Test de Our World is Ended - Perdu entre virtuel et réalité

Portage de Oretachi no Sekai wa Shimatteiru, un visual novel sorti exclusivement au Japon en novembre 2017 sur PlayStation Vita, Our World is Ended débarque enfin chez nous avec une traduction anglaise sur PlayStation 4, Nintendo Switch et très bientôt sur Steam. Le jeu raconte l'histoire d'un petit studio de développement japonais confronté à un monde dont la limite entre le réel et le virtuel n'existe plus.

Dans le quartier très touristique d'Asakusa à Tokyo, un petit studio de développement nommé Judgement 7 se lance dans les tests d'un jeu en réalité virtuelle. Soudainement, le casque se brouille et le testeur se retrouve emporté dans un monde où les jeux qu'ils ont développés prennent vie.

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World End Heaven

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Our World is Ended nous jette dans une rue commerçante de Asakusa, dans la peau d'un jeune homme en pleine phase de test d'un programme sur un casque VR. Employé à temps partiel d'un studio de développement de jeux vidéo, on lui confie toutes les tâches ingrates, dont celle de tester sous la chaleur étouffante de l'été tokyoïte un programme de réalité augmentée sur un casque VR équipé d'une caméra. L'occasion de présenter la galerie : un héros indécis, une lycéenne qui fait fantasmer le héros et un boss particulièrement pervers. Après quelques errances et un casque qui devient fou, on est de retour au studio de développement pour rencontrer le reste des personnages qui composent l'aventure. Our World is Ended prend son temps et nous raconte tous les petits tracas et traits de personnalité de ses personnages, qui dans l'ensemble sont des clichés sur pattes, mais qui ont tous et toutes un petit truc attachant. Disons le d'emblée : on est dans l'animation japonaise la plus classique, entre la perversité de quelques personnages, des dialogues qui insistent beaucoup sur le corps des jeunes femmes et des sous-entendus souvent parfois à la limite de ce que tolère la morale. Néanmoins, on y reviendra plus tard.

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Visual novel relativement classique et uniquement traduit en anglais, le jeu s'appuie sur quelques choix à effectuer pour influencer légèrement l'histoire. Deux mécanismes s'offrent au joueur : un premier où l'on fait un choix à tête reposée, parmi une liste dont chaque réponse provoque des réactions assez évidentes. Le deuxième mécanisme qui apparaît de temps en temps est un peu plus difficile à appréhender, car il consiste à faire un choix parmi des phrases qui défilent rapidement, allant de la réponse claire à des expressions et onomatopées en tout genre. Une présentation qui rappelle les dialogues de mangas notamment, mais aussi les interactions sur la plateforme de streaming NicoNico au Japon. De quoi dynamiser l'ensemble et installer un certain sentiment d'urgence au joueur, qui se retrouve dans une position assez inconfortable en étant obligé de s'appuyer sur ses émotions et son sang-froid. Sans pour autant révolutionner le genre du visual novel, ces séquences s'avèrent assez intéressantes tant elles peuvent donner un résultat inattendu, car on a pris trop de temps pour répondre. Quant à l'influence de ces choix, si dans l'ensemble l'histoire n'évolue pas énormément, c'est la relation avec les nombreux personnages qui évolue et qui permet de débloquer de nouvelles scènes et de nouvelles fins parmi la quinzaine proposée.

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Plutôt long (entre trente et quarante heures), le jeu manque néanmoins de quelque chose pour accrocher. Avec une introduction interminable et des personnages qui évoluent finalement assez peu, Our World is Ended reste dans un ton très classique sans jamais exploiter pleinement l'absurdité du lien créé entre le monde réel et le virtuel. Les surprises sont assez rares et finalement le seul plaisir réside dans la découverte de nouveaux PNJ au fil de l'aventure, tout droit sortis des vieux jeux du studio fictif et qui prennent vie avec toutes les limitations que leur condition même de PNJ implique : des quêtes qui se déclenchent sous certaines conditions, des bugs qui les font répéter inlassablement la même chose et toutes sortes de blagues de nos héros sur l'idée même d'un monde fait de PNJ à l'histoire pré-programmés. C'est d'ailleurs les moments où Our World is Ended brille le plus, car les créateurs ont su proposer de vrais bons moments en s'appuyant sur l'univers des jeux vidéo, ses codes et ses blagues, pour en rigoler et tourner en dérision leur propre histoire. Toutefois, l'incapacité des auteurs à nous captiver dans leur histoire de monde virtuel et de corporation un peu louche rend l'ensemble assez difficile à suivre. Notamment à cause de beaucoup, beaucoup trop de séquences et de dialogues où l'on se contente de suivre la vie quotidienne du studio sans qu'il y ne se passe grand chose.

