait pas étonnant qu'Ubisoft propose une expérience dans un contexte similaire.

La rumeur au sujet d'un épisode mettant en avant la Mongolie a aussi fait son chemin dans la tête des fans de la saga. Par exemple, dans Assassin's Creed 2, on nous parle de Qulan Gai qui a joué un rôle dans la mort de Gengis Khan (avec le fils d'Altaïr, Darim) et ferait donc parti de la branche Mongole des assassins. Mais bon, tous ces éléments ne sont au final que des rumeurs. Comme à chaque fois, une fuite révélera sûrement le prochain univers.

On peut croiser les doigts pour qu'Ubisoft prenne conscience qu'il faut mettre plus de consistance dans son monde ouvert en évitant de trop le fracturer et en apportant un fil rouge qui ne se met pas en pause comme cela a été le cas pour Valhalla.

Ubisoft a connu quelques scandales en cette année 2020. Tout a commencé en juin sur Twitter, par une vague de dénonciations liées au milieu du jeu vidéo, accusant notamment des streamers, des esportifs et des concepteurs de jeu-vidéo. Rapidement, plusieurs cadres d'Ubisoft sont cités. Les médias s'emparent du sujet et publient plusieurs enquêtes ; c'est le cas notamment de Libération, de Numerama, de l'AFP, de Lapresse, de Kotaku, de Bloomberg , de Business Insider ou encore de Gamasutra. Les journalistes ont mis en avant des situations de harcèlement sexuel, d'abus de pouvoir et notamment en ciblant une des personnes les plus influentes d'Ubisoft : Serge Hascoët, directeur créatif et considéré comme le numéro 2 de l'entreprise. Depuis le 12 juillet 2020, il a démissionné de ses fonctions.

Le point qui rejoint particulièrement cet article est que Serge Hascoët joue un rôle majeur dans le développement des jeux Ubisoft, notamment ceux estampillés Assassin's Creed. Connu pour des prises de positions très fermes et un comportement plus que toxique, on pourrait se douter qu'il n'est pas pour rien dans la non-évolution de la saga au fil des âges sur certains points. Maintenant qu'il est parti de son poste, il sera intéressant de voir le tournant que la saga prendra au niveau créatif, nous pourrions être vraiment surpris (ou du moins on l'espère !)

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