Fire Emblem Echoes : Shadows of Valentia, recycler pour mieux se démarquer ?

Sorti le 19 mai dernier sur 3DS, Fire Emblem Echoes : Shadows of Valentia est un remake de Fire Emblem Gaiden, deuxième opus de la série. Ce dernier n’étant jamais parvenu jusqu’à nous, c’est l’occasion pour l’Occident de découvrir ce titre. Se montre-t-il à la hauteur ?

Commençons par une précision indispensable : je n’ai jamais joué à Fire Emblem Gaiden. Si vous espérez un comparatif détaillé des différences entre ces deux versions, je ne pourrai donc malheureusement pas vous le proposer. De même, je désire dans ce test m’intéresser davantage au remake qu’au jeu d’origine. Cela signifie que je l’évaluerai comme un titre sorti en 2017 et ne lui pardonnerai aucun défaut au motif que le jeu d’origine a 25 ans.

Fire Emblem Echoes

Une histoire de marque

Le monde de Valentia est régi par deux dieux : Duma et Milla. Chacun a une approche différente du monde, mais tous deux étaient les protecteurs de leur propre royaume prospère. Cependant, la folie gagne petit-à-petit les deux divinités draconiennes, mettant en péril l’équilibre de Valentia. Heureusement, deux héros sont présents pour sauver le monde de son agonie : Alm et Celica.

Je ne m’attarderai pas davantage sur l’histoire, puisque ce n’est pas le cœur des Fire Emblem. L’écriture d’Echoes est correcte : certaines actions des personnages semblent ridicules, mais l’ensemble est relativement cohérent. Rien d’extraordinaire, mais cela n’a jamais été la force principale de la série, loin s’en faut.

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Echoes propose deux protagonistes principaux. Cependant, contrairement à Fire Emblem Fates, sorti l’année dernière, ils sont tous deux présents au sein de la même histoire. Plus concrètement, le joueur peut, à tour de rôle, utiliser l’armée de l’un ou de l’autre. Si les deux premiers chapitres sont centrés sur un unique personnage, il est ensuite possible de passer de l’un à l’autre à n’importe quel moment. Les interactions entre les deux demeurent cependant limitées : chaque protagoniste a sa propre armée et l’échange d’objets entre les deux groupes est très limité. L’histoire induit quelques interactions, mais elles sont globalement limitées ; chacun semble vivre sa propre aventure la majorité du temps.

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Promenons-nous dans les bois

L’intérêt principal du titre vient du retour de la carte de campagne, disparue dans Fire Emblem Fates. Si cette carte propose peut de chemins différents, elle permet au joueur de se balader assez librement et de choisir ses objectifs. Si un groupe ennemi est présent sur une des cases, le combat s’enclenche. Toute l’armée concernée peut alors prendre part au conflit, ce qui évite les choix difficiles des précédents opus. La présence de cette carte de campagne atténue beaucoup plus la monotonie que pouvait engendrer la structure un chapitre = un combat de Fates. Le rythme est bien meilleur ici, puisque le joueur est libre d’aller plus ou moins vite, selon sa volonté.

En effet, s’il existe un objectif à atteindre pour chaque armée, les détours ne sont pas exclus. Certains lieux permettent en effet de s’arrêter un moment. C’est le cas des forteresses et des villages, qui proposent généralement un forgeron, quelques discussions et des quêtes consistant généralement à rapporter un objet spécifique. Néanmoins, ce sont les donjons qui sont les plus dignes d’intérêt.

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Fire Emblem Echoes propose au total un peu moins d’une dizaine de donjons dans sa version de base – d’autres sont vendus en DLC pour les plus motivés. Les premiers donjons sont évidemment très simplistes, mais leur structure se complexifie rapidement. Leur qualité globale est excellente. En effet, les donjons proposent toujours plusieurs chemins et cachent de nombreux secrets ; ils sont très plaisants à explorer. Le respawn est malheureusement présent, mais il est modéré : les ennemis ne réapparaissent qu’en cas de changement de carte, ce qui permet d’explorer assez librement chaque donjon, sans ressentir la pression d’un respawn permanent des ennemis.

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Entre les balades sur la carte et les donjons, l’exploration semble donc être le point fort de Fire Emblem Echoes. Ceux qui apprécient cet aspect seront assurément comblés. Qu’en est-il des autres ?

Les flèches, c’est craqué

Le gameplay de Fire Emblem Echoes se différencie grandement des derniers opus sortis. C’est notamment visible par la disparition de la célèbre trinité épée/lance/hache : désormais, un épéiste ne subit plus de malus quand il combat un lancier. Conséquence de cela, il n’est plus nécessaire de réfléchir à l’arme utilisée par le personnage pour lancer un combat. Seules trois caractéristiques sont à prendre en compte : son attaque, sa défense et sa résistance magique. Logiquement, les personnages disposant d’une défense importante ont généralement une mauvaise résistance magique et vice-versa. Il est important de savoir quand employer qui, sous peine de perdre rapidement un soldat indispensable.

