La notion d'avatar

Personnalité de l'avatar : du roleplay au psychodrame

Article rédigé par Uther (août 2005)

 

Les choix de la race, de la morphologie, des traits du visage ou de la couleur des cheveux du personnage incarné par le joueur détermineront en grande partie l'apparence physique de l'avatar. Mais généralement, le joueur devra également choisir le sexe de son personnage (homme ou femme, mâle ou femelle), influençant évidemment l'apparence physique de l'avatar mais aussi parfois sa psychologie. Aujourd'hui, rares sont les MMO faisant une réelle différence entre les aptitudes des avatars féminins et masculins. Dans le but de ne choquer ni les joueurs, ni les joueuses, le choix du sexe du personnage est dans la plupart des cas, purement "cosmétique" et sans incidence sur les capacités réelles du personnage. Le choix du sexe est principalement esthétique, mais on note cependant quelques exceptions.
Ainsi, les races évoluant dans certains mondes virtuels sont parfois asexuées (les dragons ou les Ssliks reptiliens du MMORPG Horizons, les Galka de Final Fantasy XI ou les Dopplegangers et Gargouilles de Trial of Ascension), ni distinguant pas les mâles des femelles. Dans d'autres mondes, certaines races sont exclusivement mâles (les "Atrox" d'Anarchy Online ou les Nains du jeu ShadowBane) ou à l'opposé, exclusivement femelle (le peuple "Fée" de Dark and Light).
Dans d'autres mondes virtuels, le sexe du personnage permet de choisir une voie particulière. Par exemple dans le jeu Ragnarok, les personnages féminins peuvent se consacrer à la danse (via une classe de "danseuse") alors que les personnages masculins sont des bardes musiciens (mais "danseuses" et "bardes" ont des capacités similaires, seule la dénomination change). Suivant la même logique, dans Final Fantasy XI, seuls les joueurs contrôlant un personnage de sexe féminin peuvent choisir d'incarner une "Mithra" (membre d'une peuplade de guerrières félines). De même, seules les femelles Naines, Humaines et Frostalfs de Dark Age of Camelot peuvent rejoindre les rangs des "Valkyries" du Royaume de Midgard, et seules les femelles Celtes, Elfes et Lurikeens peuvent devenir une "Bainshee" dans le royaume d'Hibernia.
Au-delà de ces (petites) discriminations, un avatar "mâle" aura toujours exactement les mêmes capacités qu'un avatar "femelle" à niveau équivalent. Par principe, un avatar mâle n'est ni plus fort, ni plus intelligent qu'un avatar femelle. Le choix du sexe du personnage n'est souvent qu'un élément de personnalisation supplémentaire, purement esthétique permettant de joueur de choisir l'apparence de son choix.

Mais parallèlement à ce constat, on remarquera que la proportion d'avatars féminins varie selon les jeux. Traditionnellement et indépendamment du sexe du joueur contrôlant le personnage, on compte entre 20% et 40% d'avatars féminins dans les principaux MMORPG (de 20% dans EverQuest à environ 40% pour Anarchy Online). Le jeu Final Fantasy XI fait figure d'exception avec ses 45,41% d'avatars féminins sans que l'on sache si ces avatars féminins sont contrôlés par des joueurs masculins ou féminins.
Certains joueurs assument en effet pleinement une personnalité du sexe opposé. Un joueur masculin pourra incarner un avatar féminin et lui conférer une personnalité féminine ou inversement. Aux yeux des autres participants, l'identité du joueur s'efface au profit de celle de l'avatar. Le personnage devient une identité à part entière et est doté d'une personnalité propre. C'est ce qu'on intègre dans le Roleplay.

 

