La vision de l'esport en question chez Activision Blizzard - MàJ

Nate Nanzer annonçait récemment son départ de l'Overwatch League pour rejoindre Epic. Selon des sources internes, le malaise serait plus général chez Activision Blizzard, qui envisage l'esport sous l'angle des sports télévisés et non plus des jeux.

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C’est une évidence, le sport électronique occupe une place croissante dans l’industrie du jeu et s’impose aujourd’hui comme une composante (économique) essentielle du secteur – l’esport offre une vitrine attractive aux jeux et à l’industrie, en plus d’attirer autant (sinon plus) de spectateurs qu’il y a de joueurs. Pour autant, les studios cherchent encore le bon modèle qui permettra de pérenniser des compétitions d’esport qui coutent chères à organiser et peinent encore à se rentabiliser.

Dans ce contexte, certains modèles commencent à émerger : pour les uns, l'esport passe par des compétitions annuelles de très grande envergure, pour les autres une multitude de petits tournois communautaires tout au long de l’année et dans cette jungle d’expérimentations plus ou moins concluantes, Activision Blizzard fait le pari de s’inspirer du modèle du sport traditionnel américain et de son système de ligue – basée sur des équipes prêtes à débourser des tickets d’entrée de plusieurs (dizaines) de millions de dollars pour intégrer un écosystème devant attirer des sponsors fortunés et alimenté par la commercialisation de droits de diffusion (en streaming ou à la télévision). C’est le modèle de l’Overwatch League, qui doit être reproduit dans une Ligue Call of Duty actuellement en cours de création. C’est aussi le modèle porté actuellement par Pete Vlastelica, président et CEO en charge de l’esport au sein du studio, après avoir fait ses armes au sein de la chaine sportive FOX Sport.

Le groupe Activision Blizzard aurait-il trouvé là le modèle (économique) d’avenir de l’esport ? Peut-être. Mas comme partout, rien n’est tout blanc ou tout noir, et si l’on en croit le site Dexerto qui se fait l’écho de sources internes, le modèle ne fait pas que des heureux chez le développeur.

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On l’évoquait récemment, Nate Nanzer (jusqu’à présent commissaire de la ligue Overwatch) vient d’annoncer son départ d’Activision Blizzard pour rejoindre Epic Games. Et selon Dexerto, ce départ ne serait que le premier d’une série au sein des équipes « esport » du groupe – le site mentionne le nom de Kim Phan, directrice « produit » mondiale de Blizzard Esport depuis plus de treize ans, et indique que d’autres cadres (souhaitant rester anonymes) envisagent également un départ prochain.
Des défections qui seraient motivées par une « baisse de moral » au sein de la branche « esport » qui ne se retrouve pas dans la stratégie que le groupe met en place actuellement : selon l’une des sources de Dexerto, les salariés concernés se disent « fatigués de travailler pour Pete Vlastelica », dans la mesure où « l’accent est mis sur la commercialisation des titres esport, au lieu de faire de bons programmes pour la communauté ; et nombreux sont ceux en interne à attribuer cette évolution à Pete, il a cassé le moral notamment des équipes de Call of Duty et Overwatch ». Et une autre source de poursuivre : « actuellement, il y a un sentiment qui veut que le premier cercle du management ne comprend pas l’esport, et il n’y a pas de place pour la négociation avec ces personnes : elles sont convaincues que leur vision, qui est davantage en ligne avec celles des sports télévisées, est la bonne voie à suivre et ça déprime les équipes ».

Mise à jour (20 juin 2019) : après les indiscrétions évoquées début juin 2019, Kim Phan confirme sur le forum de Team Liquid avoir quitté les effectifs de Blizzard le 14 juin, après treize ans passés au sein du studio – d’abord comme productrice en charge du développement de Battle.net et des sites du groupe, puis au sein des équipes « d’intelligence économique » notamment pour lutter contre la triche, avant prendre en charge la division Blizzard Esports. Kim Phan salut les années passées chez Blizzard, et évoque « l’honneur d’avoir servi les communautés de joueurs ».
Si elle indique avoir maintenant « raccroché son épée et son bouclier », elle précise aussi poursuivre sa carrière dans l’industrie du jeu, sans préciser ni le studio, ni ses nouvelles fonctions.

Au-delà de la stratégie du groupe, on comprend aussi les enjeux qu’elle soulève pour les joueurs : une scène compétitive composée de ligues s’adresse principalement à une toute petite poignée de joueurs professionnels, encadrés par des équipes ayant de gros moyens et attendant un retour sur investissement important. La professionnalisation de l’esport serait sans doute une bonne nouvelle pour les quelques joueurs qui en profiteront, mais à l’inverse, une telle scène esportive laisserait sans doute aussi moins de place aux équipes et aux joueurs de second plan, voire aussi aux jeux un peu moins exposés. On l’a déjà constaté chez Blizzard avec Heroes of the Storm, pour lequel le studio a réduit ses investissements notamment en terme d’esport – et qui a conduit au démantèlement de certaines équipes qui évoluaient sur le jeu (comme celle de Team Liquid). De quoi considérer que l’esport reproduit le modèle du sport (business) traditionnel ?

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