Chronique du joueur itinérant - Retour vers le futur avec World of Warcraft Classic

Début d'une chronique du joueur itinérant sur le nouveau ancien MMORPG World of Warcraft Classic, quand on remonte le temps pour entrevoir le futur du genre, ou se résigner dans le passé. Et je vais citer Michel Sardou dans cette chronique, vous êtes prévenus.

Retour vers le futur

Cette chronique débute donc par une référence à la trilogie cinématographique Retour vers le futur, quand il faut parfois se plonger dans le passé pour envisager un futur. Et quand on joue à World of Warcraft Classic, c'est exactement de ça dont il s'agit : en poussant la comparaison, on peut créer quelques remous à se fixer dans le passé. Le joueur se voit toutefois proposé de remonter dans le temps, à une époque où l'on s'exclamait de chaque point apparaissant à l'écran. L'an de grâce 2005, quand il y avait la guerre en Irak, l'ouragan Katrina frappait les Etats-Unis et l'Iran reprenant la conversion d'uranium pour son programme nucléaire... une autre époque (ou presque). En parallèle de ces événements, le joueur découvrait le MMORPG qui allait démocratiser le genre -- pour le meilleur et le pire -- avec World of Warcraft.

Loin de moi l'idée de faire le procès à posteriori de la création de Blizzard, car le genre du MMORPG s'est surtout condamné en voulant copier une recette que seul le studio américain maîtrisait. Et c'est d'ailleurs ce qui frappe en premier lieu quand on pose les pieds dans le monde d'Azeroth, tout est réglé comme du papier à musique, net et sans bavure. La volonté des développeurs de revoir à peine leur copie fait ressurgir à quel point l'expérience de World of Warcraft était déjà rodée. Alors certes, certains auraient apprécié de se mouvoir avec les animations d'aujourd'hui parmi d'autres améliorations survenues depuis, mais on nous vend ici de l'authentique.

De la nostalgie à coup sûr

Étrange sentiment qui me traverse dès mon apparition au fond d'une tombe qui me semble connue, je sais où traîner mes vieux os alors que je n'ai plus parcouru ce monde depuis des années. Si la mémoire me joue bien souvent des tours, j'ai cette étrange facilité à me rappeler de détails les plus anecdotiques, m'évitant de passer des heures à chercher une bobine de fils pour réaliser une couverture alors qu'elle est en vente juste à côté, ou sachant que le capitaine sera accompagné d'un acolyte quand je viendrais lui compter fleurette.

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Je me surprends pourtant à chercher sur la carte la zone où trouver ma cible, alors qu'elle s'affiche désespérément vide. De même je scrute ma mini-carte pour débusquer les monstres environnant qui s'échinent à me sauter dessus par surprise. Mes habitudes ont visiblement changé depuis et je dois déconstruire ma manière d'aborder le jeu. On est dans un MMORPG où l'on doit lire les quêtes pour savoir dans quelle direction se diriger, en se repérant visuellement par des éléments du décor. On est dans un MMORPG où le premier arrivé se saisira de la possession du monstre. On est dans un MMORPG où l'on doit marcher pour se rendre à un endroit. On est sur World of Warcraft Classic.

Et c'est parce qu'on est sur un MMORPG d'un autre temps que l'on croise d'autres joueurs demandant de grouper. J'ai toutefois croisé bien pire, quand certains joueurs osent dire « bonjour » et « bon jeu » une fois la quête complétée. Parfois, ces comportements édifiants laissent heureusement leurs places à d'autres plus normaux, quand on se précipite vers une ressource en profitant qu'un autre joueur nettoie l'accès. De même, certains préfèrent courir pour l'infini contre le mur d'une taverne pour préserver leur place dans ce monde. Alors de son coté, on enchaine les quêtes pour minutieusement faire progresser sa barre d'expérience. On pose ses fesses entre chaque combat pour récupérer. On scrute autour de soi pour éviter de se prendre la réapparition d'un monstre dans les dents au mauvais moment. Et si la frustration du joueur moderne n'est jamais loin, la magie de la nostalgie opère pourtant bel et bien.

Et si c'était un mirage ?

J'en suis pour l'instant aux premiers niveaux, quand le mage étrille encore sa fragilité en courant quelques pas pour désengager de ses trop nombreux opposants. La nécessité de jouer à plusieurs se fait toutefois sentir face à la difficulté croissante, l'essence même du MMORPG mais aussi la difficulté de rester sur les mêmes quêtes que ses compagnons d'aventure. Je compte toutefois sur l'originalité de ce voyage dans le temps pour maintenir mon intérêt, tout en profitant de le vivre avec d'autres. Car le parfum de la nostalgie est juste envoutant.

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Je perçois toutefois que le voyage aura certainement une fin, alors que d'autres joueurs pressés ont déjà abattu toute la difficulté en appliquant des stratégies certes bien rodées, mais pointant les limites de World of Warcraft Classic. On me glisse que la barrière du niveau 30 aura peut-être raison de moi, mais je suis résolu à la repousser pour m'affranchir d'un passé dont je n'avais pas su profiter à l'époque. Alors certes j'ai déjà en partie failli en ajoutant un add-on agrémentant ma carte d'indices comme sur un MMORPG moderne, mais il s'agit bien d'économiser du temps qui m'est bien plus précieux aujourd'hui.

C'est l'ultime maladie du joueur qui court, qui court telle la maladie d'amour, mais peut-être dont va me soigner World of Warcraft Classic. Une leçon d'un mirage du passé pour mieux apprécier les propositions d'aujourd'hui, ou éventuellement signaler aux éditeurs que la demande est aussi forte qu'éphémère si on ne sait pas la saisir. Il est inévitable que les files d'attente se raccourcissent, voire disparaissent dans les prochaines semaines, laissant progressivement le mirage disparaitre pour laisser les joueurs de MMORPG face à leurs propres contradictions. Car si Michel est nostalgique de l'ancienne époque, il doit aussi apprendre à vivre dans son siècle pour profiter de son temps.

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