La personnalité morale de l'avatar
:: du roleplay au psychodrame

Au-delà d'une simple apparence physique, l'avatar peut être investi d'une personnalité morale distincte de celle du joueur. Le joueur s'applique en effet à "jouer un rôle" (littéralement, le Roleplay), généralement considéré comme la base du jeu de rôle à l'origine de la plupart des mondes virtuels.
Le Roleplay consiste pour le joueur à agir, par l'intermédiaire de son avatar, tel que son personnage devrait agir. Le Roleplay représente la vie assumée dans le monde virtuel. Le joueur incarnant un fier paladin en armure étincelante mettra un point d'honneur à défendre la veuve et l'orphelin (virtuels), alors que celui qui contrôle un sorcier maléfique n'aura aucun scrupule à faire souffrir son entourage. En choisissant une carrière de voleur et en agissant comme tel, le joueur "joue" déjà le rôle qu'il s'est assigné et qu'il a décidé d'endosser. Le simple fait de choisir et exercer un métier ou une activité dans le monde imaginaire participe à enrichir la personnification de l'avatar qu'est le Roleplay. C'est par exemple, au nom du Roleplay que des avatars pourront s'unir lors d'un mariage virtuel (la cérémonie célèbre l'union de deux personnages virtuels alors même que les joueurs contrôlant les avatars peuvent ne s'être jamais rencontrés ailleurs que dans le monde virtuel). C'est encore au nom du Roleplay que des joueurs décident se regroupent en "famille" (comptant parents et enfants) afin d'assumer tous leur place dans une hiérarchie familiale virtuelle, parallèle à la réalité (certains joueurs se créent ainsi une seconde famille numérique).
Parmi les intervenants attachant une importance particulière au Roleplay, certains inventent aussi un passé et une histoire à leur personnage expliquant leur comportement présent, d'autres s'astreignent à s'exprimer dans un langage adapté au personnage et au monde dans lequel il évolue (vocabulaire grossier ou châtier, adapté à une époque médiévale ou futuriste). Le Roleplay se base en effet le plus souvent sur la culture et les coutumes qui régissent le monde virtuel du joueur. Dans "Lord of the Ring Online", le MMOG inspiré de la célèbre saga de JRR Tolkien, celui qui incarne un Nain prendra plaisir à passer ses soirées dans une auberge (virtuelle) à ingurgiter des litres de bières et d'hydromel. Ceux assumant les traits d'un frêles hobbit se montreront jovials et farceurs avec leur compagnons d'arme (les autres joueurs), ne rechignant jamais à faire des blagues et plaisanteries. A l'inverse, le joueur évoluant dans le monde de la Guerre des Etoiles (dans le monde du jeu Star Wars Galaxies) pourra consacrer des heures à l'amélioration de son vaisseau spatial ou faire respecter les lois de l'Empire Galactique ou soutenir les actes de l'Alliance Rebelle.
Pour aller plus loin, en choisissant d'acheter puis de s'abonner à un jeu plutôt qu'à un autre, le joueur sélectionne déjà le monde et la culture numérique dans lesquels il va évoluer et chercher à s'insérer afin de déterminer les bases du comportement de son personnage.

Le Roleplay est donc assimilé à un jeu d'acteur du joueur qui donne vie à un personnage endossant un costume (l'apparence physique de l'avatar) et une personnalité, voire une psychologie.
Le développement technologique permet aujourd'hui de projeter fidèlement un individu dans le cyberespace, où il pourra y retranscrire des sentiments, voire même des émotions. Dès la fin des années 70, les MUD inauguraient les premières formes de communication de sentiments en ligne à l'aide des smilies (ou émiticons). Ces pictogrammes purement textuels (encore utilisés quotidiennement lors de conversations en ligne) permettent de symboliser l'état d'esprit et les sentiments des intervenants (depuis la joie jusqu'à la tristesse en passant par l'ironie ou la honte). Plus largement, aujourd'hui, la "réalité virtuelle" permet la modélisation et la retransmission de véritables émotions dans un monde virtuel. Certaines technologies lisent les traits du visage de l'utilisateur à l'aide d'une Webcam, afin de les reproduire instantanément à l'écran sur le visage de l'avatar qu'il contrôle, modélisant ses sourires ou ses craintes. Pour aller plus loin, le projet I-SKIN, par exemple, vise à permettre la représentation fidèle d'un individu dans un espace virtuel, par l'intermédiaire d'un "cristal de personnalité[5]", transposant en direct les émotions de la personne physique via son avatar. D'après le créateur, ce cristal de personnalité est un système de représentation de la personnalité humaine basé sur l'étude des caractères psychologiques de l'individu lui-même et de ses rapports au groupe. Le programme définit le profil psychologique de l'individu et en déduit une représentation graphique et numérique représentant ses émotions et psychologie de l'instant.

Grâce à ces évolutions technologiques, la notion de Roleplay prend tout son sens et donne au joueur les moyens d'incarner le véritable rôle de son choix.
On considère ainsi également le Roleplay comme du théâtre d'improvisation, à la seule différence que le joueur ne joue pas pour un public mais pour lui-même et ses compagnons de jeu, susceptibles eux aussi de devenir acteurs à tout moment. Le Roleplay n'est pas un spectacle, mais un jeu. Et ce jeu renvoie narcissiquement le joueur à lui-même et, dans une certaine mesure, à son Idéal. Dans le cadre d'un spectacle ou d'une représentation donnée en public, l'acteur endosse un rôle souvent inventé par un autre et offre sa prestation à un public passif (observateur, respectueux et souvent silencieux pendant la représentation). Le comédien travaille sur un processus d'extériorisation à destination du public qui ne se manifeste qu'à la fin de la prestation de l'acteur que ce soit pour applaudir ou huer.
Dans le cadre du jeu, le processus est inverse : le joueur intériorise sa prestation. Il est le créateur de son personnage / rôle, est son propre metteur en scène, n'est (presque) pas limité par son espace scénique (il dispose d'un monde complet où s'exprimer, limité uniquement par le respect relatif d'une histoire ou d'une culture dont il peut s'affranchir) et joue surtout pour lui-même et les autres acteurs. L'avatar est le reflet du joueur, qui le modèle à son image... ou à l'image qui veut renvoyer.

4. Psychodrame et personnalité virtuelle >>

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  1. Le Cristal de Personnalité