La vente d'objets virtuels dans les MMOG/MMORPG #4

:: Le besoin crée l'envie et l'envie, le besoin


Rédigé par Uther, en décembre 2004

 

Ces systèmes économiques virtuels ne reposent donc que sur des besoins purement artificiels, s'adressant prioritairement à la personne physique utilisant le programme par l'intermédiaire de son avatar. Tout semble mis en œuvre pour susciter le besoin chez l'utilisateur, on s'adresse à son désir de paraître en lui vendant vêtements d'apparat et demeures luxueuses[7] ou son désir de puissance en commercialisant des objets permettant de se distinguer de la masse des autres joueurs, parfois pour des sommes virtuelles élevées. Et cette notion répond à la première observation : la rareté crée l'envie.
La combinaison de ce double constat entretien un cercle (vertueux ?) de consommation sur lequel repose toute forme d'économie dans les univers virtuels.

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Il convient ici de noter que le système économique d'un monde artificiel est encore décuplé quand on distingue les différents profils des résidants d'univers virtuels persistants. On identifie traditionnellement, deux catégories d'intervenants. Les uns (considérés comme des utilisateurs acharnés) y consacrent de très longues périodes (parfois plusieurs heures par jour, nous y reviendrons en seconde partie) et s'investissent durablement au sein des communautés virtuelles qui en émergent. Les autres se révèlent plus "dilettantes" et ne fréquentent ces univers qu'occasionnellement.
Les premiers ont l'opportunité de découvrir en détail le monde dans lequel ils évoluent, en apprendre les moindres secrets et accèdent donc plus aisément aux objets rares et convoités. Les seconds seront condamnés à la superficialité et devront se contenter d'objets nécessitant de recherches moins poussées (n'imposant pas l'exploration de zones virtuelles réservées aux avatars les plus aguerris, composés de matières premières virtuelles plus courantes, ne requérant pas l'intervention d'artisans virtuels aux compétences développées ou simplement ayant un coût de fabrication plus élevé), et donc plus commun dans le monde artificiel.

Mais peu importe le profil des utilisateurs, tous souhaitent profiter de la même manière des ressources que peut offrir leur "monde" d'adoption. Or, le coût marginal de production d'un objet donné pour un joueur acharné sera bien moindre que le coût de réalisation du même objet par un joueur occasionnel, qui devra mobiliser des ressources bien plus importantes au regard de ses capacités pour atteindre un résultat similaire.
Ceux n'ayant que peu de temps à consacrer au jeu pourront alors être tentés d'acheter cette rareté, synonyme de possibilités nouvelles (dans le monde virtuel, le meilleur équipement permettra l'exploration de régions normalement plus inaccessibles) au lieu de l'acquérir par ses propres moyens. Cet achat pourra prendre la forme d'un paiement en monnaie virtuelle dans le cadre du système d'échanges du programme, mais aussi hors du programme, contre une somme d'argent bien réel. On touche ici tout l'enjeu de la présente étude, nous y reviendrons.

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Malgré la "futilité" de ces acquisitions d'objets virtuels, elles restent au cœur des systèmes économiques de ces mondes imaginaires et permettent de mieux comprendre l'intérêt porté à la notion de propriété dans les univers virtuels persistants.

 

1-2. Propriété d'objets et habitations virtuels dans les univers artificiels

Le droit réel de propriété individuelle portant sur des biens meubles ou immeubles se définit traditionnellement dans le code civil français par les termes latin d'usus, de fructus et d'abusus, c'est-à-dire la capacité respectivement d'user de la chose, d'en recueillir les fruits et d'en disposer librement (c'est-à-dire, la modifier, la céder, voire même détruire la chose). Ainsi, "le droit de propriété fait de son titulaire, le maître de la chose sur laquelle il porte"[8].

Dans le cadre des univers virtuels persistants, tout comme dans la réalité, la notion de possession peut prendre des formes diverses. Un avatar peut tout d'abord simplement posséder des objets (c'est-à-dire, par analogie, l'équivalent de nos biens meubles, projeté dans un contexte virtuel, ayant une valeur numérique, mais aussi réelle, nous y reviendrons). Les mondes imaginaires du cyberespace se composent également de parcelles de terrains virtuels portant ce que l'on pourrait nommer des "immeubles numériques", eux aussi susceptibles d'appropriation dans le "jeu".

 

page 5 : Acquisition de terrains et bâtiments virtuels >>

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  1. Le degré de personnalisation des bâtiments est particulièrement élevé dans le programme Ultima Online (voir, par exemple http://uo.stratics.com/homes/index.shtml).
  2. Voir notamment Zenati, "La nature juridique de la propriété" (1981).