Aussi attachant que gênant

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Pour autant, le jeu est particulièrement beau, le style de Eiri Shirai sert de la meilleure des manières ce monde mêlant le réel et le fantasmé. Ses personnages bénéficient tous d'un soin et d'une personnalité qui s'analyse sans mal au premier coup d'oeil et s'insèrent parfaitement dans les décors, qui reprennent pour l'essentiel des rues d'Asakusa. D'autant plus que la bande originale accompagne l'ensemble de manière plutôt intéressante, à l'image de la chanson thème "World End Heaven", qui nous a mis dans une bonne humeur en commençant le jeu. Seulement voilà, au-delà de sa beauté et de la sympathie que nous inspirent quelques personnages, Our World is Ended souffre d'un mal plus profond qui nous a particulièrement gêné.

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Si l'on s'attend toujours, avec un visual novel, à avoir affaire à des blagues potaches et un champ libre pour toutes sortes de sous-entendus pervers, Our World is Ended peine à les raconter et se révèle vraiment trop peu subtile. Par exemple, la poitrine des héroïnes, de l'une d'elles en particulier, devient un running gag assez peu drôle et qui échoue rapidement, mais le jeu continue de s'appuyer dessus et de faire la même vanne toutes les cinq minutes pendant un long moment. Une blague non seulement très commune dans le genre, mais qui en plus devient particulièrement lourdingue quand le jeu commence ensuite à tirer sur la ficelle misogyne et avant de nous emmener vers des sous-entendus à base de tentacules et d'amour pour les (très) jeunes femmes et garçons, jusqu'à devenir particulièrement gênant sur quelques scènes. Sans verser dans un quelconque puritanisme, votre testeur étant même un habitué des jeux japonais, il a bien fallu admettre qu'un certain malaise s'était installé en cours de jeu avec des personnages finalement peu recommandables et à qui l'on n'oppose jamais rien. Ni aucune forme de contestation de leurs idées, ni vraiment de reproches face à des fantasmes clairement exprimés. Our World is Ended va particulièrement loin dans certains dialogues, des dialogues assez peu passionnants et gâche beaucoup de la sympathie que son design et ses personnages inspiraient dans les premières heures. Le jeu aurait certainement gagné à remettre en cause ses personnages, à profiter de ces perversions pour s'interroger sur le genre du visual novel et de l'animation japonaise, alors que le mélange entre réalité et virtuel offrait un boulevard pour un tel développement. Au lieu de ça, le jeu fonce tête baissée et ne fait que confirmer tous les préjugés que le public peut avoir sur les jeux japonais, pour le meilleur et pour le pire.

Conclusion

Intriguant et doté de bonnes idées avec cette histoire improbable de développeurs de jeux vidéo coincés entre réalité et virtuel, Our World is Ended partait sur de bonnes bases avec un système de jeu riche et des personnages attachants. Malheureusement, le jeu est rattrapé par des séquences aussi gênantes qu'attendues et qui nous déçoivent pas mal alors que d'autres visual novel, comme STEINS;GATE 0, parvenaient à utiliser ces clichés très japonais sans pour autant verser dans un vulgaire et dans un mauvais goût qui caractérisent beaucoup de scènes de ce Our World is Ended. En bref, à réserver à un public très averti qui n'est pas dérangé par ce genre de choses.

Test réalisé par Hachim0n sur Nintendo Switch à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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Plateformes Nintendo Switch, PlayStation 4, Windows
Genres Visual novel, asie, contemporain, fantasy, science-fiction

Sortie 9 novembre 2017 (Japon)
18 avril 2019 (France) (Nintendo Switch)
18 avril 2019 (France) (PlayStation 4)
28 mai 2019 (France) (Windows)

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