Activision Blizzard fait ses comptes et mise sur « l'engagement » des joueurs

Activision Blizzard publie ses comptes du premier trimestre et enregistre un chiffre d'affaires en hausse mais un résultat net en repli. Le groupe entend surtout miser sur « l'engagement » des joueurs pour monétiser une audience de 544 millions de joueurs actifs chaque mois.

Bobby Kotick
Black OPS III.

Comme chaque trimestre, Activision Blizzard publie ses comptes trimestriels et si le géant américain voit son chiffre d'affaires augmenter, ses résultats nets diminuent -- ce qui n'empêche pas le groupe d'offrir un bénéfice par action en forte hausse à ses actionnaires pour faire grimper son cours de bourse.

Chiffre d'affaires en hausse, résultat net en baisse

En termes chiffrés, on retient ainsi qu'Activision Blizzard revendique un chiffre d'affaires de 1,45 milliards de dollars engrangés au cours du premier trimestre 2016 (contre seulement 1,28 milliard de dollars pour la même période en 2015, soit une progression de 14%), largement porté par les ventes numériques du groupe -- en 2016, Activision Blizzard réalise ainsi un chiffre d'affaire de 645 millions de dollars grâce à la vente de boîtes de jeu (en repli par rapport aux 784 millions réalisés l'année précédente), mais largement compensé par les 810 millions de ventes numériques (les abonnements, micro-transactions et autres DLC) en forte progression, +59% sur un an, au regard des 494 millions enregistré au premier trimestre 2015.
Pour autant, ce chiffre d'affaires a un coût (de développement, de marketing, de licences, etc.) en hausse et le groupe voit donc son résultat net diminuer, passant de 394 millions au cours du premier trimestre 2015 à 336 millions en 2016 (-14,7%).
Par ailleurs, depuis quelques jours, les analystes financiers s'interrogeaient sur la solidité du groupe et la valeur de son cours de bourse (qui serait financé par la dette et non par les activités réelles de la société). Comme pour les faire mentir, Activision Blizzard annonce un bénéfice par action qui ressort à 23 cents, là où les analystes n'envisageaient que 12 cents par action. Une annonce saluée par les marchés et le cours du groupe prenait 6% la nuit dernière.

Monétiser l'audience

Quest At The Gate
Le Grand Tournoi

Au-delà des chiffres, la publication des comptes trimestriels du groupe est aussi l'occasion de mieux appréhender la stratégie du studio. En l'occurrence, le président Bobby Kotick entend miser sur « l'engagement » des joueurs. Plus concrètement, depuis le rachat de King Entertainment, le groupe revendique plus d'un demi-milliard de joueurs actifs chaque mois sur ses plateformes (463 millions chez King, 55 millions chez Activion et 26 millions chez Blizzard), que le groupe entend manifestement monétiser grâce à l'eSport et aux retransmissions de compétitions (l'audience d'Activision rivalise aujourd'hui avec celle de Netflix) et à la publicité dans les jeux (que le groupe envisage comme une « nouvelle opportunité pour le long terme »).
Car si l'on regarde aujourd'hui du jeu vidéo sur Twitch comme on regarde des séries diffusées en ligne, le jeu vidéo implique un investissement émotionnel bien plus fort, et tend de plus en plus à une forme d'universalité, touchant une audience répartie dans 196 pays pour Activision et des populations de toutes générations -- et Bobby Kotick de mentionner ce père de famille, militaire déployé en Afghanistan qui peut jouer en ligne avec son fils resté aux Etats-Unis ; ce grand-père qui joue à World of Warcraft depuis dix ans avec son fils et maintenant son petit-fils ; ou ces étudiants qui ont participé l'édition 2016 de l'Heroes of the Dorm, ce tournoi étudiant d'Heroes of the Storm, dont le premier prix est une bourse de 500 000 dollars visant à financer les études supérieures de vainqueurs.
Activision Blizzard produit donc des jeux compétitifs (et a manifestement de gros projets concernant Overwatch), est capable de fédérer une « audience » de taille autour de ces jeux (30 millions de joueurs inscrits pour Destiny, 50 millions pour HearthStone, etc.), organise des tournois de sport électronique (10 millions de dollars de dotations ont été distribués cette année), investit dans les technologies de retransmission de compétitions et la production de contenu de divertissement pour valoriser ses licences (le film Warcraft, puis des films, séries et projets d'animation autour de ses autres licences), en attendant de monétiser cette audience.

Toujours selon Bobby Kotick (qui cite son ami Robert Kraft, propriétaire des New England Patriots, cette équipe de football américain de Boston acquise pour 180 millions de dollars au début des années 1990), il y a un quart de siècle, les meilleurs investissements consistaient à acheter une équipe sportive.
Aujourd'hui, le CEO entend manifestement reproduire ce même modèle, mais dans le cadre de l'industrie vidéo ludique où il conçoit les jeux (qui se vendent et s'exploitent dans la durée grâce à des contenus numériques dont les ventes sont en forte croissance) servant de support à des compétitions qu'il organise, tout en en gérant les retransmissions, en attendant de les monétiser via la publicité. Un modèle cohérent et qu'on imagine porteur -- Bobby Kotick considère que d'ici 15 à 20 ans, les investisseurs d'aujourd'hui pourraient nourrir les mêmes sentiments que Robert Kraft. Sans attendre, les actionnaires semblent déjà souscrire à cette analyse, reste juste aux joueurs à arbitrer ces évolutions.

Réactions (99)

Afficher sur le forum