Stream violent et pornographique : Twitch engage des poursuites

Fin mai, une poignée d'internautes utilisaient Twitch pour diffuser des contenus violents, pornographiques, racistes et violant des droits d'auteur. Les comptes des auteurs ont été bannis, mais la plateforme engage aussi des poursuites devant les tribunaux californiens.

C’est une évidence, les réseaux sociaux peuvent être le théâtre du meilleur comme du pire – et parfois de façon consciente et concertée. Fin mai dernier, une poignée d’internautes a ainsi pris d’assaut la section Artifact de Twitch (très peu fréquentée du fait du peu d’engouement suscité par le jeu de Valve), pour y spammer ce qu’on qualifie pudiquement de « contenus inappropriés » – en l’occurrence, des extraits de films pornographiques, des vidéos racistes et misogynes, des contenus protégés par le droits d’auteur (des extraits de films et d’émissions télévisées), mais aussi et surtout des enregistrements de la tuerie des mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande, ayant fait 51 morts (l’auteur des faits avait retransmis ses agissements en direct sur Facebook Live).
Evidemment, les contenus ont été rapidement supprimés par les équipes de Twitch (en quelques minutes) et les auteurs suspendus de la plateforme. Mais comme souvent, les spammeurs sont revenus à la charge avec de nouveaux comptes pour alimenter un jeu du chat et de la souris avec les modérateurs de Twitch, manifestement à l’aide de bots créant de nouveaux comptes et spammant à la volée. Une centaine de comptes a été ainsi été suspendu, avant que la plateforme se résolve finalement à bloquer temporairement la possibilité de streamer pour les nouveaux créateurs de contenu et mette ainsi un terme à la série de spam.

1393627275.jpg

Ce type d’agissements est courant et traditionnellement, les plateformes les règlent « en interne » : la publication de contenus inappropriés contrevient aux conditions d’utilisation des plateformes, et au titre de cette violation, les plateformes suspendent alors les utilisateurs contrevenant. Et le plus souvent, les choses en restent là.
Dans le cadre présent, Twitch prend des mesures un peu plus drastiques puisque la plateforme vient de saisir les tribunaux californiens pour engager des poursuites contre les spammeurs. La démarche est bien moins fréquente, dans la mesure où les plateformes disposent de peu de dispositions légales pour fonder des actions en justice – a fortiori aux Etats-Unis où la liberté d’expression est un principe fondamental du droit américain. Pour autant, Twitch base son action à la fois sur des principes de violation contractuelle (les conditions d’utilisation acceptées à l’inscription sont un contrat et selon Twitch, les spammeurs n’en ont pas respecté les dispositions), de violation de propriété intellectuelle (la diffusion de contenus soumis au droit d’auteur), de fraude et d'utilisation illicite de la plateforme.

On ignore si l’action aboutira juridiquement (d’autant que les auteurs n’ont pas été identifiés et Twitch dépose l’équivalent d’une plainte contre X), mais la plateforme réclame néanmoins une interdiction légale pour les auteurs de se connecter sur Twitch, des dommages et intérêt à la hauteur du préjudice subi (qui devra être évalué), et le paiement des frais de justice. On sera sans doute curieux de découvrir d’une part si les tribunaux californiens se jugent compétents pour entendre le litige et considèrent les arguments de Twitch comme fondés (ce qui pourrait encourager les plateformes à recourir plus systématiquement aux tribunaux pour régler les litiges qui émergent sur les réseaux sociaux), et d’autre part, dans l’hypothèse où les auteurs seraient retrouvés, si des condamnations seront prononcées – au pays de la liberté d’expression.

Réactions (84)

Afficher sur le forum