Pour compenser cette absence de triangle des armes, un autre aspect rentre en compte : le terrain. Certaines cases de la carte de combat offrent des bonus de protection. Une case de forêt, par exemple, réduit de 60% les chances de se faire toucher par une attaque physique ; autant vous dire que cela modifie grandement l’affrontement. Le placement est donc très important ; il est vital d’occuper les cases les mieux protégées et d’empêcher l’adversaire d’attaquer depuis l’une d’entre elles. S’il en occupe une et qu’il est impossible de le contourner ou de l’attirer, une alternative existe : la magie.

Les sorts magiques ne souffrent pas de pénalité liée au terrain. En revanche, ils ont un coût en point de vie pour leur utilisateur, de 1 à 10. S’ils sont très puissants, ils exposent le jeteur de sort à une contre-attaque ennemie ; protéger ses jeteurs de sort est donc indispensable, à fortiori si vous avez utilisé un sort coûteux.

Echoes dispose de fait d’une richesse stratégique. Néanmoins, si celle-ci est indéniable, elle est moins marquée que dans les opus précédents pour deux raisons. Premièrement, le jeu est plus permissif. Le meilleur exemple est l’utilisation d’un arc : celui-ci peut être employé aussi bien au corps à corps qu’à longue portée. Certes, les archers sont moins résistants, mais ils peuvent donc se défendre en cas d’agression. Il en est de même pour les mages. Aussi, si le placement est important, une erreur peut être pardonnée – pour les combattants à distance tout du moins.

Deuxièmement, de nombreuses cartes ont un principe similaire : des ennemis regroupés en une position défensive qu’il faut prendre d’assaut. Les cartes sont très dissymétriques, donnant une impression négative au joueur. Souvent, il n’y a ni bon placement ni bon chemin : il est impossible de ne pas prendre de dégâts adverses, mais il faut avancer en limitant les pertes pendant cette phase. La sensation est désagréable.

J’ai pas l’choix

Les options stratégiques sont en outre pénalisées par un autre aspect du jeu : la pauvreté abyssale de la personnalisation des personnages. Ces derniers ne peuvent emporter qu’un seul équipement, ce qui limite fortement leurs options. Cela force certes à faire des choix, mais empêche d’être pleinement satisfait par l’équipement d’un personnage. Cela pénalise en outre d’autant plus les combattants au corps à corps, qui ne peuvent prendre une arme à distance (comme un javelot) en plus de leur armée principale.

L’équipement lui-même est en outre peu personnalisable. Aucun marchand n’en vend ; il est récupéré uniquement au gré des loots. Il peut cependant être ensuite amélioré chez un forgeron, mais cela n’induit pas de véritable choix : cela n’offre que des bonus légers, sans proposer plusieurs alternatives pour chaque objet. Chaque modification améliore légèrement toutes les statistiques de l’arme (dégâts, précision, etc.) au lieu de proposer plusieurs possibilités offrant un bonus significatif dans un seul domaine.

Néanmoins, c’est au niveau des classes que le jeu se montre le plus pauvre. Les villageois n’ont le choix qu’entre sept classes : sainte, mercenaire, chevalier pégase, cavalier, soldat, archer et mage. Pis, lors du passage en classe avancée, aucune alternative n’est proposée. Ainsi, un mercenaire devient un épéiste puis une terreur ; il ne peut choisir entre deux options, comme c’était le cas dans les derniers opus.

Au final, les personnages se ressemblent tous beaucoup. C’est atténué par le fait que le jeu propose deux armées distinctes. Chacun a son archer, son soldat, etc. Il existe peu de différences entre les versions des deux armées, mais chaque armée a peu de profils similaires entre eux. Néanmoins, cette limitation est dommage, car il s’agissait d’un des points forts de la série.

J’ai pas d’amis non plus

Néanmoins, la caractéristique fondamentale de la licence est encore plus malmenée. Les relations entre les personnages existent, mais elles sont anecdotiques pour plusieurs raisons. Premièrement, leur effet sur le champ de bataille est très limité : il n’est pas possible de former des duos ni d’intervenir dans le combat d’un allié, ce qui réduit les affinités au fait d’offrir de très légers bonus. Deuxièmement, les discussions de soutien ne peuvent se faire qu’au sein d’un combat, contraignant souvent à un déplacement inutile pour les accomplir et déconcentrant le joueur de l’action. Elles auraient difficilement pu être plus mal intégrées. Néanmoins, le pire est ailleurs : les interactions sont très encadrées.

