Des Chevaliers des Arts et des Lettres parlent du jeu en ligne

Ce mardi 13 mars 2007, le ministre de la culture français Renaud Donnedieu de Vabres a décerné la distinction de chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres à trois figures importantes de l'industrie du jeu vidéo.

Nous avons eu la chance d'être présents à cet évènement d'envergure et en avons profité pour recueillir quelques pensées de ces trois héros à propos du jeu en ligne.


Renaud Donnedieu de Vabres
Après son discours d'introduction lors duquel le ministre de la culture a salué l'essor de l'industrie du jeu vidéo, il nous a présenté ces trois pionniers qui selon lui ont grandement contribué à faire progresser le jeu vidéo au point ou il en est maintenant (avec plus de 15 millions de joueurs en France, le jeu vidéo est devenu la principale activité culturelle de la jeunesse) :

  • Eric Viennot, auteur du novateur In Memoriam, un jeu d'aventures ou les joueurs sont amenés à résoudre des énigmes trouvées sur des sites Internet.
  • Antoine Villette, président de DarkWorks, développeurs de Alone in the Dark : The New Nightmare et Cold Fear.
  • Peter Molyneux, derrière de nombreux jeux populaires tels que Populous et Theme Park lors des premiers ages du jeu vidéo et plus récemment de Black & White et Fable.

Lors du petit cocktail qui suivit l'adoubement de ces trois chevaliers, nous avons pu leur poser quelques question à propos de leur vision de l'industrie du jeu vidéo et plus précisement de leur opinion sur le jeu massivement en ligne.

Pierre-Loup Griffais : Qu'est-ce que vous pensez des jeux massivement en ligne ? Pensez-vous que ce soient des jeux créatifs au même titre que ceux que vous developpez ?

Antoine Villette : Il n'y a pas de compétition dans la création. Je pense que ces jeux sont ni plus, ni moins créatifs que les jeux vidéo sur console ou PC. La différence se situe surtout dans la mise en oeuvre et l'accès au marché. On pourrait presque dire que le jeu vidéo en ligne est plus "jeu vidéo" que les autres, dans le sens ou c'est au jeu classique ce que le sport profesionnel est au sport amateur : la pointe de l'innovation et des problématiques de jeu. La vraie creativité d'un jeu vidéo se trouve dans son gameplay. Le scenario, l'univers visuel, l'ambiance nécessitent beaucoup de création, mais dans le seul but d'être cohérents avec un gameplay. Toute la problématique d'une équipe de jeu vidéo est d'arriver à cette cohérence.

Pierre-Loup Griffais : Êtes-vous interessés par l'univers du MMO ? Avez-vous des projets de jeu en ligne ?

Antoine Villette : Pas forcément MMO, mais des projets online oui : on s'intéresse à ce qui est possible de faire dans le domaine. Si on y va, ça sera assez modestement pour bien repérer les premiers contacts à avoir, mais on peut être à peu près sûr que sur la génération PS4 (si on l'appelle comme ça) nous serons beaucoup plus online que ce que l'on est déjà.

Pierre-Loup Griffais : Merci et félicitations !

Pierre-Loup Griffais : In Memoriam était un jeu tourné vers Internet. Est-ce que ce modèle de jeu est appliquable au massivement multijoueurs ?

Eric Viennot : Oui, je pense que c'est possible. Le problème que ça pose est que mon jeu est très écrit, il  y a un début, des moments forts dans le scénario et une fin. Par contre entre ces moments imposés par l'auteur, c'est effectivement tout à fait possible : j'ai d'ailleurs vu des joueurs l'accomplir indépendemment de ce que j'avais fait, c'est à dire intervenir dans la création d'une certaine façon en participant sur des forums, répondre à d'autres joueurs pour les amener sur certains sites qui n'étaient même pas reférencés dans le jeu. On pourrait même imaginer qu'ils créent eux mêmes leurs sites, certains ont déjà commencé à le faire, ça pourrait en effet s'étendre sur une dimension plus importante. Je pense que ça peut arriver, et que ce sera sans doute dans les années à venir.

Pierre-Loup Griffais : Avez-vous des projets de ce type-là ?

Eric Viennot : Pour l'instant mes projets ne sont pas trop portés en ligne, car pendant cinq ans sur In Memoriam j'ai travaillé avec tout ce qui était online. Je suis plus sur des projets console avec toujours les mêmes centres d'interêt qui sont : comment raconter une histoire de manière non-linéaire, comment faire vivre des émotions à un joueur. Cette fois-ci ce sera plutôt sur console et en particulier sur Wii qui est une console qui me plait beaucoup ainsi qu'à beaucoup de créateurs parce qu'elle s'adresse à une nouvelle catégorie de public qui ne sont pas forcéments des gamers. Par exemple quand je faisais des jeux pour enfant les parents jouaient avec eux pour la première fois, quand j'ai fait In Memoriam des gamers me disaient « Génial, je peux jouer avec ma copine ! ». J'ai idée que le jeu vidéo devient beaucoup plus populaire et peut intéresser des gens qui n'ont pas cette culture à la base.

Pierre-Loup Griffais : Merci et félicitations !