Un peu de droit : régime juridique

Sous réserve de la qualification juridique de l'objet « jeu vidéo » qui fait débat depuis plus de 20 ans, on considérera qu'un objet virtuel de MMOG est une « chose immatérielle » et qu'à ce titre, il sera soumis au régime de la propriété intellectuelle.

Pour aller plus loin sur la qualification juridique du jeu vidéo : La loi du 3 juillet 1985 portant réforme du droit d'auteur fait du logiciel une « oeuvre de l'esprit » au sens du code de la propriété intellectuelle. Cette évolution législative permet notamment de protéger le contenu d'un logiciel (ou d'un jeu vidéo) grâce aux principes gouvernant le droit d'auteur.
Fort de cette évolution, un an plus tard en 1986, la Cour de cassation censure deux arrêts de Cour d'Appel de Paris dans le cadre des affaires « Atari » et « Williams Electronics », qui niaient la qualité d'oeuvre originale respectivement aux jeux vidéo « Centipède » et « Defender ». Même si la Cour de cassation ne se prononce pas sur le contenu des jeux eux-mêmes et leur originalité (d'autant que des arrêts postérieurs hésitent toujours quant à la qualification du jeu vidéo), ces décisions posent quelques pistes de réflexion et intègre le jeu vidéo dans la grande famille des créations artistiques protégées par le code de la propriété intellectuelle.

Dès lors, tout comme un extrait musical, un film ou une oeuvre littéraire, un logiciel est protégé par le droit d'auteur tel que défini à l'article L.111-1 du code de propriété intellectuelle (« l'auteur d'une oeuvre de l'esprit [un jeu vidéo, par exemple] jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous »).

Toute reproduction ou exploitation intégrale ou partielle du logiciel devra donc être préalablement autorisée par l'auteur (le créateur) du programme. A défaut d'autorisation, l'auteur pourra engager des poursuites pour contrefaçon sur les bases des articles L.335-2 et L.335-3 du code de propriété intellectuelle que la jurisprudence interprète de « façon large » pour y inclure toute « atteinte portée aux droits de l'auteur » notamment depuis l'arrêt du 6 juin 1991 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Dès lors, une atteinte au droit moral ou patrimonial de l'auteur quant à son oeuvre (qu'on supposera originale) est susceptible de poursuites civiles ou pénales.

Et appliqué aux MMORPG ?

Au-delà de la théorie juridique, qu'en déduire dans le cadre de la commercialisation d'objets virtuels issus de MMORPG ? D'abord que la loi reconnaît le créateur (le développeur ou éventuellement l'éditeur du jeu) comme étant juridiquement le titulaire des droits portant sur le MMO et qu'à ce titre, il est seul autorisé par la loi à en commercialiser le contenu. Le joueur qui entendrait « acheter » ou « vendre » un objet virtuel sans l'accord de l'éditeur chercherait alors à exploiter une chose sur laquelle il n'a aucun droit. Par analogie avec un bien matériel, la commercialisation d'objets virtuels équivaudrait à vendre un objet en sans en être propriétaire et à l'insu du propriétaire légitime. Sans être juriste, on appréhende aisément que vendre la chose d'autrui est illégal et qu'un trouble est causé au propriétaire (qui pourrait demander réparation pénalement). En matière d'objets virtuels (et de propriété intellectuelle), s'approprier les prérogatives de l'auteur est illicite.

Et inversement, le joueur qui « achète » un objet (indûment) n'acquière aucun droit sur l'objet en question. Pour rependre à notre compte l'exemple pris par le professeur Michel Vivant (en charge notamment de la spécialité "Propriété Intellectuelle" du master Droit économique de l'IEP Paris), dans une partie de Monopoli (un jeu, au même titre que la plupart des MMO), acheter la rue de la paix même avec des billets véritables ne confère aucun droit au joueur sur la célèbre rue parisienne... tout au plus l'acquéreur peut-il y imposer un droit de passage aux autres joueurs et uniquement dans le cadre du jeu lui-même. Et son « droit » très éphémère s'éteindra avec la fin de la partie.

Il en va de même dans un MMORPG. Une épée virtuelle, si puissante soit-elle dans le monde virtuel et peu importe la convoitise qu'elle suscite auprès des autres joueurs (même prêts à débourser des sommes d'argent réel), l'épée n'aura jamais les qualités juridiques d'une épée réelle. Le fait qu'un joueur possède et utilise cette dans le jeu (sans en être propriétaire au sens juridique du terme) ne lui confère aucun droit sur l'objet virtuel. Et s'arroger un droit sur l'objet en cherchant à le commercialiser est illicite. Dans la plupart des MMORPG, acheter ou vendre un objet contre de l'argent réel apparaît donc par principe illicite.

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