L’intérêt des Fire Emblem était de pouvoir faire interagir n’importe qui avec n’importe qui d’autre. Awakening avait poussé le concept jusqu’au bout avec la production d’enfants reprenant les caractéristiques de leurs parents, mais le concept était déjà très fort précédemment. L’intérêt de cette liberté, c’est que cela permet au joueur de créer sa propre histoire, d’imaginer ses propres relations. Dans Echoes, rien de tout cela : chaque personnage ne peut discuter qu’avec un nombre réduit d’autres protagonistes. Si on excepte les deux personnages principaux, les interactions ne concernent en général qu’un ou deux autres membres de l’équipe…

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Cela permet certainement d’économiser beaucoup de temps d’écriture et de traduction, mais cette composante fondamentale de la licence Fire Emblem est ici presque entièrement absente, ce qui est assez incompréhensible. Nintendo tenait-il à hâter le développement, pour que le jeu sorte avant la mort programmée de la 3DS ? Possible, mais en ce cas il aurait peut-être mieux valu attendre et offrir une version plus complète sur Switch.

C’est un peu court jeune homme

Ce développement hâtif se ressent également sur la durée de vie. Si Awakening mobilisait 50 heures pour offrir sa conclusion, Echoes est beaucoup plus court. En effectuant toutes les quêtes annexes et en m’autorisant une longue session de farm pour augmenter le niveau de certains personnages, j’ai atteint la fin du jeu en 33 heures. En se dépêchant beaucoup, il est certainement possible de le faire en 25 heures seulement.

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Néanmoins, plus que la durée elle-même, c’est l’impression laissée qui est désagréable. Comme tout joueur habitué à la licence, j’attends d’atteindre le niveau max d’un personnage pour le monter vers sa classe avancée. Néanmoins, dans les opus précédents il était courant d’atteindre le niveau maximum de la dernière classe des personnages les plus utilisés. Dans Echoes, c’est tout le contraire : en procédant ainsi, aucun personnage n’est bloqué par son niveau et rares sont ceux qui atteignent leur classe avancée. En effet, Echoes offre une progression verticale assez marquée. Ainsi, un villageois peut incarner l’une des sept classes évoquées ci-dessus. S’il devient soldat, par exemple, il pourra ensuite devenir général, puis baron… mais je n’ai jamais atteint ce stade. Durant l’aventure, en incluant une session de farm que j’évoquais précédemment, mes personnages n’ont connu qu’un seul changement de classe ; aucun n’a connu plusieurs évolutions successives, alors qu’il en existe plusieurs.

Cela donne l’impression de ne pas avoir réellement terminé le jeu. Le scénario est bien bouclé et cela n’empêche pas de combattre le boss de fin sans trop de difficultés (bien que ce soit plus délicat que dans Fire Emblem Fates, à difficulté équivalente), mais il demeure une impression tenace de progression incomplète. Heureusement, il existe des DLC, inclus dans un season pass vendu 50€ et disponibles en même temps que le jeu… Attends, quoi ? C’est une blague ?

Merci Fates

Cela fait beaucoup de critiques. Je continue à penser que chacune d’elle est légitime : Fire Emblem Echoes possède de nombreuses lacunes concernant des aspects fondamentaux de la série. Le jeu semble avoir été partiellement bâclé et les nombreux DLC vendus day one peuvent constituer la goutte d’eau faisant déborder un vase déjà bien plein. Toutefois, contrairement à l’impression que peut donner ce test, j’ai beaucoup apprécié jouer à ce jeu.

En effet, ce qu’une analyse quantitative ne peut pas montrer, c’est que quelques qualités suffisent parfois à éclipser de nombreux défauts. Fire Emblem Echoes : Shadows of Valentia récompense l’exploration et intègre parfaitement cette composante. De plus, le titre dispose d’une qualité indéniable : il suit Fire Emblem Fates. Je reprochais à ce dernier de reprendre tel quel les codes d’Awakening, donnant une terrible impression de redondance. Echoes n’innove pas forcément, mais il se distingue nettement de ses prédécesseurs immédiats, ce qui donne à la franchise un vent de fraîcheur dont elle avait grandement besoin.

Aussi, il est nécessaire de bien comprendre la proposition de Fire Emblem Echoes : Shadows of Valentia pour pouvoir apprécier le titre à sa juste valeur. Si vous aimez l’exploration, le titre est fait pour vous. Si vous aimez la licence, mais recherchez un peu de différence : idem. En revanche, si vous appréciez particulièrement les combats et la personnalisation garantie par la série, il vaut peut-être mieux passer votre chemin.

Test réalisé par Alandring à partir d’une version fournie par l’éditeur.

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