Test de Maneater - Télé-réalité et mégalodon

Qui a déjà rêvé d'être un requin tueur, à la manière des films gores les plus improbables, se lançant dans une vendetta qui mettra en péril bon nombre de chasseurs de requins qui auraient dû rester chez eux ? Pas nous, pourtant on s'est penché sur Maneater, un titre qui nous propose de faire revivre la peur du Mégalodon dans la peau d'un requin-bouledogue.

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Les dents de la terre

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Sauvagement assassinée par le chasseur de requins Pete l'écailleux, la mère de notre héros n'est que le commencement d'une aventure qui met à feu et à sang une ville autrefois paisible. Suivi par une équipe de télé-réalité qui rêve de requins mangeurs d'hommes, Pete part en chasse de sa prochaine cible : le requin sorti du ventre de la mère alors qu'il venait de la tuer. Mais les choses ne se passent pas comme prévu, car le bébé deviendra grand. Et c'est bien là le but du jeu, faire évoluer notre requin pour devenir assez fort afin d'accomplir sa vengeance en déchiquetant Pete l'écailleux. Avec sa mise en scène et sa narration qui emprunte entièrement à la télé-réalité, le jeu insiste très fortement sur ses blagues et ses références qui font vivre son histoire. Avec l'excellent Chris Parnell en narrateur, le jeu se révèle extrêmement drôle : toujours sur un ton cynique et en parlant presque sans arrêt, le narrateur met à mal le mythe du requin mangeur d'hommes et du Mégalodon qui reviendrait des entrailles de la terre pour manger tout le monde. Le décalage est parfaitement savoureux tant sa manière d'aborder avec dérision cette question tranche avec le massacre qui se commet manette en main, puisqu'on incarne bien ce mythe du requin tueur avec pour seul objectif de se nourrir de poissons, de baigneurs et de pêcheurs pour grandir et devenir plus puissant. Sans pour autant devenir lourdingue, Chris Parnell en voix-off d'une télé-réalité putassière met à mal la société américaine et son goût prononcé pour les armes (car comme il le dit à un moment donné, il vaut mieux sur-armer les chasseurs que d'éloigner d'une autre manière les requins), la gentrification de quartiers autrefois populaires, la pollution des eaux ou encore le commerce d'ailerons de requins. Grinçante, la satire Maneater frappe plutôt juste et fait beaucoup rire en tapant un peu tout ce qui lui passe sous la main. Subtile ? À aucun moment. Savoureux ? Certainement.

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En effet, Maneater n'est rien d'autre qu'un gigantesque défouloir, où on égratigne un peu tout le monde du côté de la narration tandis que le jeu nous donne un sentiment de surpuissance avec un requin redoutable. Les débuts du jeu sont fastidieux dans la peau d'un bébé requin un peu hargneux, mais peu résistant, puis le jeu s'accélère et une fois arrivé à la taille adulte, le requin s'approche de plus en plus du mythe du Mégalodon et devient presque invincible. Les combats de boss nous rendent évidemment la tâche plus compliquée, mais il y a une sorte d'agréable sadisme à croquer les baigneurs, les membres d'une réunion de trafiquants d'ailerons ou encore ceux qui profitent d'un gigantesque hôtel dont la construction a sévèrement pollué les fonds marins. Mais tout cela n'est pas fait gratuitement : sur fond de quêtes qui se ressemblent un peu toutes, chaque action apporte un peu d'expérience à un requin qui doit grandir jusqu'à devenir l'ultime tueur. Manger des baigneurs rapporte un peu d'expérience, manger les chasseurs est particulièrement bénéfique à la fois pour l'expérience et pour la santé, tandis que la destruction des bateaux est particulièrement récompensée. Quant à ce que l'on trouve dans l'eau, les différents poissons que l'on croise n'ont d'autre vocation que de nous servir de repas pour obtenir des ressources nécessaires à l'évolution du requin et un peu de santé. Des matériaux exploités dans l'amélioration de quelques compétences et mutations génétiques improbables qu'on colle sur notre requin, passives ou actives, qui renforcent pour la plupart sa puissance et sa résistance et lui permettent de mieux se défendre. On peut même lui coller un équipement électrique ou en pierre, avec des compétences propres, pour mieux affronter les boss.

