Historique des MMOG #4 - L'ancêtre des MMOG : le MUD

Rédigé par Caepolla et Uther, illustré par Favos
le 27 avril 2004

 

2. L'ancêtre des MMOG : le MUD

     2.1. Les jeux multijoueurs, en ligne

Parallèlement au développement du jeu de rôle et de son système de règles basé sur la coopération et la complémentarité des intervenants, on assiste à l'émergence des premiers réseaux informatiques notamment dans les universités américaines. La conjugaison de ces deux phénomènes engendrera les premiers univers virtuels persistants.

illustrationLa première forme d'univers virtuels persistants est le MUD (Multi-User Dungeon) qui apparaît en 1979 à l'Université.
Le jeu n'est au départ qu'une interface texte qui permet à plusieurs utilisateurs de se déplacer dans quelques pièces virtuelles. Le principe est des plus rudimentaires : plusieurs personnes peuvent se connecter en même temps, dialoguer entre elles au moyen d'un système de dialogues très simple, se déplacer dans quelques pièces différentes et interagir entre elles. Le programme compte une base de données d'objets utilisables au moyen de 10 commandes, le tout entièrement géré par un "mode texte".

L'un des premiers MUD, Adventure, développé par Richard Bartle[10] et Roy Trubshaw, est un univers inspiré de "Dungeons and Dragons". L'univers se compose initialement de seulement 20 pièces à visiter. Le programme ne dispose d'aucune interface graphique, l'ensemble est suggéré par des descriptions écrites, rédigées en direct par les utilisateurs connectés. Un MUD étant exclusivement textuel, chaque participant peut "créer" du contenu (des décors, des objets réels ou imaginaires, etc.) pour la collectivité.
En outre, pour la première fois, l'univers virtuels est dit persistant. L'univers "existe" et est accessible en permanence, peu importe que les participants s'y connectent ou non. L'originalité vient également du fait que les participants ne sont plus soumis à un scénario linéaire ayant un début et une fin : l'univers existe et est accessible en permanence, liberté est laissée aux participants d'y créer une forme de "vie" par leur interactivité. Les joueurs ne sont pas des héros aux milieux de gens ordinaires mais interagissent avec les personnages d'autres joueurs qui (au moins au départ) sont leur égal. Certes, il n'y a pas grand-chose à faire, et MUD tient plus de Loft Story que des Terres du Milieu. Peu importe : aussi limité soit-il, le jeu ne propose plus une histoire comme dans les jeux de rôle classiques mais un monde permanent où évoluer. Cet univers donne tout son sens à la notion de "cyberespace", c'est-à-dire la version numérique autonome d'un "espace de vie".
Dans le MUD Adventure, les intervenants ne se contentent pas d'interagir avec une machine préprogrammée, ils construisent eux-mêmes leur univers virtuel, leurs objets, leur environnement, qu'ils partagent avec les autres participants.

illustrationLe succès est immédiat. Lorsque l'Université d'Essex se trouve reliée à Arpanet en 1980, il faudra limiter le temps d'accès car le serveur n'arrive plus à gérer la demande. Le succès est tel, que le nom du jeu devient un genre à part entière : de nombreux clones vont fleurir sur les réseaux des universités, qui seront considérés comme des MUD.

Parmi les dignes successeurs de Adventure, on pourra citer le MUD LambdaMOO[11] (ou le MOO signifie Multi-User Domain, Object Oriented), sans doute le MUD le plus célèbre. Lancé au début des années 1990 par Pavel Curtis, LambdaMOO se compose d'un manoir et de ses dépendances comptant aujourd'hui des dizaines de milliers de pièces et autant d'objets aussi divers qu'invraisemblables créées par les utilisateurs. Dans un MOO, chaque entité du monde est en effet désignée par un ou plusieurs noms que l'on peut manipuler par les verbes qui leur sont propres, et qui déclenchent des comportements "allant du plus trivial au plus complexe", limitée uniquement par l'imagination des intervenants (et la capacité de stockage du serveur).

 

______________

10 Etudiant en informatique en 1979 lors de la création de Adventure, le premier MUD, Richard Bartle est aujourd'hui reconnu comme l'un des spécialistes de la cyberculture. Il a notamment participé à de nombreuses études sociologiques consacrées aux communautés virtuelles et système de classification des internautes ou psychologiques sur la "cyber-dépendance". Il est également auteur d'un ouvrage faisant autorité en la matière ("Designing Virtual Worlds", éd. Paperback).

11 Voir notamment http://www.moo.mud.org/
On pourra tester LambdaMOO en se munissant d'un client Telnet que l'on connectera à lambda.moo.mud.org:8888.