Les patrons de l'industrie du jeu sont-ils trop payés ?

Les patrons américains sont-ils trop payés ? La fondation As You Sow dresse son bilan annuel et intègre Bobby Kotick (Activision Blizzard) et Andrew Wilson (Electronic Arts) dans son top 100 des patrons qui ne méritent pas (toute) leur rémunération. 

Depuis le début des années 1990, la fondation à but non lucratif As You Sow s’est fait une spécialité d’examiner les pratiques des grandes sociétés américaines, afin de promouvoir une gestion menée « au profit des peuples, de la planète et des profits » – en partant du principe (confirmé notamment par des études menées par les Nations Unis) que les inégalités économiques conduisent à un impact négatif sur les investissements, à une augmentation du niveau d’instabilité des systèmes sociaux et financiers et à un ralentissement de la croissance économique ». Et fort du constat, As You Sow considère que les actionnaires ont le pouvoir d’influencer la gestion des sociétés dans lesquelles ils investissent et qu’ils devraient donc être les premiers à promouvoir davantage de justice sociale, autant par éthique personnelle pour leur propre profit.
Dans ce contexte, chaque année, As You Sow publie son « Top 100 des patrons trop payés » de l’économie américaine, établi en fonction de différents critères comme l’écart de rémunération entre le dirigeant et le salaire médian de ses salariés, le taux d’acceptation ou de refus de cette rémunération par les actionnaires ou encore le retour sur investissement des actionnaires. De quoi déterminer si le patron mérite ou non sa rémunération, au regard de ses résultats économiques ou de sa reconnaissance du travail réalisé par ses employés.

Bobby Kotick

Dans l'édition 2019 de ce top 100, on retrouve deux dirigeants de l’industrie du jeu : Bobby Kotick, le PDG d’Activision Blizzard et Andrew Wilson, celui d’Electronic Arts.
On y note que Bobby Kotick peut compter sur une rémunération de 28,7 millions de dollars par an (approuvée par 92% des actionnaires), soit environ 306 fois plus que le salaire médian des salariés d’Activision Blizzard, ce qui le classe 45e rang des patrons trop payés d’As You Sow – la fondation estime qu’il touche 12,8 millions de trop au regard de ses résultats. De son côté, Andrew Wilson touche 35,7 millions (97% des actionnaires ont voté en faveur de ce montant, le plus haut taux d'approbation de ce top 100), soit 371 fois plus que le salaire médian de ses salariés et selon la fondation, il est payé 19,6 millions de dollars de trop au regard de ses réels mérites.
À titre de comparaison, en moyenne, les patrons du S&P 500 (le CAC 40 américain) sont payés 142 fois plus que le salaire médian de leurs salariés – le chiffre est maintenant public outre-Atlantique et certains territoires aux Etats-Unis commencent à l'utiliser comme base de calcul de l'imposition des sociétés (plus le ratio est élevé, plus l'impôt l'est aussi, pour encourager davantage de justice sociale). Et si la fondation se satisfait de constater que les actionnaires contestent de plus en plus le montant des rémunérations des grands patrons américains (mais manifestement pas dans l'industrie du jeu), elle souligne aussi une tendance de rémunération à la hausse : en moyenne, les patrons du S&P 500 touchaient 11,5 millions par an en 2013 et le chiffre atteint 13,6 millions en 2017.

Chacun jugera de la légitimité (ou non) des rémunérations de Bobby Kotick et Andrew Wilson, mais l’annonce tombe plutôt mal au regard de l’actualité : le premier vient d’annoncer le licenciement de 8% des effectifs d’Activision Blizzard alors que son groupe enregistre des résultats record (manifestement dans le but de redresser le cours de bourse d’Activision Blizzard... et on note aujourd’hui que le sursaut constaté après l’annonce est déjà retombé) ; et le second concédait un dernier « trimestre décevant » du fait des résultats moins bons qu’escomptés de Battlefield V, même si on imagine qu’Apex Legends devrait contribuer à redonner des couleurs aux comptes d’Electronic Arts.

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