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Des boss qui sont symbolisés autant par des "prédateurs" à affronter dans les eaux, qui sont essentiellement des grosses bêtes ou des chasseurs spéciaux qui nous harcèlent une fois que l'on a tué un peu trop de gens et augmenté notre niveau d'infamie. Ces séquences apportent parfois un challenge plus élevé tant, le reste du temps, le jeu a tendance à insister sur la toute puissance du requin. Attention toutefois, cette puissance et quasi-invincibilité n'est pas gratuite : les affrontements avec les chasseurs notamment nécessitent d'être constamment en mouvement et toujours en se portant vers l'attaque. Tuer un chasseur permet en effet non seulement de faire le ménage, mais aussi de se régénérer beaucoup de vie en le dévorant. Et ce n'est pas un luxe face à des ennemis qui abusent du harpon, du fusil d'assaut ou encore de l'explosif pour nous descendre. Malheureusement, le jeu pèche un peu sur son gameplay avec des contrôles parfois imprécis, notamment du côté de la visée d'une cible qui est parfois fastidieuse lorsque les ennemis viennent de tous les côtés. Il en est de même dans les affrontements marins contre des poissons qui bougent beaucoup et rendent la caméra complètement folle.

Bébé requin

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Mais tout n'est pas rose dans cette balade en eaux troubles, encore moins quand on s'attaque à la structure même du jeu. Tout droit sorti des pires mondes ouverts, le jeu nous répète les mêmes objectifs et les mêmes missions en boucle. Tuer dix humains, tuer dix phoques, briser un bateau, tuer un prédateur... Les objectifs se répètent et seule la narration, qu'elle soit textuelle dans la description des missions ou sonore avec le bon Chris Parnell, apporte un peu de diversité. Structurellement, le jeu se limite à passer d'une zone à l'autre, jusqu'à débloquer toute la carte, en accomplissant à chaque fois une série de missions qui mènent inexorablement à la mort des deux boss de la zone (le prédateur et le chasseur selon le niveau d'infamie requis pour la suite). De temps en temps, il nous lâche une cinématique tout droit sortie d'une émission de télé-réalité pour nous rappeler que l'affrontement avec Pete l'écailleux approche, néanmoins cela reste assez fainéant. Heureusement que sa narration joue pour lui, d'autant plus que le jeu reste très agréable par petites sessions de jeu où on se défoule rapidement en commettant de véritables massacres.

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Il ne faut toutefois pas attendre grand chose de ce que le jeu offre visuellement. Certes, sa direction artistique le rend tout à fait sympathique grâce à des ambiances très différentes et bien inspirées dans chaque zone, qu'il s'agisse du gigantesque hôtel et parc d'attraction au bord de l'océan, des marais crados ou du port de plaisance terriblement pollué. Néanmoins, le jeu est aussi très limité avec des textures bien peu flatteuses, des effets visuels très basiques et des animations parfois saccadées. Le pire étant qu'il a très souvent tendance à ramer sur Xbox One, la console sur laquelle nous avons pu le tester. Notamment dans la dernière partie du jeu où on passe beaucoup plus de temps en surface que sous l'eau pour attaquer les chasseurs sur leur bateau ou les touristes sur la plage (grâce à un requin qui sautille sans trop de problème sur la terre ferme) et où le jeu s'affole énormément. Les baisses de framerate sont violentes et rendent les affrontements avec les derniers boss bien peu agréables.

Conclusion

Aussi gore que débile, Maneater n'en reste pas moins étonnamment satisfaisant. Il y a quelque chose d'attirant à l'idée de terroriser un bord de mer avec un requin disproportionné et aux mutations génétiques improbables, à tel point que l'on s'est bien marré pendant la grosse quinzaine d'heures requise pour aller au bout de l'aventure. Alors, ce n'est très clairement pas un jeu sur lequel on reviendra par la suite, néanmoins c'était un bon défouloir pendant le temps qu'il a duré. On l'avoue d'ailleurs : on n'hésiterait pas beaucoup à l'idée d'y retourner s'il devait y avoir une suite.

Test réalisé par Hachim0n sur Xbox One à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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