Changement de culture d'entreprise chez Blizzard, de « Diablo IV » à « Warcraft Go »

Diablo Immortal, récemment annoncé, tranche avec les précédents projets de Blizzard. Le jeu serait le fruit d'un long processus, marqué notamment par un changement de culture d'entreprise chez Blizzard, sous l'influence d'Activision.

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C’est une évidence, au début du mois, la BlizzCon 2018 ne s’est pas tout à fait déroulée comme prévue : la convention communautaire de Blizzard a été l’occasion de dévoiler Diablo Immortal et au lieu de susciter l’engouement escompté, le jeu a été accueilli très fraichement par les aficionados de Blizzard. Et pour mieux comprendre la genèse du développement de ce Diablo Immortal, Kotaku a mené l’enquête notamment auprès de salariés et d’anciens salariés de Blizzard – et elle s’avère riche d’enseignements.
On en retient notamment que la culture d’entreprise chez Blizzard a manifestement changé, depuis son rachat par Activision.

Une extension annulée pour Hadès, Fenris et Diablo Immortal

Selon Kotaku, l’histoire débute avec Diablo III : on s’en souvient, le jeu suscitait un engouement immense mais a déçu les joueurs à sa sortie, que ce soit du fait des bugs techniques du lancement ou de l’hôtel des ventes en argent réel, peu au goût des joueurs. Ces problématiques ont été réglées au gré des patchs et surtout suite au lancement de l’extension Reaper of Souls (plutôt saluée par la critique), mais manifestement, Diablo III reste un échec dans l’esprit de certains chez Blizzard et Activision.

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Une deuxième extension était manifestement prévue à la suite de Reaper of Souls, avant qu’elle ne soit annulée et que le développeur fasse le choix de faire table rase de Diablo III pour se concentrer sur le développement d’un Diablo IV. Un choix mal compris en interne par l’équipe en charge de la licence Diablo qui estimait avoir « appris des erreurs du lancement » de Diablo III et « rectifié le tir avec Reaper of Souls ».

Selon certains anciens membres des équipes de Blizzard, l'annulation de cette deuxième extension aurait été la pire erreur du studio de ces dernières années. Notamment parce que la Team 3, en charge de la licence Diablo, aurait été remaniée suite à cette annulation et plusieurs de ses membres clefs réaffectés à d’autres projets. Cette Team 3 remaniée se serait attelée au développement de Diablo IV et le projet aurait été laborieux : une première mouture du jeu (nom de code « Hadès », confiée à Josh Mosqueira) aurait été annulée car jugée peu convaincante et trop radicalement différente des précédents opus de la licence, avant que Josh Mosqueira ne quitte Blizzard en 2016 et qu’une seconde mouture du jeu ne soit initiée – nom de code « Fenris », confié cette fois à Luis Barriga. « Fenris » est toujours actuellement en développement : cette version aurait vocation à trancher avec Diablo III, s’inspirerait davantage de Diablo II avec l’ambition de renouer avec un univers sombre et gothique, en plus d’y ajouter des éléments sociaux en faisant un « MMO light » (sur le modèle d’un Destiny, par exemple). Mais à force de refontes, le projet ne serait pas attendu avant 2020.

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Ce sont notamment ces délais successifs qui expliqueraient les louvoiements de la licence depuis quelques années : comme le pack du Nécromancien, ou donc le développement de Diablo Immortal sur plateformes mobiles, visant à faire patienter les joueurs – en plus de rassasier les joueurs chinois, férus de la licence et des plateformes mobiles (selon l’une des sources anonymes de Kotaku, Diablo Immortal est « vraiment destiné à la Chine », trois autres indiquent que le jeu avait initialement vocation à sortir d’abord en Chine, avant de faire l’objet d’une localisation occidentale). Et de préciser que Diablo Immortal est développé conjointement par le groupe chinois NetEase et l’équipe « Incubation » de Blizzard, alors que Diablo IV est toujours confié à la Team 3. Il s’agirait donc bien de deux projets distincts, sans liens entre eux.

Mais pourquoi ne pas évoquer ce Diablo IV ? Manifestement parce que Blizzard serait « hanté par le spectre de Titan », ce jeu annulé après des années de développement, et qui engendrera finalement Overwatch. Mais pour Blizzard, Titan est synonyme d’échec et le studio serait dorénavant d’autant plus réticent à annoncer ses projets « trop tôt ».

Un changement de culture d’entreprise

Toutes les sources de l’enquête soulignent aussi que la plupart des projets de Blizzard émanent d’une volonté des équipes de développement – les développeurs sont les premiers joueurs et les premiers fans des projets du studio. Et de donner l’exemple du lead designer Cory Stockton, qui a longtemps travaillé au sein de l’équipe de développement de World of Warcraft, manifestement fan de Pokemon Go et qui s’est donc attelé à une adaptation du jeu mobile de Niantic dans l’univers de Warcraft, au sein de l'équipe « Incubation » de Blizzard. Ce « WarCraft Go » ne verra peut-être (sans doute) jamais le jour, mais le développeur a longtemps encouragé la liberté créatrice de ses équipes.

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Pour autant, les sources de Kotaku font aussi état d’un changement dans la culture d’entreprise de Blizzard, depuis le rachat du studio par Activision. Longtemps, le développeur a pu conserver son indépendance et son propre agenda – la marque « Blizzard » est importante et le studio prend le temps de développer ses jeux (on est loin des Call of Duty annuels d’Activision, par exemple).
Mike Morhaime, le président historique de Blizzard et récemment démissionnaire, cultivait cette image « d’anti-CEO », c’est-à-dire encourageant ses équipes « à faire de bons jeux sans se soucier de rentabilité » (aux designers de faire les jeux et il se chargeait de la rentabilité). Mais certaines des sources interrogées indiquent que pour la première fois cette année, les équipes de développement ont été sensibilisées à une culture d’économie : la réduction des coûts et les coupes budgétaires ont été présentées comme « une priorité », incitant les équipes à moins dépenser (le studio aurait recruté des administratifs en ce sens, pour traquer les possibles économies). Le taux de croissance des résultats de la société et la productivité du studio occuperaient une place plus centrale dans les processus de développement – fort des résultats d’Overwatch, la première « nouvelle licence » de Blizzard depuis longtemps, Activision ferait pression sur le développeur pour que des lancements de nouveaux projets soient plus fréquents.

Et là où Blizzard a longtemps cultivé sa différence, on constate maintenant un rapprochement entre Activision et Blizzard – certains des jeux d’Activision sont par exemple maintenant distribués sur Battle.net. Certains des ex-salariés interrogés par Kotaku indiquent avoir quitté Blizzard du fait de « l’influence croissante » d’Activision sur le développeur. Et on ne peut pas ne pas constater le départ récent de Mike Morhaime de la présidence de Blizzard – néanmoins remplacé par J. Allen Brack, Allen Adham et Ray Gresko, trois « historiques » du développement chez Blizzard. Reste à découvrir comment ils concilieront les relations entre Blizzard et Activision au cours des prochaines années à venir.

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